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Grand départ nocturne à la gare routière de Bercy

Flexibus stationné dans la gare routière

À la veille du réveillon de Noël, des voyageurs de tous horizons ont pris la route en pleine nuit depuis la gare routière de Bercy. Instants volés auprès de Moïse, Walid, Abdoulaye, Richard et Judith.


Une heure et demie du matin. Sous la « cascade » du parc de Bercy aux allures de monument précolombien, l’effervescence des grands départs vient de prendre fin. Tout au long de la soirée, dans le vaste parking bétonné, des dizaines de cars sont parties pour des destinations partout en France et en Europe. Moïse, agent en charge de gérer les flux de voyageurs, est encore dans son effort. « Les gens sont stressés, car, s’ils loupent leur bus, ils n’ont pas la possibilité d’en prendre un autre aussi facilement que les autres jours. » En effet, ce soir, les véhicules qui défilent sont quasi complets.

Faux airs de père Noël

Un autre agent, en charge de la sécurité, demande aux personnes sans billet de quitter les lieux. Ces contrôles visent à préserver des passagers vulnérables, comme ceux qui sont en train de dormir dans l’attente des cars du matin. Moïse évoque aussi le cas d’une dame seule qui a loupé son bus. Comme elle n’avait pas tout à fait la somme pour régler les 150 € d’un départ de dernière minute, juste avant la fermeture de la soute, l’équipe s’est cotisée pour payer le reliquat. « De notre poche ! », lance notre interlocuteur qui, avec sa barbe fournie, son bonnet et sa polaire, prend tout à coup des faux airs de père Noël. « Un bon geste », relevé par Walid, un passager rencontré un peu plus tôt qui a assisté à la scène. Peut-être que ce stand-upper en parlera dans son spectacle. Il part faire des dates à Amsterdam, où il va aussi fêter son anniversaire le 25 décembre. Magie de Noël, Abdoulaye, également artiste, célébrera le sien, le 24. Tel un Ulysse de la mondialisation, le chorégraphe rejoint « sa petite famille » à Nancy après un périple de plus de vingt-cinq heures depuis le Burkina Faso. Au passage, il vante les cars qui sillonnent l’Afrique de l’Ouest : « Ce sont les mêmes qu’ici à la différence de la nourriture qui y est servie, comme dans l’avion. »

Walid se rend à Amsterdam. © Cyril Catalan

Annulation de plusieurs Eurostar

Abdoulaye fait partie de cette clientèle qui a dû composer avec les aléas d’autres modes de transport. L’annulation de plusieurs Eurostar pour Londres a perturbé le trafic . Pour Judith et Richard, originaires de Stratford-upon-Avon, la ville de naissance de Shakespeare, le voyage en bus sera une première. Tout sourire, les deux retraités s’estiment  » lucky! « . Les voyages de nuit sont aussi des bons plans pour des raisons de budget. Yon, 32 ans, a payé « 39 balles » pour un Noël à Bordeaux. Calé sur son bagage, casque sur la tête, le jeune homme patiente en regardant des vidéos de « Coréens qui fabriquent des chaises en bois ».

Abdoulaye voyage depuis vingt-cinq heures en provenance de Ouagadougou. Il rejoint sa famille à Nancy. © Cyril Catalan


Jean-Philippe, non voyant, trouve aussi que « le train est trop cher ». Cet entrepreneur dans la pédagogie inclusive apprécie d’autant plus les trajets en car que Napo, son chien guide, peut voyager gratuitement à ses pieds. Quelques minutes après notre rencontre, une nuance sera apportée par Monique, accompagnatrice de l’association La Patte agile. Tout en vérifiant depuis le quai que tout se passe bien pour Jean-Philippe, la retraitée raconte les complications qu’il peut rencontrer. Par exemple, avec Napo, ils ne peuvent pas profiter de l’arrêt petit déjeuner car l’intermède est trop bref pour que l’un et l’autre prennent leurs marques.

Deux heures du matin, Moïse commence à souffler. Désormais seuls quelques voyageurs vont continuer à arriver jusqu’au petit matin. Le prochain défi est lundi, un jour de départ pour les colonies de vacances, qui s’annonce « très très dur ».

Texte : Julien Bramy – Photos : Cyril Catalan