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Le frigo solidaire réchauffe les plus démunis

Une bénévole de l'AJE approvisionne le frigo en accès libre

La lutte contre le gaspillage et la pauvreté se mêlent. Rencontre avec les bénéficiaires d’une initiative originale : un réfrigérateur en pleine rue et en libre accès, dans le 20e arrondissement.

« Je vais pouvoir manger des yaourts », confie Zahra, 67 ans, rencontrée près du frigo solidaire installé rue Davout dans le 20e, un midi de novembre. Protégée du froid par une parka foncée, bonnet fin sous la capuche, yeux fuyants, elle raconte sa séparation, son mari qui lui a tout pris. Elle vivait bien, comme elle dit, ses yeux marron remplis de larmes, « sans se poser de questions ». Il lui répétait : « Sers-toi, le compte bancaire est à nous deux. » Quinze années à travailler, non déclarée, dans le restaurant de son conjoint. Puis il l’a quittée pour une femme de trente ans de moins que lui. Sa situation sombre : compte joint vidé, dépression depuis cinq ans, chômage, allocation de solidarité spécifique (ASS), déménagement. Seule, sans enfant, et avec 500 € par mois pour vivre, elle confirme qu’elle reviendra à ce frigo, « car cela l’aidera ».

Habillé d’un manteau chaud, capuche sur la tête, sac à dos, Sinjh fait une pause devant le réfrigérateur, ensoleillé, au milieu de la rue. Arrivé en France en 2005 après le vol de ses papiers d’autorisation de séjour en Italie, cet Indien sans famille ne veut pas repartir – même « si le travail de chauffagiste se fait rare », explique-t-il, deux fromages en tranches dans les mains. C’est la première fois qu’il se sert dans le frigo solidaire.

Une bénévole remplit un frigo de l'AJE.
Les denrées proviennent de dons de particuliers et d’un partenariat avec un supermarché local. © Alicia Salvador Ivorra

« Ça part vite »

L’Association Jeunesse Éducation (AJE), implantée à proximité de la porte de Bagnolet, sort son frigo tous les jours avec un double objectif : lutter contre le gaspillage alimentaire et aider les plus démunis. Le supermarché Auchan du coin, avec lequel l’association a passé un partenariat, le remplit régulièrement de ses invendus. Les particuliers aussi y déposent ce qu’ils ont en trop. « Ça part vite », précise l’animateur de l’AJE.

Même lieu, même heure, une semaine avant Noël. Zakaria ouvre le frigo et se sert comme il le fait depuis deux mois. Arrivé d’Algérie en 1996 avec l’espoir de faire carrière dans le football, il raconte qu’il a joué en tant que professionnel à Issy-les-Moulineaux. Dix-huit mois à pousser le ballon sous un autre nom. Trop « instable » pour continuer, il a travaillé par la suite comme employé de libre-service grâce à un certificat de résidence. Dans son sac, Zakaria a glissé des légumes et des pâtes pour les partager avec son voisin qui l’héberge régulièrement. Faute de renouvellement de son titre de séjour, il a dû quitter son appartement il y a six mois et ne travaille plus. Quand il ne dort pas au chaud, il trouve refuge au stade Déjerine, près de la porte de Montreuil, comme pour se rapprocher de son rêve d’origine. Le ventre plein quand le frigo l’a été aussi.

Texte : Jenny Bernard – Photos : Alicia Salvador Ivorra