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Au Théâtre des Bouffes du Nord, les hommes explorent leur « Tendresse »

Les huit comédiens de la pièce La Tendresse sur scène, face au public. ©Axelle de Russé

La Tendresse, pièce conçue et mise en scène par Julie Berès, interroge les représentations de la masculinité. Portée par huit comédiens, elle tisse une réflexion à travers jeu, danse et performance. À voir d’urgence, jusqu’au 23 décembre.

Ils arrivent sur scène en bande, torse nu ou capuche sur la tête, hurlant les paroles d’une chanson du rappeur Jul. Très vite, les huit hommes se confrontent les uns aux autres dans des battles. Ils recouvrent les murs de leurs noms, donnent des coups, s’approprient l’espace pour le remplir de leur virilité. Ils sont puissants et veulent le montrer. Soudain l’un s’effondre, envahi par un chagrin d’amour. Alors tout bascule. Parce qu’être un homme ne peut se résumer à la solidité et que celle-ci s’avère parfois un chemin trop étroit, voire étouffant.  Comment se construire tout en acceptant ses faiblesses et ses peurs ? Comment déconstruire les modèles qui ont façonné notre enfance, de Rocky Balboa à James Bond en passant par les pères absents, ou le rapport au corps – forcément musclé, protecteur, performant –, à la sexualité et aux sentiments ?

Sortir des injonctions patriarcales

Après Désobéir, qui donnait la parole aux femmes, Julie Berès s’intéresse dans La Tendresse à la jeunesse masculine qui tente, elle aussi, de se libérer des injonctions patriarcales. Pour écrire ce deuxième volet, l’autrice a recueilli de nombreux témoignages d’hommes de tous âges et tous milieux. Les comédiens – dont la performance est épatante de justesse et de technique – ont également nourri le projet de leur vécu. Sur scène comme dans leur propre cheminement, les personnages s’invectivent, se provoquent, se font violence pour parvenir à se livrer. Jonglant entre jeu, chant et danse, le corps porte un message aussi important que les mots : il vibre, se montre ou se cache, s’oppose, performe, se mêle aux autres ou se recroqueville.

Invectives, provocations… Sur scène, le corps de chaque acteur véhicule un message aussi puissant que les mots. © Axelle de Russé/Myra

Ultramaîtrisée, aussi bien dans le propos que dans la forme, la pièce offre une palette de la masculinité d’aujourd’hui sans jamais tomber dans la caricature. Loin des poncifs, elle présente des personnages incarnés, nuancés, ni exemplaires ni délétères. Les questionnements de chacun se répondent et résonnent. Une pièce exceptionnelle que le public, debout, a longuement applaudie après les saluts finals de ces hommes confrontés à leur besoin de tendresse.

Texte : Sofia Hullot-Guiot – Photos : Axelle de Russé avec l’aimable autorisation de l’agence Myra