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Géothermie : aux Lilas, un forage pour récupérer de l’eau chaude venue du temps des dinosaures

Le derrick situé aux Lilas.

Depuis un an, un derrick de 40 mètres de haut émerge des hauteurs du parc de la République, aux Lilas. La structure fait partie d’un chantier de géothermie, une source de chaleur issue des profondeurs de la Terre.

D’ici à 2025, les villes des Lilas, du Pré-Saint-Gervais et de Pantin seront équipées d’un système de chauffage par géothermie. De l’eau naturellement chaude sera extraite du sous-sol pour réchauffer les conduites du nouveau réseau. Les bénéfices attendus par les municipalités sont aussi bien écologiques qu’économiques. Près de 20 000 logements raccordés devraient bénéficier ainsi d’une énergie renouvelable à prix stable. Une chaudière d’appoint sera tout de même nécessaire en période de grand froid.

20 000 lieues sous la Terre

Ce projet mobilise 80 millions d’euros d’investissements et s’appuie sur les prédispositions du sous-sol du territoire : de l’eau souterraine et une roche perméable situées à une profondeur suffisante. La température augmentant en moyenne de 3,5 °C tous les 100 mètres, pompée entre 1 800 et 2 200 mètres, affichera une température d’environ 58 °C. Autre particularité : cette eau est salée. C’est un échantillon de mer qui a été piégé dans les roches au jurassique moyen, plus exactement à l’époque du dogger, entre 175 et 161 millions d’années avant notre ère.

Pour atteindre le précieux liquide, quatre puits sont forés sur un terrain jouxtant le centre sportif de l’Avenir, situé boulevard Jean-Jaurès. À la façon d’un circuit fermé, l’eau chaude sera extraite par deux puits ; une fois refroidie, elle sera réinjectée dans sa nappe d’origine par les deux autres excavations. À ce stade, deux forages sont terminés, le creusement du puits n° 3 en est à mi-parcours. En ce jour de fin décembre, le programme consiste à remonter les outils de forage pour les débarrasser des résidus qui les entravent.

L’opération du jour, la remontée du trépan [la tête qui creuse], pleine de boue préhistorique.
La remontée du trépan (la tête qui creuse), pleine de boue préhistorique, en ce 20 décembre 2023. © Cyril Catalan

Nuisances sonores et olfactives

Un tel chantier ne va pas sans inconvénients. Les riverains constatent des nuisances sonores et olfactives. Ivan Guerbartchouk, superviseur du forage, admet que des eaux confinées depuis si longtemps « ne sentent pas la rose ». Des risques sont aussi à noter. Il peut arriver, comme la semaine précédente, que du gaz s’échappe mais en quantité modeste. À en croire le superviseur, une contamination de la nappe d’eau potable que traverse le forage serait plus à craindre : « Pour former les parois du puits, l’injection de boues ”blanches“ est produite à partir de produits naturels et chimiques », explique-t-il. Afin de prévenir toute catastrophe, les services de l’État effectuent régulièrement des contrôles. La progression du forage est surveillée en continu au moyen de capteurs et de prélèvements. Selon Ivan Guerbartchouk, « pour forer, il faut savoir écouter un puits, c’est un combat contre la nature ».

Texte : Julien Bramy – Photos : Cyril Catalan