Le collectif Cirque fier.e.s présentait son cabaret « Oh wow ! » au Consulat (Paris XIe), ce 22 décembre. Dans la conception de leurs numéros ou dans leur cadre de travail, ces artistes se démarquent de la tradition circassienne : ici, les rôles masculins et féminins ne sont pas figés.
Si les pratiques du cirque reposent, le plus souvent, sur une « une stricte division sexuelle du travail » selon Marine Cordier, sociologue, le collectif Cirque fier.e.s propose, lui, dans son spectacle cabaret Oh wow, une pratique en opposition avec les schémas hétéronormés. Lors de cette représentation unique au Consulat (Paris XIe) à quelques jours de Noël, Merry — qui se reconnaît en tant que femme (elle/elle) — et Hybris — qui se reconnaît à la fois dans la non-binarité et le masculin (iel/il) — ont décidé, pour leur numéro, de ne « pas avoir le rôle de porteur unique et de voltigeur unique ». Une volonté de se démarquer de la tradition où supporter le poids d’un partenaire revient, toujours selon la sociologue, « à un costaud aux larges épaules ».
Une volonté de subvertir les assignations de genre
À la différence d’autres compagnies de cirque, où les assignations de rôles peuvent être genrées, ici, « chaque numéro est interprété par les artistes qui en ont, eux-mêmes, pensé la symbolique », précise Alexandre, chargé de production du collectif. Libre alors à Natrix de se produire dans un numéro de Drag-King, inspiré de la série Lucifer : « J’adore cette série, mais je déteste le personnage principal. Donc, je le remplace. » Ainsi est né « Le diable s’habille en cuir » où l’artiste détourne l’attitude virile de celui qui cumule les conquêtes féminines. Vêtu d’un pantalon en cuir qui laisse entrevoir des dessous en dentelle, il enchaîne figures acrobatiques et poses sur le mât pendulaire sur fond musical de Call me Devil.
« Éviter de reproduire des oppressions »
Cette liberté artistique est aussi liée à un cadre de travail où « il n’y a pas besoin de se poser de question » selon l’homme en costume de cuir et de dentelle : Natrix s’y sent à l’aise. Dans leur numéro, Alia et Iris — qui se reconnaissent toutes deux en tant que femme — évoquent les attouchements dont certains artistes de cirque ont pu être victimes dans leur carrière professionnelle. Une situation loin de celle qu’elles vivent au sein du collectif où la proximité est placée sous le signe de la bienveillance.
« Évoluer dans les arts du cirque ne veut pas forcément dire que c’est un lieu où l’on se sent en sécurité », remarque Alexandre. La troupe aspire à créer un « safer place » : un espace où l’on « évite autant que possible de reproduire des systèmes d’oppression ».
Texte : Imane Lbakhar
Photos : Émeline Sauser