La privatisation du logement social communal en Allemagne Une étude du cabinet d´audit et de conseil Ernst and Young de l´été 2007 indique qu´un tiers des communes allemandes de plus de 100 000 habitants serait prêtes à privatiser une partie de leur patrimoine ou bien des services publics dont elles ont la gestion dans les prochaines années. Le domaine du logement serait particulièrement concerné : 41% des communes s’intéressant à une privatisation envisageraient de céder leurs sociétés de gestion du logement social communal ainsi que leur patrimoine immobilier.
Une privatisation massiveA partir des années 1980, la dynamique est aux restrictions budgétaires dans l´ensemble des pays de l´Europe occidentale. Le secteur public du logement en fait les frais. L’aide à la personne se substitue à l’aide à la construction et le principe de l´accession sociale à la propriété connaît un grand succès.
Dans ce paysage européen, l´Allemagne ne fait pas exception. Mais elle se distingue de ses voisins par le caractère massif des ventes : les communes, qui possèdent les sociétés de logement social, se débarrassent en bloc de leur patrimoine, c´est à dire par dizaines de milliers de logements.
Mais pourquoi privatiser le logement communal ?L´argument majeur invoqué pour légitimer ces ventes en bloc est l´impérieuse nécessité de désendetter les communes. Au sous-financement chronique, dont souffrent beaucoup de municipalités allemandes, s´ajoutent les difficultés économiques et sociales liées à la réunification que doivent assumer les villes de l´Est : le coût des restitutions et indemnisations des propriétés « socialisées » au temps de la RDA se double de la difficulté à endiguer l´hémorragie démographique et économique vers l´ouest. Or, les perspectives ouvertes par la privatisation du logement public sont alléchantes. La municipalité de Dresde est ainsi parvenu à ramener ses comptes à l´équilibre en 2006 en cédant pour quelques 1,7 milliards d´euros sa société de logement communal Woba.
Qui sont les acheteurs ?Mais quel acheteur peut absorber une telle quantité de logements ?
Les acheteurs rationalisent donc le fonctionnement des sociétés anciennement communales, congédiant les salariés et réduisant l´équipe administrative à un minimum.
Quelles conséquences pour les locataires ?Les conséquences de ces ventes pour les locataires sociaux sont difficilement évaluables : le processus de privatisations massives est encore jeune, et les effets de la nouvelle gestion ne seront observables que sur le long terme. A Berlin, on remarque que les loyers des appartements achetés par des fonds de pensions américains n´ont pas augmenté massivement.
Une voix contre les privatisations de logements communauxSi les effets sur les locataires ne sont pas (encore) spectaculaires, des opposants à ces ventes ont tout de même commencé à faire entendre leur voix.
Le débat est désormais ouvert. Le référendum de Fribourg a déjà influencé plusieurs maires qui avaient envisagé la privatisation de leurs sociétés de logement communal. Leipzig a choisi de redéfinir sa stratégie de vente. Les maires de Rostock et de Schwerin ont quant à eux remisé dans leurs tiroirs leurs projets de privatisations. La vente du patrimoine de logement social des communes était il y a peu de temps encore une question neutre, liée essentiellement à la recherche de l´équilibre financier par les municipalités. Elle est désormais un véritable enjeu de politique locale.
[1] Ils obtiennent un rabais de 30 à 50% [2] siège social, appartements situés dans les quartiers les plus attractifs [3] création de balcons ou de garages sous-terrains par exemple [4] En Allemagne, les bénéficiaires de certains minima sociaux voient leur loyer réglé directement à leur propriétaire par le Land. Ce dernier a un droit de regard sur la taille et le prix du logement. Le maintien de loyers en dessous des seuils fixés par le Land garantit donc aux propriétaires une stabilité de l´occupation de leur bien et du versement des loyers. [5] organisé à l´initiative de la campagne citoyenne « Le droit au logement est un droit de l´Homme » [6] Cette métaphore des « investisseurs sauterelles » (Heuschrecken en allemand) est apparue il y a peu d´années dans la bouche du ministre SPD Franz Müntefering. Elle est désormais largement reprise par de très nombreuses initiatives citoyennes qui dénoncent des investisseurs institutionnels s´emparant de services publics pour en tirer des profits élevés en un temps limité, avant de les revendre et de s´attaquer à un autre secteur. |
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