Place des Fêtes : un marché haut en couleur qui contraste avec la grisaille urbaine

Perchée sur les hauteurs de Belleville, à l’est de Paris, la place des Fêtes est encadrée de tours HLM construites entre 1957 et 1978. Si la grisaille domine, le marché qui s’y tient trois jours par semaine, donne toujours un air de liesse au lieu.

  • Située sur les hauteurs de Paris XIXe, la place des Fêtes est ceinturée de tours HLM. © Valentin Caball

« Oh wow ! » : le cabaret qui déjoue les stéréotypes de genre

Le collectif Cirque fier.e.s présentait son cabaret « Oh wow ! » au Consulat (Paris XIe), ce 22 décembre. Dans la conception de leurs numéros ou dans leur cadre de travail, ces artistes se démarquent de la tradition circassienne : ici, les rôles masculins et féminins ne sont pas figés.

Si les pratiques du cirque reposent, le plus souvent, sur une « une stricte division sexuelle du travail » selon Marine Cordier, sociologue, le collectif Cirque fier.e.s propose, lui, dans son spectacle cabaret Oh wow, une pratique en opposition avec les schémas hétéronormés. Lors de cette représentation unique au Consulat (Paris XIe) à quelques jours de Noël, Merry ­— qui se reconnaît en tant que femme (elle/elle) —  et Hybris — qui se reconnaît à la fois dans la non-binarité et le masculin (iel/il) — ont décidé, pour leur numéro, de ne « pas avoir le rôle de porteur unique et de voltigeur unique ». Une volonté de se démarquer de la tradition où supporter le poids d’un partenaire revient, toujours selon la sociologue, « à un costaud aux larges épaules ».

Lors d’une répétition du Cirque fier.e.s au Consulat, Paris XIe, le 19/12/2022. © Émeline Sauser

Une volonté de subvertir les assignations de genre

À la différence d’autres compagnies de cirque, où les assignations de rôles peuvent être genrées, ici, « chaque numéro est interprété par les artistes qui en ont, eux-mêmes, pensé la symbolique », précise Alexandre, chargé de production du collectif. Libre alors à Natrix de se produire dans un numéro de Drag-King, inspiré de la série Lucifer : « J’adore cette série, mais je déteste le personnage principal. Donc, je le remplace. » Ainsi est né « Le diable s’habille en cuir » où l’artiste détourne l’attitude virile de celui qui cumule les conquêtes féminines. Vêtu d’un pantalon en cuir qui laisse entrevoir des dessous en dentelle, il enchaîne figures acrobatiques et poses sur le mât pendulaire sur fond musical de Call me Devil.

« Éviter de reproduire des oppressions »

Cette liberté artistique est aussi liée à un cadre de travail où « il n’y a pas besoin de se poser de question » selon l’homme en costume de cuir et de dentelle : Natrix s’y sent à l’aise. Dans leur numéro, Alia et Iris — qui se reconnaissent toutes deux en tant que femme — évoquent les attouchements dont certains artistes de cirque ont pu être victimes dans leur carrière professionnelle. Une situation loin de celle qu’elles vivent au sein du collectif où la proximité est placée sous le signe de la bienveillance.

Iris, une des artistes du collectif, répète son numéro de tissu. © Émeline Sauser

« Évoluer dans les arts du cirque ne veut pas forcément dire que c’est un lieu où l’on se sent en sécurité », remarque Alexandre. La troupe aspire à créer un « safer place » : un espace où l’on « évite autant que possible de reproduire des systèmes d’oppression ».

Texte : Imane Lbakhar

Photos : Émeline Sauser

Prix des entrepreneurs handicapés : un restaurateur sourd du XIe récompensé

Le gérant du restaurant parisien 1000 & 1 Signes est sourd. Le 8 novembre 2022, il a reçu le prix de l’entrepreneur de l’année, lors de la 5e édition des Trophées H’up, qui récompensent des parcours d’entrepreneurs handicapés.

