Lundi 7 juin – Principes de réécriture

Gustave, Émile, Marc … et les autres. La stylistique, Kesako ?

« Qu’est-ce qui permet de porter un jugement sur un texte ? » Voilà une question bien large, qui nous cueille, lundi matin, tout en même temps que la fraîcheur de la pièce. Dehors, c’est le printemps, et à deux semaines du solstice, le soleil appelle à la flânerie. Pourtant le ton est donné : l’ambiance sera studieuse, ou ne sera pas. Philippe a la grande ambition de poursuivre sur les chemins de la stylistique. La torpeur dominicale s’estompe à mesure qu’il récapitule : « Qu’est-ce qui justifie de changer un mot ? » Les derniers bâillements, les paupières encore mi-closes se soumettent à l’impératif de concentration : si un mot n’existe pas, s’il est impropre, s’il est mal construit dans la phrase, alors le correcteur a la possibilité de le changer. Mais pour ça, il faut aussi cerner les intentions de l’auteur. De la faute de langage au « stylème » de l’écrivain, seule une lecture intelligente peut amener des corrections bénéfiques.

Ça y est, nous sommes tous à la tâche, les exemples s’enchaînent. Pourtant, entre La Critique de la raison pure, qui nous offre la possibilité de saisir qu’on peut corriger sans tout comprendre – mais certainement pas réécrire –, et L’Éducation sentimentale, dans laquelle Flaubert renverse le monde avec des pronoms, notre humeur légère revient. Surtout quand les exercices sont projetés en quatre par trois avec leurs solutions, ou lorsqu’il faut porter un jugement sur l’expression peaufinée de Marc Lévy. La journée se poursuit, et nous plongeons dans des analyses plus précises, à grands renforts de grammaire : nous décomposons les textes de Zola en aspects pour mieux se les figurer ; nous découvrons l’onomastique grâce au génie proustien ; nous suivons Barthes qui appelle Marcas, dans une énième anaphore pour qualifier le personnage balzacien, de « feuilleté sémantique ». Le rythme est soutenu, mais nous nous régalons.

Nous passons la journée à nous lover dans cette espace intermédiaire, cette zone grise dans laquelle le texte peut être améliorer en préservant le sens. Tout est question de proportion :

  • La nature du texte,
  • Le public visé,
  • Les indices montrant l’intention de l’auteur

sont autant d’éléments à prendre en compte pour établir une réécriture de qualité et argumenter cette dernière objectivement. Nous nous interrompons fatigués, mais repus, heureux d’avoir poursuivi l’apprentissage de la gymnastique intellectuelle qui sera désormais la nôtre.

Voyez par vous-mêmes, en vous attaquant à l’amphibologie suivante, qu’en matière de réécriture, il y a cent façons de restituer le sens : « Mon ami a reçu un manteau, mais il est si grand qu’il me l’a donné ».

À vos plumes !

 

Corriger les brèves de presse ou comment ne pas presser la brève…

Nous lisons et corrigeons quelques brèves, que notre ami Larousse qualifie de « courte information peu importante ou de dernière heure. » Tout est dit ! Le texte est court, il n’en doit pas moins mentionner des données importantes, faute de quoi la brève l’est trop…

Les amateurs de foot et de Zizou se réjouiront de la victoire du Real Madrid en finale de la Ligue des champions, à condition, toutefois, qu’ils sachent contre quel adversaire il a joué, quand et où. Soit une partie de l’hexamètre de Quintilien*, le nom pompeux mais historique qui permet de rendre compte d’une situation, et de la situer dans le temps et dans l’espace, un minimum pour une information.

Martha Argerich se produira au festival de piano de La Roque-d’Anthéron, avec ses potes musiciens. Le concert aura le dans le parc du château de Florans. « Chouette ! », pensent les mélomanes… mais quand ? Une telle imprécision dans l’information est peut-être un choix éditorial si la publication est spécialisée. Dans ce cas, le rédacteur se doit de préciser la date ultérieurement.

De la même manière, la brève concernant l’incendie de la synagogue ne précise ni où elle se trouve, ni quand il a été déclenché (on remarquera qu’à l’instar de Marcel, les pronoms personnels ne laissent ici aucune ambiguïté !). Le correcteur se renseigne donc pour clarifier l’information. Les précisions données par le rédacteur – la kippa – sont un effet de dramatisation voulu.

Un texte d’information, aussi court soit-il, doit être renseigné précisément. Là, à la différence d’un roman (on ne touche pas aux mots et aux phrases), les initiatives sont permises. Refléter une réalité objective exige des chiffres et des noms propres. Qui ? Quand ? Où ? Le correcteur ne laisse pas passer un texte d’information sans ces nécessaires précisions.

« Ce qui est vrai pour le texte est vrai pour les images. »

Une photo doit être légendée (nom et fonction s’il s’agit d’une personne) et le crédit photo mentionné (noms du photographe et de l’agence). Ces corrections se font sur épreuve (page maquettée). La mention DR (droits réservés) est à apposer lorsque le correcteur ne trouve pas le nom du photographe.

La lecture de correction est à l’opposé d’une lecture globale.

Ce qui nous amène à lire (et tenter de comprendre) le texte sur les résidus d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères. Une telle accumulation de déterminants indéfinis trouve sa solution dans le terme Refiom, que nous corrigerons comme l’acronyme qu’il est : capitale à la première lettre, bas de casse aux suivantes. Un texte aussi bardé de termes spécifiques, des termes de métiers, est issu d’une revue spécialisée. Si nous avons déjà entendu parler de mâchefer, nous n’avons, n’en doutons pas, jamais lixivié. Les chevelus n’ont rien à voir avec la pilosité, pas plus que les by-pass avec l’estomac.

Même si les vérifications orthographiques sont nécessaires, il est quand même plus facile de corriger un texte aussi ardu. Il est lu mot à mot et rien ne nous permet une réécriture plus ou moins interprétée.

VH & PC

*Qui, quoi, où, combien, pourquoi, comment, quand ?

 

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