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Une loi sur l’immigration qui passe mal parmi les habitants du 20e

Cliché de rue sur un auto-collant contre la loi Immigration.

Le Parlement a adopté la loi « immigration » hier soir, 19 décembre. Dans le 20e arrondissement de Paris, ce projet est mal perçu par les habitants interrogés.

D’abord rejeté le 11 décembre dernier par un vote de l’Assemblée nationale, le projet de loi a finalement été adopté ce 19 décembre au Palais-Bourbon par 349 voix pour et 186 contre. Porté par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le texte vise à davantage « contrôler l’immigration et améliorer l’intégration » des étrangers en France. Son rejet avait conduit à la mise en place d’une commission mixte paritaire (CMP), constituée de sept sénateurs et sept députés, issus de la majorité présidentielle et des groupes parlementaires, qui se sont accordés sur des adaptations du texte initial.

Que prévoit la loi ?

Le texte adopté s’est significativement durci par rapport au projet original. S’il prévoit de créer des « pôles asile » pour faciliter les demandes des étrangers, il renforce par ailleurs les contrôles, notamment en cas de demande de regroupement familial ou d’immigration étudiante. Le droit du sol, actuellement en vigueur, ne sera plus octroyé automatiquement aux enfants d’étrangers nés en France. Les aides sociales, comme les APL, dont les étrangers peuvent bénéficier à partir de 6 mois de présence sur le territoire français, seront différées : il leur faudra désormais résider 2 ans et demi en France pour y prétendre s’ils travaillent, 5 ans dans le cas contraire. Les conditions d’obtention d’un titre de séjour seront également resserrées. En cas de séjour irrégulier sur le territoire français, les étrangers pourront être condamnés à 3 ans d’interdiction de séjour. Enfin, s’ils sont soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF), les demandeurs déboutés ne pourront plus prétendre non plus à un hébergement d’urgence.

De vives tensions entre députés

Le vote témoigne d’une fracture idéologique marquée au sein du Parlement entre les partis de gauche, opposés à cette loi, et les partis de droite et d’extrême droite. Quant aux partis centristes, ils l’ont très majoritairement soutenue.

Mais le projet de loi engendre un malaise tangible au sein du gouvernement : 20 des 170 députés Renaissance se sont prononcés contre, 17 se sont abstenus. Alors que Marine Le Pen se félicite d’une « victoire idéologique », le gouvernement refuse de voir dans cette loi tout rapprochement avec l’extrême droite. Sur le réseau social X, Gérald Darmanin a insisté sur l’existence d’« un texte fort et ferme. [Adopté] sans les voix des députés RN. » De même, Elisabeth Borne rejetait ce matin sur France Inter l’idée de « préférence nationale » pour qualifier cette loi. Pour autant, plusieurs membres du gouvernement ont montré des réticences face au projet. Aurélien Rousseau, ministre de la Santé, a ainsi présenté sa démission à l’issue des résultats du vote.

Colère et tristesse

La loi est désormais soumise au Conseil constitutionnel qui a reçu ce jour le texte voté par les parlementaires. Sur la place Gambetta (Paris 20e), les riverains interrogés témoignent de leur colère, voire de leur tristesse, face à cette loi.

Romain, 35 ans

« Pour moi, les médias ont un rôle dans cette décision de loi. En libérant la parole raciste, ils ont contribué à la banaliser. Le gouvernement tente de garder sa place en allant sur le terrain de l’extrême-droite, les élites se radicalisent pour garder leurs intérêts, et les citoyens le tolèrent. C’est tout l’inverse de ce que j’aimerais pour ce pays. »

Annick, 48 ans

« À l’hôpital où je travaille, je rencontre souvent des migrants. Je connais leur parcours, leur vécu. Je ne comprends pas ce climat d’hostilité à leur rencontre. Quand je vois Marine Le Pen dans ses certitudes, cela me rend triste. J’ai mal à mon humanité. »

Simon, 33 ans

« Je suis sidéré qu’un texte pareil soit passé. S’attaquer aux droits des étrangers mènera à une précarisation générale. Avec le retrait du droit du sol, on opère un classement entre Français. La situation est gravissime et, en tant que citoyen, je me sens dépossédé du débat. J’espère qu’il y aura des mobilisations. »

Marie-Marguerite, 60 ans

« J’ai essayé de m’intéresser à cette loi, mais pour moi, elle n’est pas claire. Je ne pense pas qu’elle fera baisser l’immigration. Comment vont faire ces gens qui arrivent, comment vont-ils s’en sortir ? »

Cédric, 69 ans

« C’est une loi de préférence nationale. Elle procède de l’idée que l’immigration est un problème en soi, alors que c’est faux. Les difficultés d’intégration qui peuvent exister ne résultent pas toujours des immigrés, mais de leurs conditions de vie, de l’histoire coloniale, des conflits extérieurs. Il est possible de cohabiter en bonne intelligence. »

Evelyne, 76 ans

« Nous devrions plutôt réfléchir à la manière de mieux accueillir les migrants. Cette loi me fait de la peine, elle profite avant tout à l’extrême droite. J’ai peur que le Rassemblement national gagne les prochaines élections. L’Europe devient fasciste, c’est vraiment grave. »

Texte : Sofia Hullot-Guiot – Photos : Lucas Pialot et Hugo Mimouni