Sid Nouar, 43 ans, vient d’être élu lauréat du prix de l’entrepreneur de l’année lors des trophées 2022, organisé par H’up entrepreneurs, qui accompagne des entrepreneurs en situation de handicap. Cet ancien professeur des écoles sourd est patron depuis onze ans. Le nom de son restaurant marocain, 1000 & 1 Signes, traduit ce qui le caractérise : il est à la croisée des « Mille et une nuits » et de la langue des signes.

Une marque de reconnaissance

Sid Nouar a été très surpris de recevoir un mail de félicitations de la part de l’association, lui annonçant que son dossier était sélectionné pour participer au gala des trophées : « C’est Sophie, ma chargée des ressources humaines, sourde elle aussi, qui a rempli le formulaire de candidature en juin dernier, sans m’en informer », sourit le patron.

Cent candidats avaient postulé dans l’espoir de recevoir un des six prix de cet événement annuel. « Ce titre est le plus valorisant de tous », s’émerveille Sid Nouar. Il précise que ce prix, qui n’est pas doté d’une enveloppe financière, est surtout une marque de reconnaissance du travail accompli. C’est aussi une manière de profiter du réseau de H’up entrepreneurs.

Sid Nouar, responsable du restaurant le 1000 & 1 Signes. Paris XIe. © Nathalie Fristot

« Je suis fier de mon patron »

Après s’être familiarisé avec la restauration dans différents établissements, Sid Nouar a acheté son local en 2018. Situé dans le XIe arrondissement, le restaurant est une invitation à découvrir l’identité sourde. Sur les murs, à côté d’un néon fluorescent au nom du restaurant, des tableaux permettent à tous les clients, entendants ou sourds, d’apprendre quelques mots ou expressions en langue des signes française : « gâteaux arabes », « merci »…

En cuisine, Sid Nouar est entouré de Hadamou, 24 ans, commis, de Mikaël, 41 ans, chef, et de Johanna, 23 ans, serveuse et étudiante en intervention sociale à l’université de Créteil. Tous sont sourds et pratiquent la langue des signes, un atout essentiel dans ce restaurant. « Je suis fier de mon patron, confie Mikaël, et de travailler dans cet environnement positif et serein. »

Au-delà de la récompense et de la fierté, ce prix permet également aux sourds de se débarrasser de leurs idées reçues, comme le souligne Hadamou : « Je pensais que les sourds n’étaient pas faits pour gérer une entreprise, mais Sid nous prouve le contraire chaque jour ! »

Renseignements : 1000 & 1 Signes

Texte : Michaël Mannarino

Photos : Nathalie Fristot

Plus de 3000 sans-abri meurent dehors en France selon les estimations du Collectif les morts de la rue

Le Collectif les morts de la rue dénombre pas moins de 451 décès de personnes « sans chez-soi » en 2022 sur l’ensemble du territoire français, dont 161 à Paris. Pour les membres de l’association, ces données sont très loin de la réalité.

L’association Le Collectif les morts de la rue a recensé 451 décès de personnes sans domicile en France entre le 1er janvier et le 10 décembre 2022. À Paris, ils en ont compté 161. Un chiffre « provisoire » et « en-dessous de la réalité », souligne Chrystel Estela, coordinatrice de l’association, qui précise qu’« en croisant nos données avec celles de l’Inserm [Institut national de la santé et de la recherche médicale], nous estimons qu’il y a en réalité cinq fois plus de morts ». Le dernier rapport du Collectif estime ainsi à 3024 le nombre de sans domicile morts non recensés en France en 2021, en plus des 620 recensés par l’association la même année. Selon l’Insee, il y avait 133 000 sans domicile en 2011.

Le rapport du Collectif les morts de la rue, dont la sortie est prévue en octobre 2023, n’est pas exhaustif. D’abord, parce que les données ne sont pas transmises en temps réel : l’association continue de recevoir, en 2022, des signalements de décès pour l’année 2021. D’autre part, parce que l’association dépend du bon vouloir de chacun pour remonter le décès des sans domicile. Presse, hôpitaux, municipalités, commissariats, riverains « ne nous connaissent pas toujours, ou bien n’ont pas le réflexe de nous contacter », explique Chrystel Estela.

