Pour sortir de la « fast fashion », de plus en plus de créateurs se tournent vers le surcyclage ou « upcycling ». Une pratique ancienne qui gagne en popularité auprès des jeunes générations.
«Je déteste jeter », affirme Eline, 30 ans, brune au visage poupin. Elle fait partie des stylistes soucieuses d’en finir avec l’économie linéaire dans laquelle l’industrie de la mode prospère. Une industrie polluante, qui génère 4 millions de tonnes de textile jetées chaque année en Europe, selon l’Agence de la transition écologique.
Parmi les tendances écoresponsables, l’upcycling semble avoir le vent en poupe auprès des jeunes créateurs et créatrices. Ce concept, appliqué à la mode, consiste à réaliser des pièces en revalorisant des textiles issus de stocks dormants, des vêtements usagés ou des invendus.
Face à l’urgence climatique, des créateurs indépendants adoptent ce mode de production aux antipodes de la fast fashion. C’est le cas d’Eline, qui a décidé de ne plus travailler pour des marques de prêt-à-porter après son expérience chez IKKS. « Je savais que le monde de la mode n’était pas très écologique, mais je n’avais pas connaissance de l’ampleur des dégâts. Quand j’ai découvert cela, j’ai vite voulu sortir de ce système. » Pendant le confinement, elle lance Plastic Alien, un concept de tenues upcyclées inspirées par l’univers cosmique, pour le monde du spectacle.
Les coulisses du shooting photo
Eline a récupéré des morceaux de similicuir doré, des étendoirs dans la rue et des tuyaux, pour créer une sirène, inspirée d’Atlantide du Pays de Galles et le Palais Idéal du Facteur Cheval dans la Drôme. Une silhouette surréelle immortalisée pendant le photo shooting du 21 février à son domicile.
Une pratique qui ne date pas d’hier
Si le terme « upcycling » est apparu dans les années 1990, il désigne pourtant une pratique très ancienne. Ainsi, au XVIIIe siècle, « les vêtements que Marie-Antoinette ne portait plus étaient donnés, démontés et réinterprétés », explique aux Echos Frédéric Godart, sociologue de la mode. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement britannique lance la campagne « Make Do and Mend » (Faire durer et raccommoder, en français) encourageant toutes les femmes à recycler leurs habits.
A l’origine, l’upcycling était vu comme une source d’économie. Aujourd’hui, il se revendique davantage comme un acte militant qui s’inscrit dans un mouvement écologique plus large. Mais il peine à s’imposer, même chez les plus jeunes. Pour preuve, en France, le surcyclage ne représente que 4 % du chiffre d’affaires de la mode circulaire, et le consommateur moyen est âgé de 18 à 35 ans, d’après une étude d’Accenture de 2023.
En attendant que la mode s’empare pleinement de cette pratique, Eline, plus déterminée que jamais, multiplie les collaborations avec des artistes séduits par son univers et son engagement.
Texte : Oanh Le – Photos : Yohann Cordelle