Les Lilas face au développement de la communauté d’agglomération « Est Ensemble »

Détachée de Bagnolet, de Romainville et de Pantin en 1867, la ville des Lilas se reconstruit entre rénovation et besoins en équipements grandissants. Aujourd’hui, les murs témoignent du fragile équilibre entre souvenirs et avenir, entre choix et résistances.

  • Atelier de sérigraphie menacé par une potentielle implantation d'un immeuble d'habitations. Rue de Romainville. © Joris Château

Attaque du 23 décembre dans le Xe : la communauté kurde manifeste entre hommages et revendications

Le Conseil démocratique kurde en France a organisé samedi 24 décembre, place de la République à Paris, une manifestation d’hommage aux victimes de l’attaque perpétrée la veille devant le Centre culturel kurde Ahmet-Kaya (Xe). Le Parquet de Paris a qualifié l’attaque de « crime raciste ». De son côté, le Conseil démocratique s’indigne que « le caractère terroriste ne soit pas retenu ». Et rappelle que le 9 janvier 2013, trois militantes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) avaient été assassinées rue La Fayette.

  • À gauche, un homme brandit le drapeau du Kurdistan sur la place de la République. À droite, des fleurs et des bougies ont été déposées devant le Centre culturel kurde, rue d'Enghien dans le Xe. Paris, 24/12/2022. © Zoé Perrin

Portrait : Montreuil, ma ville !

Depuis les allées fleuries des marchés, jusqu’aux portes de la mairie, en passant par les commerces locaux, où l’on se pose pour se réchauffer et chasser le temps, les Montreuillois nous livrent un portrait dynamique et coloré de leur ville en cette fin d’année 2022.

 

  • Béatrix, 61 ans. À la veille de Noël, cette animatrice commerciale distribue des bons-cadeaux aux enfants. Au total, 1500 cadeaux seront distribués dans la journée. Montreuil, 23/12/2022. © Claire Corrion

À Pantin, la création s’invite sous toutes ses formes

Du canal de l’Ourcq au Pré-saint-Gervais, la création artistique s’affiche partout à Pantin. De la rénovation de bâtiments phares au recycling vestimentaire, une balade urbaine entre passé et présent. Suivez la rivière !

  • Plus loin en ville, la Madone au smartphone de l'artiste Pboy, veille sur les passants (2020). © Stéphane Marcault

Place des Fêtes : un marché haut en couleur qui contraste avec la grisaille urbaine

Perchée sur les hauteurs de Belleville, à l’est de Paris, la place des Fêtes est encadrée de tours HLM construites entre 1957 et 1978. Si la grisaille domine, le marché qui s’y tient trois jours par semaine, donne toujours un air de liesse au lieu.

  • Située sur les hauteurs de Paris XIXe, la place des Fêtes est ceinturée de tours HLM. © Valentin Caball

« Lutter dans la joie » : l’art de vivre dans le XXe

Dans le XXe arrondissement de Paris, la joie éclate dans les couleurs des peintures murales, des affiches ou des édifices. La lutte et les revendications sociales éclatent, elles, dans les slogans et les espaces associatifs et solidaires. Promenade dans un arrondissement qu’on « aime un peu partout ».

  • La phrase « Je t'aime un peu partout » taguée en rouge semble prononcée par la fillette dessinée sur le pilier. Belvédère de Belleville, Paris XXe, 23/12/2022. © Nathalie Fristot

« Oh wow ! » : le cabaret qui déjoue les stéréotypes de genre

Le collectif Cirque fier.e.s présentait son cabaret « Oh wow ! » au Consulat (Paris XIe), ce 22 décembre. Dans la conception de leurs numéros ou dans leur cadre de travail, ces artistes se démarquent de la tradition circassienne : ici, les rôles masculins et féminins ne sont pas figés.