L’association du XIXe arrondissement de Paris est l’unique institution qui collecte des données sur les morts de personnes sans domicile en France. Depuis 2012, elle publie chaque année un rapport sur le sujet. L’étude de 2021 nous apprend que les sans-abri ont une espérance de vie de 48 ans, contre 83 ans au sein de la population générale en France.

  • Une des affiches du Collectif les morts de la rue, tenue par les bénévoles. Paris XIXe, 22/12/2022. © Zoé Perrin

Texte : Guilhem Bernes

Photos : Zoé Perrin

XXe arrondissement : un studio radio portable pour donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas

Une quinzaine d’enfants de 6 à 10 ans ont été initiés à la prise de parole ce jeudi 22 décembre dans une association d’éducation populaire du XXe arrondissement de Paris. Un premier atelier d’une série qui vise à favoriser l’expression de celles et ceux qu’on entend peu dans les médias.

« Qu’est-ce que tu as aimé en 2022 ? » « La journée sportive avec l’école, parce qu’on a fait du foot », répond avec un grand sourire Hamza à Fabrice qui anime l’atelier radio ce jeudi après-midi. Pour la première fois à l’Association d’éducation populaire Charonne Réunion (AEPCR) du XXe, une quinzaine d’enfants entre 6 et 10 ans testent la nouvelle Radiobox. Studio compact et simplifié, ce boîtier portable permet d’enregistrer et de diffuser des programmes radio partout. En offrant un lieu d’expression aux jeunes, cet atelier s’insère dans la mission de l’association qui promeut le vivre-ensemble.

« Poser des questions responsabilise et valorise »

L’objectif de cette Radiobox ? « Redonner la parole à des publics qui ont l’impression qu’on la leur a confisquée », résume Yahia Adane, directeur de la structure. Concrètement, cette radio portable permettra d’aller à la rencontre des gens du quartier en faisant des ateliers à l’extérieur des locaux de l’association, de réaliser des interviews et des débats ou de faire connaître les structures de proximité.

Les enfants se succèdent au micro. Certains en profitent pour plaisanter, comme Naïm qui lance tout fier : « Je suis la star du foot ! » D’autres, plus timides, ne répondent que par bribes. Cette expérience fait cependant des heureux, à l’image de Lazare, 6 ans, qui conclut, un sourire malicieux en coin : « J’ai bien aimé. »

L’activité radio du centre de loisirs de l’Association d’éducation populaire Charonne-Réunion. Paris XXe, 22/12/22. © Ophélie Loubat

Pour Aline Grasperge, qui poursuit une thèse en sciences de l’éducation et travaille à l’AEPCR, « cet outil paraît anodin mais ne l’est pas. Il permet de donner la parole aux voix inaudibles et de parler du quotidien ». Quant à Sanhadja Akhrouf, éducatrice à la protection judiciaire de la jeunesse qui suit des jeunes passant leur Bafa (brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) dans l’association, elle estime qu’ « être en situation de poser des questions responsabilise et valorise. »

Une radio née du confinement

Le début de l’aventure radiophonique remonte au premier confinement, lorsque David, un des animateurs, a organisé et enregistré des débats à distance avec des jeunes. Portant sur cette période et ses conséquences, les échanges étaient mis en ligne sur la chaîne YouTube Radio’Charonne. Par la suite, David a découvert la Radiobox, produite par Making waves, une association qui vise à rendre la radio accessible à tous. Son acquisition a été financée par la caisse d’allocations familiales, avec le soutien de la mairie de Paris, convaincue que ce projet correspond à la mission sociale de la structure.

Le deuxième épisode de l’aventure est prévu la semaine prochaine au même endroit. Ce sera au tour des ados de tenir le micro. Naïm réitèrerait bien l’expérience. Avant de céder sa place à un autre enfant, il s’exclame : « Ah! J’aime trop parler dans les micros! »

Texte : Perrine Kempf

Photos : Ophélie Loubat

Wajdi Mouawad : « Mon travail avec la Jeune troupe, c’est d’éveiller les possibles »

EntretienLa première promotion de la Jeune troupe du théâtre de La Colline achève son parcours fin décembre. Une nouvelle troupe verra le jour en février. Pour Wajdi Mouawad, directeur du théâtre, accompagner ces jeunes comédiens est une responsabilité et un défi : ne pas faire à leur place.

