Le Conseil d’État a validé le 28 septembre 2022 une circulaire du ministère de l’Éducation nationale qui autorise les enfants transgenres à porter le prénom de leur choix à l’école. Si ce n’est pas encore l’égalité complète, c’est un pas de plus vers la reconnaissance de l’identité des personnes transgenres.
En septembre dernier, Louise a accueilli avec soulagement l’annonce du Conseil d’État qui a fait grand bruit dans la communauté transgenre : depuis le 28 septembre 2022, les enfants transgenres, dont l’identité de genre diffère du sexe qui leur a été assigné à la naissance, peuvent utiliser le prénom de leur choix à l’école.
Cette circulaire vise à mieux prendre en compte la situation de ces élèves en milieu scolaire. Si un élève dont l’état civil n’a pas été modifié en fait la demande, les établissements scolaires doivent veiller à ce que le prénom qu’il s’est choisi soit utilisé, avec l’accord de ses parents s’il est mineur.
Un progrès notable
Louise, jeune femme transgenre d’une trentaine d’années, a quitté la France pour s’établir en Irlande, à Dublin, il y a quinze ans. La reconnaissance des personnes transgenres y est plus avancée, et la législation à leur égard beaucoup moins contraignante qu’en France. En effet, depuis le 15 juillet 2015 et l’approbation par le Parlement irlandais du Gender Recognition Act, les personnes transgenres majeures peuvent librement faire modifier leur état civil sans autorisation médicale ou psychiatrique, ni chirurgie de réattribution sexuelle ou stérilisation. Une loi pionnière parmi les plus progressistes du monde sur la reconnaissance de l’identité de genre.
« La reconnaissance légale du genre sert de validation vis-à-vis du reste de la population, explique Louise. Si l’on dispose d’une reconnaissance légale aux yeux de tous, on gagne en légitimité au sein de la communauté des cisgenres [personnes non transgenres]. »
En vertu de la circulaire française de septembre 2022, tous les documents dans lesquels apparaît le prénom inscrit à l’état civil de l’enfant transgenre devront être modifiés. Ainsi, l’élève peut désormais avoir son prénom d’usage sur sa carte de cantine, sur les listes d’appel et sur les espaces numériques. Son prénom d’état civil sera cependant toujours utilisé pour le suivi de la notation dans le cadre du contrôle continu pour les épreuves des diplômes nationaux.
La France pas encore au niveau
Ce progrès a été salué, mais la France reste très en retard sur la reconnaissance de l’état civil des personnes concernées. L’Espagne a adopté le 16 février 2023 une loi permettant dès 16 ans de modifier son sexe au registre de l’état civil, dès 14 ans avec l’accord des tuteur·ices légaux·ales, dès 12 ans avec celui de la justice.
Le sexe, qui apparaît sur de multiples documents officiels comme les actes de naissance, cartes d’identité et passeports, détermine en effet la façon dont sont perçu·es les citoyen·nes toute leur vie.
« Cette reconnaissance valide qui je suis, insiste Louise. Quand on naît, on reçoit un acte de naissance, et quand on meurt, un acte de décès. C’est une évidence pour les gens. Cela vous suit toute votre vie, et personne n’y pense. »
En France aujourd’hui, les personnes transgenres sont encore exposées à de nombreuses discriminations dans leur vie quotidienne. « Si j’entre dans un bureau d’aide sociale et que quelqu’un veut me compliquer la vie, je ne peux pas m’appuyer sur mes droits », regrette Louise.
Lexique
Cisgenre désigne une personne qui s’identifie au sexe qui lui a été attribué à la naissance.
La transition désigne la période pendant laquelle la personne engage cette transformation.
L’identité de genre fait référence à l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chaque personne, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance.
Une personne transgenre désigne une personne qui ne s’identifie pas à son « genre d’assignation à la naissance », à son état civil.
Toutes les personnes transgenres ne se reconnaissent pas dans le système binaire homme/femme. Certaines personnes ont un genre tiers, d’autres ne s’identifient à aucun genre ou à l’inverse à plusieurs. Les personnes transgenres peuvent choisir ou non de suivre certains des traitements médicaux.
« Renaître »un podcast de Marine Guyen, témoignage fort d’Inès, une jeune femme transgenre.
Texte : Marine Guyen – Photographe : Magmos