Si les pratiques du cirque reposent, le plus souvent, sur une « une stricte division sexuelle du travail » selon Marine Cordier, sociologue, le collectif Cirque fier.e.s propose, lui, dans son spectacle cabaret Oh wow, une pratique en opposition avec les schémas hétéronormés. Lors de cette représentation unique au Consulat (Paris XIe) à quelques jours de Noël, Merry ­— qui se reconnaît en tant que femme (elle/elle) —  et Hybris — qui se reconnaît à la fois dans la non-binarité et le masculin (iel/il) — ont décidé, pour leur numéro, de ne « pas avoir le rôle de porteur unique et de voltigeur unique ». Une volonté de se démarquer de la tradition où supporter le poids d’un partenaire revient, toujours selon la sociologue, « à un costaud aux larges épaules ».

Lors d’une répétition du Cirque fier.e.s au Consulat, Paris XIe, le 19/12/2022. © Émeline Sauser

Une volonté de subvertir les assignations de genre

À la différence d’autres compagnies de cirque, où les assignations de rôles peuvent être genrées, ici, « chaque numéro est interprété par les artistes qui en ont, eux-mêmes, pensé la symbolique », précise Alexandre, chargé de production du collectif. Libre alors à Natrix de se produire dans un numéro de Drag-King, inspiré de la série Lucifer : « J’adore cette série, mais je déteste le personnage principal. Donc, je le remplace. » Ainsi est né « Le diable s’habille en cuir » où l’artiste détourne l’attitude virile de celui qui cumule les conquêtes féminines. Vêtu d’un pantalon en cuir qui laisse entrevoir des dessous en dentelle, il enchaîne figures acrobatiques et poses sur le mât pendulaire sur fond musical de Call me Devil.

« Éviter de reproduire des oppressions »

Cette liberté artistique est aussi liée à un cadre de travail où « il n’y a pas besoin de se poser de question » selon l’homme en costume de cuir et de dentelle : Natrix s’y sent à l’aise. Dans leur numéro, Alia et Iris — qui se reconnaissent toutes deux en tant que femme — évoquent les attouchements dont certains artistes de cirque ont pu être victimes dans leur carrière professionnelle. Une situation loin de celle qu’elles vivent au sein du collectif où la proximité est placée sous le signe de la bienveillance.

Iris, une des artistes du collectif, répète son numéro de tissu. © Émeline Sauser

« Évoluer dans les arts du cirque ne veut pas forcément dire que c’est un lieu où l’on se sent en sécurité », remarque Alexandre. La troupe aspire à créer un « safer place » : un espace où l’on « évite autant que possible de reproduire des systèmes d’oppression ».

Texte : Imane Lbakhar

Photos : Émeline Sauser

Plan grand froid : un gymnase de Montreuil accueille 40 sans-abris jusqu’au 2 janvier 2023

Les températures négatives ont conduit la préfecture d’Île-de-France et le gouvernement à déclencher le plan grand froid, le 12 décembre dernier. Montreuil fait partie des quatre villes de Seine-Saint-Denis mobilisées. Dans ce cadre, la commune met à disposition l’un de ses gymnases municipaux.

En Île-de-France, le plan grand froid a été déclenché le 12 décembre sur deux départements : Paris et la Seine-Saint-Denis. Lorsque les températures minimales ressenties descendent à des niveaux très bas au moins deux jours consécutifs, le dispositif permet à la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement de réquisitionner des bâtiments publics pour mettre à l’abri des personnes vivant à la rue. Ainsi, jusqu’au 2 janvier 2023 un gymnase de Montreuil est réaménagé en hébergement d’urgence par le Centre communal d’action sociale de la ville et géré par l’association Cités caritas. 40 personnes sans-abri y sont accueillies, 36 d’entre elles sont originaires de la Côte-d’Ivoire.

« Les journées sont longues mais, au moins, on est au chaud »

Awa a 22 ans. Enceinte de quatre mois, elle attend son premier enfant. Toute sa vie tient dans ses grands cabas calés sous son lit. Elle est arrivée au gymnase mardi 13 décembre dernier avec son compagnon. Tous deux migrants ivoiriens, ils ont passé un mois à dormir à la rue, dans les gares RER de Noisy-le-Sec, Pantin ou Bondy. Après des heures et des jours à appeler le 115, elle a été « contente » d’apprendre qu’une place en hébergement leur avait été accordée, alors que les températures se faisaient glaciales. Le gymnase municipal est chauffé. Trois repas quotidiens et des kits d’hygiène sont fournis, en partenariat avec la Croix-Rouge.