Comment vous est venue l’idée de constituer cette Jeune troupe ?

Wajdi Mouawad : Pendant l’occupation de La Colline par des étudiants en théâtre en mars 2021 [mouvement qui réclamait la réouverture des lieux culturels durant le deuxième confinement, NDLR], nous avons entendu ceux qui nous disaient : « Nous qui n’avons pas été acceptés dans des écoles, on fait quoi ? » L’idée de cette troupe est née de ce sentiment d’abandon. Avec l’équipe du théâtre, on voulait vraiment permettre à tous d’avoir les mêmes chances. D’emblée, on leur a dit : « Vous allez être payés pendant un an. » C’est déjà énorme. Réfléchir, se poser des questions et pouvoir, peut-être, faire le point sans pression entre la fin de leur formation et le début de leur carrière professionnelle. Qu’il y ait un avant et un après.

Comment choisissez-vous les participants ?

Il n’y a pas de CV. Ils doivent répondre en vidéo, en son, en musique… à une question plutôt philosophique. Les personnes retenues viennent faire un stage de trois jours au théâtre. Avec Lucie Digout, coordinatrice artistique, nous travaillons avec eux. Très vite, on voit des personnalités se dégager. Leur disponibilité, leur curiosité, leur écoute, mais aussi la manière avec laquelle ils appréhendent le lieu sont des notions très importantes pour choisir les six jeunes artistes. Constituer un groupe, c’est très subtil. C’est comme essayer de voir l’avenir.

Quel bilan tirez-vous de cette première expérience ?

Ce qui est positif, c’est la manière dont ils se sont acceptés et appuyés les uns sur les autres, la manière dont l’humour est apparu entre eux. Toutes les aventures n’ont pas été flamboyantes, certaines ont été difficiles, mais le plus important, pour moi, c’est que pendant une année, ils ont fréquenté un théâtre de la tête aux pieds, fait partie de l’équipe, rencontré les différents métiers.

Un nouveau groupe arrive en février. Comment envisagez-vous votre collaboration ?

Ils sont tellement bouleversants… Il va falloir prendre soin d’eux et être à la hauteur de l’émotion qu’ils y mettent. J’ai une responsabilité : répondre à leurs aspirations, même s’ils vont être déçus. Mais cette déception m’intéresse justement parce qu’elle est constitutive : jusqu’à quel point met-on sa liberté entre les mains des autres ?

Je ne veux rien leur imposer d’entrée. Il y a le cadre : regarder les spectacles de la saison, rencontrer les artistes qui vont venir, participer, d’une manière ou d’une autre, à toutes les actions que le théâtre mène auprès des jeunes, des étudiants… Je leur demande ce qui leur ferait plaisir dans l’idéal, quel spectacle ils aimeraient accompagner. Mais le plus important, pour moi, c’est m’assoir avec eux régulièrement pendant le premier mois, les écouter, leur parler. De là vont naître des choses, va naître un désir. Je ne sais ce qu’il sera. Ne pas faire à leur place, évidemment. S’ils ont envie de faire un spectacle, que ce soit eux qui l’écrivent, pas moi. Que cela leur appartienne.

Wajdi Mouawad : « Le plus important, pour moi, c’est m’assoir avec eux, les écouter, leur parler. » © Émeline Sauser

Ils vont s’ennuyer, avoir des moments de flottement. Mais c’est tellement précieux d’avoir, dans sa vie professionnelle, la possibilité de ralentir. Il y a des destinations intérieures auxquelles on ne peut arriver, qu’on ne peut atteindre qu’en suivant ce chemin : le chemin du vide, du non-cadre. Il y a une année intérieure et une année extérieure. L’extérieur, c’est le théâtre, ce qu’ils vont faire en termes d’activités, de relations publiques. Mais il y a aussi un voyage intérieur à faire. Moi, mon travail est d’essayer d’éveiller leur désir et surtout les possibles : on essaie ; si ça ne marche pas, ce n’est pas grave. C’est comme ça que j’essaie de les accompagner.

