Plan grand froid : un gymnase de Montreuil accueille 40 sans-abris jusqu’au 2 janvier 2023

Les températures négatives ont conduit la préfecture d’Île-de-France et le gouvernement à déclencher le plan grand froid, le 12 décembre dernier. Montreuil fait partie des quatre villes de Seine-Saint-Denis mobilisées. Dans ce cadre, la commune met à disposition l’un de ses gymnases municipaux.

En Île-de-France, le plan grand froid a été déclenché le 12 décembre sur deux départements : Paris et la Seine-Saint-Denis. Lorsque les températures minimales ressenties descendent à des niveaux très bas au moins deux jours consécutifs, le dispositif permet à la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement de réquisitionner des bâtiments publics pour mettre à l’abri des personnes vivant à la rue. Ainsi, jusqu’au 2 janvier 2023 un gymnase de Montreuil est réaménagé en hébergement d’urgence par le Centre communal d’action sociale de la ville et géré par l’association Cités caritas. 40 personnes sans-abri y sont accueillies, 36 d’entre elles sont originaires de la Côte-d’Ivoire.

« Les journées sont longues mais, au moins, on est au chaud »

Awa a 22 ans. Enceinte de quatre mois, elle attend son premier enfant. Toute sa vie tient dans ses grands cabas calés sous son lit. Elle est arrivée au gymnase mardi 13 décembre dernier avec son compagnon. Tous deux migrants ivoiriens, ils ont passé un mois à dormir à la rue, dans les gares RER de Noisy-le-Sec, Pantin ou Bondy. Après des heures et des jours à appeler le 115, elle a été « contente » d’apprendre qu’une place en hébergement leur avait été accordée, alors que les températures se faisaient glaciales. Le gymnase municipal est chauffé. Trois repas quotidiens et des kits d’hygiène sont fournis, en partenariat avec la Croix-Rouge.

Les effets personnels d’Awa et le couchage qui lui est dédié dans l’urgence. Paris XIXe, 22/12/2022. © Stéphane Marcault

C’est l’association Cités caritas qui gère la logistique au quotidien, pour le compte de la ville de Montreuil. « Notre objectif est de faire passer les gens, de la rue, à des solutions de logement pérenne. On se sert de ce type de dispositif, le plan grand froid, pour le faire, mais cela reste temporaire » déclare Marthe Yonh, directrice de transition de la branche hébergement 93/94/95 au sein de l’association.

L’hébergement pérenne est l’objectif principal

« Pour nous, l’objectif est d’éviter les retours à la rue, mais si on n’a plus de locaux, c’est dur », poursuit la responsable de l’association. « Ce n’est pas nous qui décidons. Les gens doivent passer par le SIAO, le Service intégré de l’accueil et de l’orientation, qui gère notamment les places disponibles dans les centres d’hébergement d’urgence. C’est seulement en fonction des places disponibles que l’on pourra orienter les gens. »

L’année dernière, l’association avait réussi à n’avoir aucun retour à la rue. « On intervenait sur un gymnase à Montreuil, avec 30 personnes hébergées. Cette année, on gère quatre gymnases. Franchement, je ne sais pas comment cela va être possible… » s’inquiète Marthe Yonh.

Bien que les températures dépassent désormais les 10°C à Paris, le plan grand froid reste en place pour la durée des fêtes de fin d’année. Il pourra être reconduit en fonction des conditions climatiques. Pour l’instant, la seule recommandation faite aux personnes hébergées est de recommencer à appeler le 115 à partir du 2 janvier 2023.

Texte : Pamela Eanga

Photo : Stéphane Marcault

Le désarroi des habitants du Clos-français, à Montreuil, toujours en attente d’être relogés

Depuis plus d’un an, les habitants du quartier du Clos-français situé à Montreuil (93) attendent d’être relogés. La barre de l’immeuble D dans laquelle ils vivent devait être détruite fin décembre 2022. Le projet a été repoussé à janvier 2023, faute de solution de relogement. 

Cela fait maintenant un an que les habitants de la barre D du Clos-français à Montreuil patientent. Initialement prévue en décembre 2022, la destruction de la barre datant des années 1970 et regroupant 96 logements, a été repoussée à janvier 2023. Les habitants disent n’avoir reçu aucune information sur leur relogement.

« C’est édifiant, vous allez voir, de beaux logements mais dans un sale état », explique une habitante du quartier, désespérée par la situation de son amie, résidente de la barre D,  tout comme de l’état de l’immeuble de celle-ci. Siva Calaivanane, 28 ans, vit chez son père, locataire ici depuis vingt-quatre ans : « Ça fait un an et demi que mon père a déposé sa demande de relogement et il ne se passe rien, explique-t-il, alors que la démolition était prévue en décembre 2021. » Un chauffe-eau défectueux, des réparations effectuées partiellement, des problèmes d’humidité ponctuent le quotidien du sexagénaire.