Les effets personnels d’Awa et le couchage qui lui est dédié dans l’urgence. Paris XIXe, 22/12/2022. © Stéphane Marcault

C’est l’association Cités caritas qui gère la logistique au quotidien, pour le compte de la ville de Montreuil. « Notre objectif est de faire passer les gens, de la rue, à des solutions de logement pérenne. On se sert de ce type de dispositif, le plan grand froid, pour le faire, mais cela reste temporaire » déclare Marthe Yonh, directrice de transition de la branche hébergement 93/94/95 au sein de l’association.

L’hébergement pérenne est l’objectif principal

« Pour nous, l’objectif est d’éviter les retours à la rue, mais si on n’a plus de locaux, c’est dur », poursuit la responsable de l’association. « Ce n’est pas nous qui décidons. Les gens doivent passer par le SIAO, le Service intégré de l’accueil et de l’orientation, qui gère notamment les places disponibles dans les centres d’hébergement d’urgence. C’est seulement en fonction des places disponibles que l’on pourra orienter les gens. »

L’année dernière, l’association avait réussi à n’avoir aucun retour à la rue. « On intervenait sur un gymnase à Montreuil, avec 30 personnes hébergées. Cette année, on gère quatre gymnases. Franchement, je ne sais pas comment cela va être possible… » s’inquiète Marthe Yonh.

Bien que les températures dépassent désormais les 10°C à Paris, le plan grand froid reste en place pour la durée des fêtes de fin d’année. Il pourra être reconduit en fonction des conditions climatiques. Pour l’instant, la seule recommandation faite aux personnes hébergées est de recommencer à appeler le 115 à partir du 2 janvier 2023.

Texte : Pamela Eanga

Photo : Stéphane Marcault

Le désarroi des habitants du Clos-français, à Montreuil, toujours en attente d’être relogés

Depuis plus d’un an, les habitants du quartier du Clos-français situé à Montreuil (93) attendent d’être relogés. La barre de l’immeuble D dans laquelle ils vivent devait être détruite fin décembre 2022. Le projet a été repoussé à janvier 2023, faute de solution de relogement. 

Cela fait maintenant un an que les habitants de la barre D du Clos-français à Montreuil patientent. Initialement prévue en décembre 2022, la destruction de la barre datant des années 1970 et regroupant 96 logements, a été repoussée à janvier 2023. Les habitants disent n’avoir reçu aucune information sur leur relogement.

« C’est édifiant, vous allez voir, de beaux logements mais dans un sale état », explique une habitante du quartier, désespérée par la situation de son amie, résidente de la barre D,  tout comme de l’état de l’immeuble de celle-ci. Siva Calaivanane, 28 ans, vit chez son père, locataire ici depuis vingt-quatre ans : « Ça fait un an et demi que mon père a déposé sa demande de relogement et il ne se passe rien, explique-t-il, alors que la démolition était prévue en décembre 2021. » Un chauffe-eau défectueux, des réparations effectuées partiellement, des problèmes d’humidité ponctuent le quotidien du sexagénaire.

Le quartier La Noue-le-Clos-français à Montreuil (93) est constitué de 75 % de logements sociaux. © Claire Corrion

Un quotidien similaire à celui de Mmes Diaby et Tabetroukia. La première, âgée de 28 ans, vit dans le bâtiment D avec sa mère et ses sœurs depuis dix ans. Avec sa mère, elles ont effectué une demande de relogement restée sans suite : « On a envie de partir, il y a des taches d’humidité sur les murs du dernier étage, et des rats ! Mes sœurs ont peur de traverser l’allée tellement ils sont nombreux ! » s’exclame-t-elle. Les rats sont aussi un problème pour Mme Tabetroukia, 62 ans, qui vit avec son mari et ses deux fils : « Évidemment qu’il y a des rats partout, on n’a pas de local à poubelles. » Mais ce n’est pas la seule difficulté : « Je n’ai plus d’eau chaude et ma douche est dans un tel état que je ne veux pas l’utiliser, confie-t-elle au gardien venu constater les dégâts. Quand on rentre, on est obligés d’utiliser la lumière de notre portable car il n’y en a pas dans l’escalier. » Démunie face à cette situation, Mme Tabetroukia désespère : « Pourquoi nous laissent-ils comme ça ? Je ne comprends pas. »

