La radicalité est omniprésente dans l’actualité. Des « éléments radicaux » surveillés par la police lors des manifestations contre la réforme des retraites aux « islamistes radicalisés » jugés par la cour d’assises spéciale de Paris, en passant par des activistes écologistes ou les partisans de l’extrême-droite religieuse israélienne.
La radicalité est tantôt utilisée pour contrer un adversaire, tantôt revendiquée pour attester de l’authenticité d’un moi ou de la légitimité d’un combat. À l’occasion de cette édition du Médialibre de l’École des métiers de l’information, nous avons invité journalistes et photographes à explorer ces nouvelles formes de radicalité. Que disent-elles de notre société ?
Leur dénominateur commun : la revendication de la liberté. Liberté de décider du jour et de l’heure de sa mort. De ne jamais enfanter. D’échapper aux codes sociaux, en s’inventant une vie de chien. De vivre avec celles et ceux qui nous ressemblent.
C’est encore au nom de sa liberté que Douha Mounib dit avoir rejoint l’État islamique en Syrie, voyant-là l’unique manière d’échapper au contrôle de ses proches sur sa vie – et oubliant qu’une liberté jamais entravée peut être terriblement mortifère.
Pour beaucoup, cette quête de liberté se double d’une quête d’identité et d’égalité. C’est le cas de femmes qui ont fait le choix de sortir de l’hétérosexualité pour être elles-mêmes. De Léo et Marie-Laure, qui ont changé de genre. Des personnes vivant dans un squat « transpédégouine » à Montreuil.
La plupart des pratiques explorées ici témoignent d’un besoin de se sentir vivant. Pour certains, cela passe par le sport. Pour d’autres, il s’agit de revendiquer le droit de vivre, sur une planète vivante. En témoignent les combats d’Extinction Rebellion, de Dernière Rénovation ou d’écologistes allemands face à l’énergéticien RWE.
En s’attaquant aux causes structurelles des maux de notre époque (production sans limite, domination des uns sur les autres), ces activistes redonnent à la radicalité son sens étymologique : prendre les choses à la racine. Ces radicalités nous invitent, en somme, à voir le monde sous d’autres angles. À en accepter la pluralité.
Chaque personne rencontrée à l’occasion de ce numéro nous crie : j’existe, ce monde est aussi le mien, laissez-moi y faire ma place. Reste à accepter de se laisser bousculer par ces appels, pour construire un monde commun.
Aurore Chaillou