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Report de l’expulsion d’exilés à Pantin : « Une excellente décision » pour leur avocat

Matteo Bonaglia dans son cabinet d'avocat, Paris 14ème, le 20-12-2022. Il a défendu le collectif d'exilés occupant un bâtiment à Pantin.

Le tribunal de proximité de Pantin repousse à avril 2025 l’expulsion d’une soixantaine d’exilés qui occupent un bâtiment vacant dans la ville. Alors que le projet de loi « anti-squat » vient d’être adopté à l’Assemblée nationale, l’avocat des exilés, Matteo Bonaglia, voit dans ce verdict « les derniers soubresauts d’un système démocratique et juridictionnel efficace, avant que cette loi passe ».

Comment en êtes-vous venu à défendre des réfugiés visés par une assignation d’expulsion ?

Matteo Bonaglia : J’ai été contacté en février 2022 quand ils sont entrés sur les lieux, accompagnés par des associations. Ce sont surtout des exilés, dont la majorité a été déboutée de sa demande de droit d’asile. Les avocats de l’EPFIF [Établissement public foncier d’Île-de-France], propriétaire du bâti, ont délivré en août 2022 devant le tribunal de proximité de Pantin, une assignation à fin d’expulsion qui visait tous les occupants.

Habitants du bâtiment occupé à Pantin. 20/12/2022. © Zoé Perrin

Comment avez-vous fait pour retarder l’expulsion ?

L’objet n’était pas de contester l’EPFIF dans sa propriété, mais de convaincre le juge que l’expulsion devait intervenir plus tard. Compte tenu de la situation de détresse des exilés, de leurs conditions d’occupation responsables, de leurs démarches pour trouver des solutions alternatives d’hébergement et de l’harmonie entre les occupants et les riverains, le juge nous a suivis. L’expulsion des intéressés n’interviendra pas avant le 1er avril 2025, ce qui est une excellente décision.

Y a-t-il beaucoup de cas similaires en France ?

La saturation croissante des dispositifs d’hébergement d’urgence et l’aggravation de la crise du logement donnent lieu à une augmentation des lieux de vie informels. Pour autant, la part des contentieux liés aux squats représente 1 % des dossiers lorsqu’il s’agit d’expulsion. La majorité des expulsions est due à des impayés locatifs et à des non-respects du bail. Mais la focalisation politico-médiatique sur les squats est telle qu’on a l’impression que ce phénomène est massif, ce qui est ridicule et faux.

La proposition de loi « anti-squat » a été adoptée à l’Assemblée et sera examinée au Sénat en janvier 2023. En quoi consiste-t-elle ?

Cette loi comprend un premier volet qui s’intéresse au squat et à des situations connexes, et un deuxième relatif aux relations locatives. Les défenseurs de la loi souhaitent que les propriétaires n’aient plus à se plier au respect d’une procédure judiciaire. Deux mécanismes seraient instaurés. D’abord, le délit d’occupation sans droit ni titre d’une propriété d’autrui, sanctionné d’une peine de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende. Et la possibilité de laisser de côté le déroulé classique d’un schéma d’expulsion, en confiant l’autorité aux procureurs et aux préfets plutôt qu’à des juges indépendants.

Que pensez-vous de cette loi ?

C’est une catastrophe. C’est trente ans de construction d’une législation à peu près équilibrée entre les intérêts du propriétaire et des occupants mis à bas. À la place, on va criminaliser la pauvreté. Je vois dans le verdict du cas de Pantin les derniers soubresauts d’un système démocratique et juridictionnel efficace, avant que cette loi passe.

Propos recueillis : Perrine Kempf

Photos : Zoé Perrin