Prix des entrepreneurs handicapés : un restaurateur sourd du XIe récompensé

Le gérant du restaurant parisien 1000 & 1 Signes est sourd. Le 8 novembre 2022, il a reçu le prix de l’entrepreneur de l’année, lors de la 5e édition des Trophées H’up, qui récompensent des parcours d’entrepreneurs handicapés.

Sid Nouar, 43 ans, vient d’être élu lauréat du prix de l’entrepreneur de l’année lors des trophées 2022, organisé par H’up entrepreneurs, qui accompagne des entrepreneurs en situation de handicap. Cet ancien professeur des écoles sourd est patron depuis onze ans. Le nom de son restaurant marocain, 1000 & 1 Signes, traduit ce qui le caractérise : il est à la croisée des « Mille et une nuits » et de la langue des signes.

Une marque de reconnaissance

Sid Nouar a été très surpris de recevoir un mail de félicitations de la part de l’association, lui annonçant que son dossier était sélectionné pour participer au gala des trophées : « C’est Sophie, ma chargée des ressources humaines, sourde elle aussi, qui a rempli le formulaire de candidature en juin dernier, sans m’en informer », sourit le patron.

Cent candidats avaient postulé dans l’espoir de recevoir un des six prix de cet événement annuel. « Ce titre est le plus valorisant de tous », s’émerveille Sid Nouar. Il précise que ce prix, qui n’est pas doté d’une enveloppe financière, est surtout une marque de reconnaissance du travail accompli. C’est aussi une manière de profiter du réseau de H’up entrepreneurs.

Sid Nouar, responsable du restaurant le 1000 & 1 Signes. Paris XIe. © Nathalie Fristot

« Je suis fier de mon patron »

Après s’être familiarisé avec la restauration dans différents établissements, Sid Nouar a acheté son local en 2018. Situé dans le XIe arrondissement, le restaurant est une invitation à découvrir l’identité sourde. Sur les murs, à côté d’un néon fluorescent au nom du restaurant, des tableaux permettent à tous les clients, entendants ou sourds, d’apprendre quelques mots ou expressions en langue des signes française : « gâteaux arabes », « merci »…

En cuisine, Sid Nouar est entouré de Hadamou, 24 ans, commis, de Mikaël, 41 ans, chef, et de Johanna, 23 ans, serveuse et étudiante en intervention sociale à l’université de Créteil. Tous sont sourds et pratiquent la langue des signes, un atout essentiel dans ce restaurant. « Je suis fier de mon patron, confie Mikaël, et de travailler dans cet environnement positif et serein. »

Au-delà de la récompense et de la fierté, ce prix permet également aux sourds de se débarrasser de leurs idées reçues, comme le souligne Hadamou : « Je pensais que les sourds n’étaient pas faits pour gérer une entreprise, mais Sid nous prouve le contraire chaque jour ! »

Renseignements : 1000 & 1 Signes

Texte : Michaël Mannarino

Photos : Nathalie Fristot

Inflation : une pâtisserie végane assure limiter la hausse des prix

Malgré l’envolée du coût des matières premières et de l’énergie, cette pâtisserie végane du XIe arrondissement de Paris parvient à modérer la répercussion de la hausse des prix sur ses clients en cette fin d’année.

Comme tous les artisans, VG Pâtisserie, première pâtisserie artisanale végétale bio de France, est confrontée à l’inflation et à la hausse des coûts de l’énergie. Pour autant, ses tarifs ne flambent pas : « On essaie de s’aligner sur ceux d’une boulangerie classique parisienne, même si nos matières premières sont plus chères », assure Célia Brégier, responsable de la pâtisserie.

Si le kilo de farine de blé classique (T55) est à 1,35 euro, il faut compter 1,60 euro pour sa version bio. Les marges de VG Pâtisserie en sont d’autant plus réduites. Dans cette boutique, les viennoiseries ont augmenté de 5 centimes, les cookies de 20 centimes, les produits de Noël de 30 centimes par rapport à l’année dernière. « On aurait pu augmenter plus, mais on ne l’a pas fait par rapport à la clientèle », détaille Célia Brégier. Pour compenser cette perte, la responsable confie que des économies sont faites sur l’électricité et que la gestion des stocks se fait en flux tendu.

VG Pâtisserie, Paris XIe, 20/12/2022. © Ophelie Loubat

Des clients qui viennent de loin

Chez VG pâtisserie, la bûche aux fruits rouges ou au chocolat pour six personnes est à 35 euros (soit 2 euros de plus que l’an dernier) et la buchette individuelle à 5,80 euros (30 centimes de plus qu’en 2021). Dans une pâtisserie traditionnelle, le prix d’une bûche pour six personnes oscille de 35 à 52 euros.

