Le 20 décembre 2023, les grévistes d’Emmaüs Nord, en grève sont venus à Montreuil dénoncer leurs conditions de travail. Jean-Paul Delescaut, secrétaire départemental de la CGT du Nord, fait le point de la situation.
Pouvez-vous préciser quelles sont ces conditions de travail, que vous avez qualifiées de « système généralisé d’exploitation » ?
Nous avons été alertés en juin et avons découvert de nombreux manquements.Les travailleurs sans papiers effectuaient des semaines de travail de 40 heures pour 150 à 200 euros par mois. Les directions des centres Emmaüs de Saint-André-lez-Lille et de Nieppe n’ont pas déclaré à la préfecture les compagnons sous le régime des organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires [agrément OACAS] qui permet aux travailleurs de bénéficier, sous certaines conditions, d’un statut intermédiaire vers une régularisation. En tenant à l’écart de ce dispositif les compagnons, elles les ont rendus corvéables à merci. Un salarié qui avait une promesse d’embauche n’a pas pu y donner suite, du fait de sa situation irrégulière.
La grève des compagnons Emmaüs dure depuis plus de cent soixante-dix jours. Vous dénoncez des « coups bas », des « reniements » et des tentatives d’intimidation, ainsi qu’une « réelle collusion avec le préfet, qui représente l’État ». Quelle est l’attitude de la direction d’Emmaüs Nord ?
Elle n’apporte aucune réponse. Les compagnons ont lancé le mouvement le 1er juillet, ils sont aujourd’hui 51 grévistes sur trois sites Emmaüs : 21 à Saint-André-lez-Lille, 6 à Nieppe et 24 à Grande‑Synthe. Une plainte pour « traite d’êtres humains » est maintenant en cours d’instruction, et des salariés ont été auditionnés par la police judiciaire.
Quels sont les objectifs de la manifestation d’aujourd’hui ?
Nous sommes venus pour rencontrer Antoine Sueur, le président d’Emmaüs France, et Tarek Daher, son délégué général. Nous demandons que l’organisation déclare les salariés à la préfecture ; les compagnons pourront ainsi déposer leur demande de titre de séjour, et avancer.
Emmaüs Nord est-il un cas isolé ?
Non, à Pau par exemple, il y a également des problèmes de conditions de travail. Le président d’Emmaüs à Ornans [Doubs] qui vient d’être condamné pour avoir détourné 460 000 €. Il existe près de 123 communautés Emmaüs en France, alors qui sait ce qu’il se passe depuis des années…
Texte : Fouad Arbaouia – Photos : Nicolas Moraud