Propos recueillis par Valérie Barrier

Photos : Émeline Sauser

Grèves de Noël à la SNCF : des habitants de l’Est parisien à la recherche de solutions alternatives

À la veille de Noël, des centaines de trains ont été supprimés en raison d’une grève des contrôleurs de la SNCF. Pour rejoindre leurs proches, des habitants de l’Est parisien cherchent des solutions de secours, quitte à payer plus cher et à allonger leur temps de trajet.

Sur les téléphones portables de 200 000 Français, un message s’affiche : « Votre train est supprimé en raison d’un mouvement social local. » Faute de négociations avec les contrôleurs en grève, SNCF voyageurs annonce : « Si vous souhaitez reprogrammer votre voyage ou obtenir son remboursement sans frais, nous vous invitons, avant départ, à vous rendre sur le site de nos agences agréées ou dans l’un de nos autres points de vente. » Contraints de devoir se déplacer en gare à la dernière minute, certains voyageurs de l’Est parisien favorisent des solutions alternatives pour réveillonner en famille.

Pour Claro, rejoindre sa petite amie à Pau est un vrai casse-tête : « Quand mon train a été annulé vendredi 16 décembre, j’ai commencé à stresser. En allant sur l’application SNCF, j’ai vu qu’il était possible de faire le trajet la veille pour le même prix. » Son retour dans la capitale l’inquiète : « Je ne sais pas quand je pourrai rentrer chez moi. »

Des voyageurs attendent un train pour rejoindre leurs proches à Noël. Gare de Lyon, Paris XIIe, 23/12/2022. © Antoine Mermet

Tout le monde n’a cependant pas la chance de trouver un billet au même prix que le précédent.  « Avec mon copain, nous devions partir le 24 au matin chez mon grand-père qui habite près de Bordeaux. Nous avons pris nos billets début novembre », explique Loreleï en larmes. A l’annonce de la suppression de son train, la jeune femme de 21 ans n’a réussi à trouver qu’un Flixbus à 180€. Il partira le 24 au soir et arrivera à Bordeaux le 25 au matin. « On va aller directement dans un point de vente SNCF pour se faire rembourser parce qu’en ligne, ils ne proposent que des bons d’achat ou un échange », conclut-elle.

Un trajet d’une dizaine d’heures au lieu de deux

Prix excessifs et temps de trajet plus long : les Français sont prêts à tout pour voir leurs proches. Victoire est exaspérée : « Vendredi 23, j’aurais dû partir à Rennes pour voir des amis et reprendre un TER pour rentrer à Vannes chez mes parents. » La voilà maintenant contrainte de réaliser un trajet d’une dizaine d’heures pour un voyage qui se fait habituellement en deux heures trente : prendre un premier TER jusqu’au Mans, attendre trois heures, prendre un TGV jusqu’à Sablé-sur-Sarthe, sauter dans un TER jusqu’à Rennes et, enfin, prendre un quatrième train jusqu’à Vannes.

Dans la gare routière de Paris Bercy, les bus affichent complets. Paris XIIe, 23/12/2023. © Enzo Sultan

Malgré leur colère, les Parisiens gardent la tête froide. Luca devait partir le 23 décembre au matin. Il a fini par « prendre un bus de nuit à 23h jeudi soir pour arriver à 7h à Bordeaux. » Malgré son agacement, il exprime son soutien aux grévistes : « Proposer 2% d’augmentation aux contrôleurs quand les pâtes et le riz ont augmenté de 20%, c’est honteux. »

Texte : Margot Bonnéry

Photos : Antoine Mermet et Enzo Sultan

 

À la maternité des Diaconesses, les soignants se réjouissent de fêter Noël entre collègues

Pour l’équipe soignante de la maternité des Diaconesses, être de garde le soir du réveillon est un rituel joyeux malgré la charge de travail. C’est aussi, pour certains, une échappatoire aux réunions familiales.