« C’est appréciable pour nous, les véganes, de ne pas avoir à payer trop cher pour un pain au chocolat ou un croissant », souligne Julie Thomas, une habituée de la pâtisserie de 27 ans. Habitante d’Anvers, en Belgique, elle vivait jusqu’à l’an dernier dans le XXe arrondissement, non loin de la boutique. « Les prix ici sont plus bas qu’à Anvers, où un pain au chocolat végane coûte facilement 2,5 euros », précise-t-elle.

Avant de rentrer passer les fêtes à Barcelone, Aela Sarraute, étudiante de 18 ans, est venue récupérer une commande pour sa mère. Elle a fait le plein, car « là-bas, les pâtisseries véganes sont beaucoup plus chères ». Elle confie payer 3 euros le croissant à Barcelone, « alors qu’ici il n’est qu’à 1,20 euro, quasiment le même prix que dans une boulangerie classique ». Ce qui est très raisonnable selon elle.

Texte : Pamela Eanga

Photos : Ophélie Loubat

Monoprix de Vincennes : les locaux ne changent pas leurs habitudes de consommation face à l’inflation

Le Val-de-Marne est le troisième département de France le plus touché par la hausse des prix : + 9,3 % par rapport à la moyenne nationale, selon une étude menée par l’institut NielsenIQ, publiée début décembre 2022. À Vincennes, certains habitants ne se sentent pas concernés par l’inflation. 

À l’entrée du Monoprix de Vincennes, le décor des fêtes de fin d’année est bien installé : un automate à l’effigie du Père Noël répète en boucle les chants traditionnels. Au rayon des vins, les Vincennois échangent des conseils sur la cuisson du foie gras pendant que d’autres clients quittent le magasin, les bras chargés de cadeaux, de boîtes de chocolats et de petits plats cuisinés par des traiteurs. Une enquête de novembre 2022 menée par nos confrères du journal Le Parisien indique que le prix du panier Monoprix est l’un des plus chers au niveau national avec 40,30 €, juste derrière Franprix qui détient la première place (40,86 €), Lidl restant le moins cher (17,39 €). Une étude menée par l’institut NielsenIQ, publiée début décembre sur le site de FranceInfo, révèle que le Val-de-Marne est le troisième département le plus cher de France : les prix y sont 9,3 % plus élevés que la moyenne nationale. Paris reste le département le plus cher du pays (19,3 %).

Salaires nets moyens mensuels des habitants de Vincennes en 2019. Source JDN d’après l’Insee.

« Je ne compte pas vraiment ce que j’achète »

Alexandre, 30 ans, cadre supérieur, passe ses courses à une caisse automatique : « Je suis assez peu regardant sur le prix des aliments, je préfère acheter de la qualité, même si je sais que c’est un peu plus cher. » Le trentenaire précise : « Je suis allé dans le supermarché le plus proche de chez moi. » Théodore, un directeur artistique âgé de 39 ans, admet qu’il ne prête pas attention à ce qu’il dépense : « L’inflation est visible sur le montant de la note à la caisse, mais je ne compte jamais ce que j’achète. J’aime me faire plaisir. » Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, la catégorie socioprofessionnelle la plus représentée à Vincennes est celle des cadres et des professions intellectuelles supérieures : elle représente 30,8 % de la population de la commune. Un chiffre bien au-dessus de la moyenne nationale (19 %). Le salaire net moyen d’un cadre vincennois ? 4 955 € mensuel.

Texte : François Bourlier

Photos : Emeline Sauser

Livraisons intra muros : pour Ikéa, « le transport fluvial est beaucoup plus économique que la route »

Entretien – Fin décembre 2022, Ikéa livrera jusqu’à 455 colis par jour à ses clients parisiens par bateau et véhicules électriques à partir du port de Bercy (XIIe), assure Émilie Carpels, directrice du projet fluvial de l’enseigne. Un défi écologique, mais rentable, pour anticiper le Plan climat de la Mairie de Paris.

Qu’est-ce qui a poussé Ikéa à modifier ses modes de livraison dans Paris intra muros ?