Lors de la démolition d’un immeuble, la mairie doit obligatoirement procurer aux locataires un logement de remplacement qui répond aux mêmes critères que le précédent. Jusqu’à trois propositions peuvent leur être faites,  mais les critères ne sont pas toujours respectés, explique celui que l’on surnomme « Fedo », président de l’association Droit au logement de Montreuil. En raison de leur situation précaire, les habitants sont, toutefois, poussés à accepter rapidement une proposition.

Texte : Chloé Bachelet

Photos : Claire Corrion

 

Prix des entrepreneurs handicapés : un restaurateur sourd du XIe récompensé

Le gérant du restaurant parisien 1000 & 1 Signes est sourd. Le 8 novembre 2022, il a reçu le prix de l’entrepreneur de l’année, lors de la 5e édition des Trophées H’up, qui récompensent des parcours d’entrepreneurs handicapés.

Sid Nouar, 43 ans, vient d’être élu lauréat du prix de l’entrepreneur de l’année lors des trophées 2022, organisé par H’up entrepreneurs, qui accompagne des entrepreneurs en situation de handicap. Cet ancien professeur des écoles sourd est patron depuis onze ans. Le nom de son restaurant marocain, 1000 & 1 Signes, traduit ce qui le caractérise : il est à la croisée des « Mille et une nuits » et de la langue des signes.

Une marque de reconnaissance

Sid Nouar a été très surpris de recevoir un mail de félicitations de la part de l’association, lui annonçant que son dossier était sélectionné pour participer au gala des trophées : « C’est Sophie, ma chargée des ressources humaines, sourde elle aussi, qui a rempli le formulaire de candidature en juin dernier, sans m’en informer », sourit le patron.

Cent candidats avaient postulé dans l’espoir de recevoir un des six prix de cet événement annuel. « Ce titre est le plus valorisant de tous », s’émerveille Sid Nouar. Il précise que ce prix, qui n’est pas doté d’une enveloppe financière, est surtout une marque de reconnaissance du travail accompli. C’est aussi une manière de profiter du réseau de H’up entrepreneurs.

Sid Nouar, responsable du restaurant le 1000 & 1 Signes. Paris XIe. © Nathalie Fristot

« Je suis fier de mon patron »

Après s’être familiarisé avec la restauration dans différents établissements, Sid Nouar a acheté son local en 2018. Situé dans le XIe arrondissement, le restaurant est une invitation à découvrir l’identité sourde. Sur les murs, à côté d’un néon fluorescent au nom du restaurant, des tableaux permettent à tous les clients, entendants ou sourds, d’apprendre quelques mots ou expressions en langue des signes française : « gâteaux arabes », « merci »…

En cuisine, Sid Nouar est entouré de Hadamou, 24 ans, commis, de Mikaël, 41 ans, chef, et de Johanna, 23 ans, serveuse et étudiante en intervention sociale à l’université de Créteil. Tous sont sourds et pratiquent la langue des signes, un atout essentiel dans ce restaurant. « Je suis fier de mon patron, confie Mikaël, et de travailler dans cet environnement positif et serein. »

Au-delà de la récompense et de la fierté, ce prix permet également aux sourds de se débarrasser de leurs idées reçues, comme le souligne Hadamou : « Je pensais que les sourds n’étaient pas faits pour gérer une entreprise, mais Sid nous prouve le contraire chaque jour ! »

Renseignements : 1000 & 1 Signes

Texte : Michaël Mannarino

Photos : Nathalie Fristot