Le quartier La Noue-le-Clos-français à Montreuil (93) est constitué de 75 % de logements sociaux. © Claire Corrion

Un quotidien similaire à celui de Mmes Diaby et Tabetroukia. La première, âgée de 28 ans, vit dans le bâtiment D avec sa mère et ses sœurs depuis dix ans. Avec sa mère, elles ont effectué une demande de relogement restée sans suite : « On a envie de partir, il y a des taches d’humidité sur les murs du dernier étage, et des rats ! Mes sœurs ont peur de traverser l’allée tellement ils sont nombreux ! » s’exclame-t-elle. Les rats sont aussi un problème pour Mme Tabetroukia, 62 ans, qui vit avec son mari et ses deux fils : « Évidemment qu’il y a des rats partout, on n’a pas de local à poubelles. » Mais ce n’est pas la seule difficulté : « Je n’ai plus d’eau chaude et ma douche est dans un tel état que je ne veux pas l’utiliser, confie-t-elle au gardien venu constater les dégâts. Quand on rentre, on est obligés d’utiliser la lumière de notre portable car il n’y en a pas dans l’escalier. » Démunie face à cette situation, Mme Tabetroukia désespère : « Pourquoi nous laissent-ils comme ça ? Je ne comprends pas. »

Lors de la démolition d’un immeuble, la mairie doit obligatoirement procurer aux locataires un logement de remplacement qui répond aux mêmes critères que le précédent. Jusqu’à trois propositions peuvent leur être faites,  mais les critères ne sont pas toujours respectés, explique celui que l’on surnomme « Fedo », président de l’association Droit au logement de Montreuil. En raison de leur situation précaire, les habitants sont, toutefois, poussés à accepter rapidement une proposition.

Texte : Chloé Bachelet

Photos : Claire Corrion

 

Gilets jaunes de Montreuil : moins de manifs mais toujours solidaires

Des Gilets jaunes de Montreuil (93) investissent chaque mercredi une cantine sociale de la ville. Fruits et légumes sont récupérés, cuisinés et proposés à prix libre. Une manière pour les anciens manifestants de poursuivre leur action collective.

« On a arrêté les manifestations parce qu’on n’arrivait même plus à en faire une complète, tellement on était encadrés par les flics », déplore François Gloriaux, 66 ans. Malgré l’épuisement du mouvement social, des Gilets jaunes de Montreuil poursuivent leur action collective autrement grâce au milieu associatif montreuillois autogéré. Chaque mercredi, ils participent à une cantine à prix libre.

Un projet qui s’insère dans le tissu associatif et militant de Montreuil

Plusieurs fois par semaine, les membres de l’association Les bons petits légumes récupèrent à Rungis fruits et légumes. Les denrées sont ensuite réparties entre les différentes cantines de l’AERI, association humanitaire d’entraide et de rencontre à Montreuil. Plusieurs groupes en profitent, notamment le collectif des Gilets jaunes. Le public peut ensuite consommer les plats préparés en payant le prix qu’il souhaite. Les plus précaires peuvent le faire gratuitement : « C’est une cantine sociale quand même, pas un restaurant », précise Giorgio Lahiani, qui participe aux assemblées générales du collectif. Il s’occupe notamment de l’« auto-wash » : un système de bassines permettant à chacun de nettoyer sa propre vaisselle. 

Une bénévole sert le repas préparé pendant la matinée à la cantine des Gilets jaunes. Montreuil, 21/12/2022. © Ophélie Loubat

Monique Pedren est une des initiatrices du projet. Elle a tenu pendant un an la cabane des Gilets jaunes de Montreuil, construite en janvier 2019 place Jacques-Duclos, dans le quartier de la Croix-de-Chavaux. Les premiers repas ont été organisés peu avant le confinement en mars 2020 et ont repris juste après : « Depuis, on n’a jamais arrêté », commente-t-elle.

Contre « la hiérarchie »

La plupart de ces Gilets jaunes ont déjà été bénévoles dans d’autres associations. Tous apprécient l’horizontalité de l’organisation. À l’inverse, Monique Pedren confie avoir vécu une mauvaise expérience dans une autre structure : « Il y avait énormément de rapports de pouvoir entre le chef, le sous-chef, le sous-sous-chef… »

Accueil du public à la cantine des Gilets jaunes. Montreuil, 21/12/2022. © Ophélie Loubat

Derrière le comptoir, Pascal Germain dresse les desserts : une génoise roulée au chocolat, accompagnée d’une tranche de carambole taillée en étoile. Il avoue être « tombé amoureux du lieu » dès son arrivée en tant que cuisiner, il y a un an et demi. Diplômé d’un CAP cuisine, il avait quitté son premier travail car il n’y « supportai[t] pas la hiérarchie ». Il est ensuite devenu cadre ingénieur à EDF. Aujourd’hui retraité, la cantine des Gilets jaunes, comme plus largement l’AERI, lui permet de « boucler la boucle », en retrouvant les gestes de son premier métier.

Infos pratiques :
AERI, 57 rue Étienne Marcel, 93100 Montreuil
M° Croix-de-Chavaux
Email : cantinegjmontreuil@riseup.net

Texte : Imane Lakhbar

Photos : Ophélie Loubat