Émilie Carpels : Les commandes par internet de nos clients ont augmenté de 10 % en 2019 et 20 % en 2022. Dans la capitale, ce sont 300 000 km qui sont parcourus en moyenne par an pour assurer la livraison des marchandises aux Parisiens. Or on sait que les émissions de CO2 sont beaucoup plus importantes en ville, ce qui a un impact négatif sur l’environnement. Les livraisons sont ainsi devenues un problème environnemental majeur. D’autre part, la Mairie de Paris s’est donné pour objectif d’atteindre zéro véhicule essence à Paris en 2030. Il fallait anticiper, nous mettre aux normes environnementales.

Qu’avez- vous fait pour concilier exigences commerciales et objectifs environnementaux ?

Nous avons d’abord construit un centre de tri de huit hectares dans le port de Gennevilliers. C’est le point d’arrivée de tous nos camions provenant de nos usines en Europe. En 2022, nous avons également installé une infrastructure dans le port de Bercy avec des véhicules électriques destinés à faire les livraisons dans Paris intra muros.

Le transport fluvial est beaucoup plus économique que la route et rejette cinq fois moins de CO2 dans l’atmosphère. C’est pourquoi nous avons souhaité le privilégier. Les colis arrivent par route à Gennevilliers, puis la préparation des livraisons dans des containers plus petits, davantage adaptés au transport fluvial, se fait dans la journée. Ces derniers sont ensuite chargés sur une péniche qui part chaque jour à 16h du port de Gennevilliers. Après quatre heures de navigation, le bateau accoste dans le port de Bercy. Pendant la nuit, chaque container est déchargé et installé sur un véhicule électrique. Dès 7h30 le lendemain matin, tous nos camions sont prêts à partir pour les livrer les colis aux clients.

Déchargement d’un container Ikéa au port de Bercy. © Havas Group

Quels sont vos objectifs à court et moyen terme ?

Fin décembre 2022, nous pourrons livrer 455 colis par jour. Pour le moment, seuls les XVIIe et XVIIIe arrondissements de Paris ne sont pas livrés par véhicules électriques, mais dès janvier 2025, toutes les  livraisons se feront de cette manière. D’autre part, un nouvel entrepôt devrait voir le jour dans le port de Limay (78) et sera opérationnel en 2026. Nous comptons sur l’augmentation de l’e-commerce pour amortir rapidement ces investissements.

Propos recueillis par Christophe Vallée

Photos : Havas Group

 

 

Cadeaux de Noël et inflation : les Parisiens ajustent leurs dépenses

À la Grande Récré de la Porte des Lilas, les Parisiens sont plus attentifs à leur budget que les années précédentes. En cause : l’inflation générale et celle du coût des jouets, qui s’élève à 6 % selon une étude de l’institut NPD Group, publiée en octobre dernier.

Dans les allées du magasin la Grande Récré de la Porte des Lilas, parents et grands-parents sont au rendez-vous, soucieux de faire plaisir aux plus petits, prenant en compte le contexte économique, marqué par une inflation générale. Le personnel du magasin s’affaire : accueil, conseils, réassort. Les rayons de jouets sont pleins. En tête de gondoles, les figurines des récents blockbusters finiront bientôt dans les mains d’enfants.

Un budget revu à la baisse

Nigib, employé au Crous de Paris, est venu avec son petit-fils. « Cette année est plus difficile. On offre moins, les années précédentes, c’était plus simple », confie-t-il. Le sexagénaire admet aussi que sous le sapin, l’abondance ne sera pas au rendez-vous. « Je partage, mais là j’offrirai qu’à mon petit-fils. » Au rayon des peluches, Patricia, une retraitée de 65 ans, ne ménage pas sa colère : « J’ai une retraite minable de 1500 euros net, l’inflation restreint mon budget à seulement 30 euros pour Noël. Je voulais prendre une poupée pour mon neveu, mais ce n’est pas possible. » Certains jouets sont plus touchés que d’autres par l’inflation. Les peluches de plus d’un mètre, particulièrement celles en provenance d’Asie, ont vu leur prix bondir de + 30 %, indique Phillipe Gueydon, PDG de King Jouet dans Le Parisien. Le coût du transport, le tarif élevé des containers et la parité euro-dollar jouent en défaveur des importations.

