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Veillée funèbre à domicile en France : vers un renouveau ? 

Irlande. 1895. Un groupe de 8 personnes veillent un défunt. Elles sont rassemblées autour du défunt. La veillée est joyeuse. Au premier plan, un homme verse de la bière dans une chope depuis un tonneau. A gauche, un homme joue du banjo. Derrière le cercueil, 1 homme et 2 femmes regardent le défunt dans son cercueil avec tendresse. De l'autre côté, une femme s'appuie avec nonchalance sur le cercueil. A droite, un homme âgé semble plongé dans ses pensées. Il est assis à côté d'un enfant en bas âge paisiblement assis sur les genoux d'une femme.

Autrefois étape cruciale du rituel funéraire, la veillée mortuaire à domicile a aujourd’hui quasi disparu en France. Cette pratique fait son retour dans certaines familles, dans un contexte de personnalisation des obsèques. 

Le 9 juin 2022, Nicole a perdu son mari, Dominique, mort d’un cancer. Alors qu’elle préparait les obsèques, elle a appris que le corps pouvait reposer, d’ici à la crémation, dans une chambre mortuaire de l’hôpital, dans un funérarium ou à domicile. Cette dernière option, qu’elle n’avait pas du tout envisagée, l’a immédiatement séduite. 

Cette psychologue à la retraite, âgée de 68 ans, installée en Ille-et-Vilaine (35), voit dans la veillée à domicile la possibilité d’accompagner son époux encore quelques jours, mais aussi de faire communauté avec les vivant·es : « Les proches, on peut les voir et échanger de manière beaucoup plus intime que dans un salon funéraire, où d’ailleurs on ne se croise pas forcément », observe-t-elle.

« Ce n’était pas triste, se souvient-elle. Il y a eu des larmes, bien sûr, mais aussi beaucoup de bonne humeur. »

Nicole

Se réapproprier le cadre du dernier repos 

Selon le sondage Ipsos de 2018, 51 % de la population française souhaitent personnaliser les funérailles de leurs proches. La veillée sort elle aussi des normes qui lui étaient associées. Chez Nicole, le défunt a été installé dans un bureau, décoré selon les passions de celui-ci. Dans cet extrait sonore, Nicole raconte comment la famille a personnalisé la pièce :

Marginale, la veillée funéraire à domicile fait l’objet de nombreuses idées reçues. À telle enseigne que « beaucoup de familles pensent qu’elle n’est plus autorisée », explique Isabelle Georges, présidente de la Coopérative funéraire de Rennes. Si accueillir un·e défunt·e chez soi requiert plusieurs conditions spécifiques, la pratique est tout à fait légale et peut souvent être mise en œuvre. 

Organisation d’une veillée à domicile

La veillée peut s’organiser au domicile du défunt ou d’un membre de la famille.

Le transport avant mise en bière doit intervenir dans les 48h qui suivent le décès et fait l’objet d’une réglementation.

Les obstacles au retour du défunt à domicile sont avant tout pratiques : accessibilité des lieux, dimensions de la cage d’escalier et des portes suffisamment grandes pour porter le corps dans un cercueil.

Il est recommandé de dédier une pièce à l’exposition du défunt et de fixer des horaires de visites. L’obscurité est souvent préconisée, mais non nécessaire. La température de la pièce, en revanche, doit rester la plus froide possible.

Les soins de conservation, fréquemment conseillés, ne sont pas obligatoires. Cependant, leur réalisation à domicile est réglementée.

Renaissance d’un rituel

On ne dispose d’aucune statistique sur le nombre de veillées organisées à domicile en France. À la Fédération française des pompes funèbres (FFPF), on estime que le rituel a presque disparu, à l’exception notable de l’outre-mer, où il reste présent, et en Bretagne, où les traditions demeurent plus vivaces.

Localement, on peut observer un regain de la pratique. À Rennes, les salarié·es de la Coopérative funéraire estiment que le retour de la dépouille au domicile répond à une demande. Isabelle Georges compare ce léger renouveau à celui des naissances à domicile. Chez les familles qui se lancent ou manifestent leur intérêt, elle a pu constater « une envie de se réapproprier ce moment, d’être dans un lieu familier ». 

Une manière parmi d’autres de se réinvestir dans les funérailles et d’accompagner ses proches dans ce délicat passage de la vie à la mort. Si tout le monde n’est pas prêt à s’engager dans cette démarche, celles et ceux qui osent se disent apaisé·es. Ainsi, après la veillée, un gendre de Nicole lui a confié : « Quand j’ai compris que vous alliez ramener Dominique à la maison, j’ai trouvé ça glauque. Mais en fait c’était bien. » 

La veillée de Dominique

Retrouvez l’intégralité du témoignage de Nicole et des explications d’Isabelle Georges dans « La veillée de Dominique », le premier épisode du podcast Le jour de mon enterrement.

Texte : Louise Katz – Photo : Veillée funéraire irlandaise, 1895