L’exposition « Je est un autre », organisée par le CentQuatre dans le cadre de la Biennale internationale des arts numériques d’Ile-de-France jusqu’au 7 janvier 2024, confronte les spectateurs à leurs identités réelles et virtuelles.
Ce 21 décembre, dans l’une des salles de l’exposition « Je est un autre » du CentQuatre (Paris 19e), deux lycéennes dansent. Derrière elles, l’œuvre vidéographique Heaven’s Gate de Marco Brambilla dévoile, sur fond musical, un univers à la frontière entre psychédélisme méditatif et dystopie angoissante. Émeline et Camille ont 17 ans, c’est la première fois qu’elles se rendent au CentQuatre : « Nous passons l’option danse au bac. Le rythme de cette salle est très inspirant », explique Émeline, dont les amies ont filmé la chorégraphie. Camille ajoute : « C’est enrichissant de mêler toutes les formes d’art. » Pour autant, les lycéennes, venues de Chartres, avouent s’être d’abord senties déconcertées : « On ne s’attendait pas du tout à ça. C’est la première fois que nous voyons de l’art numérique. »
Ambiance futuriste
Ils sont nombreux en ce jeudi à se confronter aux 22 œuvres à l’ambiance futuriste de l’exposition conçue par José-Manuel Gonçalvez et Gilles Alvarez. Tableaux qui s’animent quand les spectateurs les scannent, avatars numériques qui apparaissent sur écran, comme un miroir des mouvements des visiteurs. Les néons accrochent l’œil. Plus loin, le visage ultra-lissé d’un jeune homme, tout sourire, est projeté sur un mur. « C’est comme dans la vraie vie, remarque Sarah, 26 ans. Le sourire de façade qu’on est obligé d’avoir. Et peut-être encore plus sur les réseaux sociaux, où l’on doit toujours paraître heureux. » La jeune comédienne, qui étudie dans une école proche du CentQuatre, n’a pas l’habitude de fréquenter le lieu. « C’est une amie qui m’a conseillé l’exposition. Certaines œuvres sont étranges, mais c’est intéressant. » Margot, qui l’accompagne, a particulièrement aimé l’expérience Sève élémentaire de Fabien Léaustic : « On a mêlé nos ADN dans un tube à essai, et on les a visualisés grâce à un procédé chimique. On aurait pu le faire avec n’importe quoi, une banane par exemple. C’est assez fou. En fait, on est bien peu de chose. »
Les vertiges de l’intelligence artificielle
Robots endormis qui réagissent lorsque les visiteurs les approchent, puissance et dangerosité d’internet, ultra-rapidité de l’intelligence artificielle qui donne le vertige : l’exposition propose un panel de questions liées à nos usages numériques. En s’appuyant sur l’imaginaire collectif, elle plonge les visiteurs au cœur de leurs propres paradoxes : comment, à l’aune des identités virtuelles, de la robotique et de l’intelligence artificielle, définir l’humain ?
Texte : Sofia Hullot-Guiot – Photos : Hugo Mimouni