Nigib vient d’acheter un cadeau à son petit-fils à la Grande Récré, Porte des Lilas, 19.12.2022. © Pauline Fournier

Priorité aux enfants

« Pour la première fois, les cadeaux entre adultes sont compromis », témoignent Raketa et Ibrahim, qui sortent du magasin, tenant avec eux plusieurs cadeaux déjà emballés. « Cette année, j’ai dû augmenter mon budget pour faire le même nombre de cadeaux et je me suis limité aux petits enfants, ils sont prioritaires », précise Raketa. Même constat chez Zhen, 27 ans, buraliste : « L’année dernière, j’avais un montant libre, aujourd’hui, ce n’est plus possible. Je ne pourrai faire plaisir qu’à mes enfants. »

Quelques jours avant Noël Raketa et Ibrahim sortent de La Grande Récré après avoir fait des achats pour leurs petits enfants. Porte des Lilas, 19.12.2022. © Pauline Fournier

Des modes de consommations différents

Selon Frédérique Tutt de l’Institut NDP Group, « Cette augmentation des prix sur le marché des jeux et jouets reste très inférieure à l’inflation constatée sur l’ensemble des produits de grande consommation. La France est par ailleurs le pays d’Europe où l’inflation du prix des jouets reste la plus limitée par rapport à l’Allemagne (+ 6,6 %) ou Britanniques (+ 6,8 %) ». Les Parisiens adoptent de nouveaux comportements et ne cèdent pas à l’achat d’impulsion. Céline, 42 ans, salariée de Pôle emploi, ne prive personne de cadeaux, même si elle déplore l’impact de l’inflation sur ses achats de Noël. « Je vais acheter autant, mais différemment. On a repris le système des boites solidaires, c’est à dire un truc bon, un truc chaud et un truc culturel. On a finalement repensé le cadeau de Noël, ce qui allège notre budget », conclut-elle.

Texte : François Bourlier

Photos : Pauline Fournier

Fin du ticket de caisse papier : une mise en place progressive qui fait débat

La fin de l’impression automatique du ticket de caisse, initialement prévue au 1er janvier, ne s’appliquera qu’au 1er avril 2023. Certains commerçants proposent déjà le ticket dématérialisé à leurs clients, mais les réactions ne sont pas unanimes.

30 milliards de tickets de caisse sont édités chaque année. En application de la loi du 10 février 2020 pour la lutte contre le gaspillage, ces tickets ne seront plus automatiquement imprimés à partir du 1er avril 2023. Les clients pourront récupérer leurs tickets de caisse sur leur téléphone portable, via les applications des grandes enseignes, ou le recevoir par email. Ce changement est plutôt salué par les commerçants rencontrés dans l’est de Paris.

La parfumerie Marionnaud du centre commercial Bel Est propose déjà le ticket dématérialisé aux clients. « Ce sont surtout les jeunes qui acceptent, reconnaît Fatiha, responsable des ventes. Pourtant le process est simple : après leur passage en caisse, les clients reçoivent un mail avec la trace de la transaction bancaire. »

Chez Lidl, Aurélien, manager, vante l’application Lidl+, qui permet au client d’enregistrer tous ses achats en ligne : « Les jeunes sont satisfaits, les plus vieux sont accompagnés, on les aide à créer un compte si besoin. On gaspille moins de papier et ça permet une fidélisation, c’est bénéfique. Ça nous arrange, ça arrange les clients, qui sont très satisfaits avant les fêtes, période où l’application est beaucoup téléchargée. »

Eva, 35 ans, est une habituée de la dématérialisation : « Avec l’application Leclerc, on retrouve facilement nos tickets de caisse. Je ne suis pas spécialement militante, mais c’est beaucoup plus pratique comme ça. Plus de papier ni d’encre, ça ne peut qu’être écolo ! »

« Pour les plus âgés, c’est compliqué »

À l’Intermarché de la Porte de Bagnolet, Marie-Laure, hôtesse de caisse, le reconnaît : « Sans le papier, c’est plus facile pour nous, mais les papis et les mamies, qui n’ont pas l’application du magasin, veulent toujours avoir le ticket en main. »

Pour Maryline, cliente à la retraite qui fait les courses pour des personnes âgées, « c’est une très mauvaise idée. Les clients ne pourront plus vérifier leurs achats. Il y a des choses plus importantes à faire pour l’écologie ». Yamin, boucher au supermarché Auchan du Bel Est, est lui aussi sceptique : « On dit qu’on retire le plastique et il est encore là. Les tickets de caisse, ça sert de justificatif aux personnes âgées. Comment vont-elles faire si vous ne leur [en] donnez pas ? Elles ne savent pas utiliser un portable ou un ordinateur.»

Oneisha, 21 ans, résume : « Pour les jeunes, c’est très bien, mais on doit archiver ses mails, les classer, et pour les plus âgés, c’est compliqué. Après, c’est une bonne chose pour l’écologie car il y aura moins de tickets par terre. Mais les mails polluent aussi… »

Texte : Virginie Fauchois

Photo : Joris Chateau