« C’est agréable de voir la vie ! », s’exclame Olivia, secrétaire médicale depuis mars dernier à la maternité des Diaconesses à Paris XIIe. Depuis 2019, les clochettes de Noël n’y avaient pas sonné. Cette année, une crèche a été installée dans le hall d’entrée et, le soir du réveillon, deux couples de danseurs donneront une performance dans les couloirs du service. « Nous avons un peu initié le mouvement ! Quand les sages-femmes et les patientes entrent dans notre bureau décoré, elles ont le sourire », lance Clémentine, une collègue d’Olivia.

« On essayera de donner de la joie aux familles »

« Je ne sens pas encore la magie de Noël. C’est plus le jour J qu’on la sent », confie Estelle, infirmière au sein de l’unité Kangourou, un service de puériculture dédié aux prématurés. « On organise toujours un petit dîner entre nous », indique l’infirmière qui travaillera le 24 décembre. Chaque membre de l’équipe a inscrit sur un petit tableau, situé dans la salle de repos, ce qu’il compte apporter. « On essayera de donner de la joie aux familles. Globalement, il y a toujours une atmosphère plus détendue à Noël », témoigne Blandine, sage-femme depuis deux ans et demi. Elle aussi passera le réveillon à la maternité, comme par le passé.

 

Clémentine et Olivia, toutes deux secrétaires médicales à la maternité des Diaconesses, Paris XIIe. Décembre 2022. © Claire Corrion

« C’est toujours très festif en dépit de la quantité de travail »

Thierry, gynécologue-obstétricien et ancien chef de service de la maternité, a aussi connu plusieurs soirs de garde, le 25 décembre. Pour lui, travailler pendant les fêtes de fin d’année s’avère un bon prétexte pour échapper aux obligations familiales : « C’est l’avantage de passer les fêtes à la maternité ! C’est toujours très festif en dépit de la quantité de travail. Mais, évidemment, il ne faut pas le dire », ajoute-t-il en riant.

Texte : Bérénice Paul

Photos : Claire Corrion

La bibliothèque municipale Fessart, dans le XIXe, devrait bientôt s’appeler Jacqueline Dreyfus-Weil

L’exposition des 100 ans de la bibliothèque Fessart, prolongée jusquau 7 janvier 2023, fait ressurgir les figures féminines importantes de l’institution. Un hommage particulier est rendu à Jacqueline Dreyfus-Weil qui devrait donner son nom à l’établissement en mai 2023.

« Donner un nom à un établissement public, c’est rendre hommage à une figure marquante, c’est inscrire un héritage de valeur dans un territoire et c’est, enfin, conforter l’ambition du lieu », déclare François Dagnaud, maire du XIXe devant le Conseil de Paris. Ce sont la directrice actuelle de la bibliothèque Fessart, Christine NGuyen-Fau, et son adjointe Laura Vallée, qui ont suggéré de la rebaptiser du nom de Jacqueline Dreyfus-Weil. Une commission de changement de nom confirmera la modification officielle, prévue pour le mois de mai 2023.

Mais qui était Jacqueline Dreyfus-Weil (1938-1943) ? Elle exerce en 1932 à la bibliothèque Forney, puis participe au lancement des ateliers de lecture et de contes de la bibliothèque municipale L’Heure joyeuse, dans le Ve, avant d’arriver rue Fessart. Intervenante en section jeunesse de 1934 à 1937, elle met en œuvre les principes de l’éducation nouvelle, un mouvement de réforme pédagogique plaçant l’enfant, plutôt que les savoirs, au centre de l’activité éducative. Elle documente abondamment ses expériences pédagogiques par des notes. Après sa mort, son mari fait don de tous les écrits et notes de son épouse au fonds patrimonial de L’Heure joyeuse.

Un nouveau modèle de bibliothèques

Après la Première Guerre mondiale, le Comité américain des régions dévastées (Card) crée des bibliothèques à la demande du public qui réclame des livres. « À l’inverse des bibliothèques parisiennes de l’époque, souvent reléguées dans un coin de salle municipale ou d’école, les bibliothèques créées par le Card étaient des lieux spécifiquement dédiés, accueillants et agréables à fréquenter », explique Christine NGuyen-Fau.

Autre nouveauté : « La jeunesse, jusque-là rarement admise dans les bibliothèques, devient un public cible pour lequel des actions en faveur de l’éducation sont menées. » La bibliothèque Fessart ouvre ainsi ses portes le 2 novembre 1922.

En mai 2023, la bibliothèque Fessart devrait devenir la bibliothèque Jacqueline Dreyfus-Weil. © Valentin Caball

Des femmes professionnalisent leur pratique dans l’entre-deux-guerres

Afin d’ouvrir une nouvelle carrière aux femmes, l’Américaine Jessie Carson, bibliothécaire de la New York Public Library, engagée par le Card, obtient que les premières bibliothécaires françaises soient formées aux États-Unis. C’est dans cette mouvance que Jacqueline Dreyfus-Weil se forme aux méthodes de l’éducation nouvelle. Elle s’engage à mettre en place des espaces destinés à des activités culturelles pour enfants et devient référente en la matière.

Donner à la bibliothèque Fessart le nom de cette professionnelle passionnée et engagée permet de rendre hommage à une femme qui a œuvré au rayonnement de l’établissement. L’anniversaire de la bibliothèque est tout à la fois l’occasion d’une exposition, d’une commémoration et d’un baptême. L’exposition est prolongée jusqu’au 7 janvier 2023. Il est possible de préparer cette découverte grâce à une visite numérique sur le site des bibliothèques de Paris.

Texte : Valérie Barrier

Photos : Valentin Caball

Inflation : une pâtisserie végane assure limiter la hausse des prix

Malgré l’envolée du coût des matières premières et de l’énergie, cette pâtisserie végane du XIe arrondissement de Paris parvient à modérer la répercussion de la hausse des prix sur ses clients en cette fin d’année.

Comme tous les artisans, VG Pâtisserie, première pâtisserie artisanale végétale bio de France, est confrontée à l’inflation et à la hausse des coûts de l’énergie. Pour autant, ses tarifs ne flambent pas : « On essaie de s’aligner sur ceux d’une boulangerie classique parisienne, même si nos matières premières sont plus chères », assure Célia Brégier, responsable de la pâtisserie.

Si le kilo de farine de blé classique (T55) est à 1,35 euro, il faut compter 1,60 euro pour sa version bio. Les marges de VG Pâtisserie en sont d’autant plus réduites. Dans cette boutique, les viennoiseries ont augmenté de 5 centimes, les cookies de 20 centimes, les produits de Noël de 30 centimes par rapport à l’année dernière. « On aurait pu augmenter plus, mais on ne l’a pas fait par rapport à la clientèle », détaille Célia Brégier. Pour compenser cette perte, la responsable confie que des économies sont faites sur l’électricité et que la gestion des stocks se fait en flux tendu.

VG Pâtisserie, Paris XIe, 20/12/2022. © Ophelie Loubat

Des clients qui viennent de loin

Chez VG pâtisserie, la bûche aux fruits rouges ou au chocolat pour six personnes est à 35 euros (soit 2 euros de plus que l’an dernier) et la buchette individuelle à 5,80 euros (30 centimes de plus qu’en 2021). Dans une pâtisserie traditionnelle, le prix d’une bûche pour six personnes oscille de 35 à 52 euros.

« C’est appréciable pour nous, les véganes, de ne pas avoir à payer trop cher pour un pain au chocolat ou un croissant », souligne Julie Thomas, une habituée de la pâtisserie de 27 ans. Habitante d’Anvers, en Belgique, elle vivait jusqu’à l’an dernier dans le XXe arrondissement, non loin de la boutique. « Les prix ici sont plus bas qu’à Anvers, où un pain au chocolat végane coûte facilement 2,5 euros », précise-t-elle.

Avant de rentrer passer les fêtes à Barcelone, Aela Sarraute, étudiante de 18 ans, est venue récupérer une commande pour sa mère. Elle a fait le plein, car « là-bas, les pâtisseries véganes sont beaucoup plus chères ». Elle confie payer 3 euros le croissant à Barcelone, « alors qu’ici il n’est qu’à 1,20 euro, quasiment le même prix que dans une boulangerie classique ». Ce qui est très raisonnable selon elle.

Texte : Pamela Eanga

Photos : Ophélie Loubat