4. Pourquoi le logement social en Allemagne est-il devenu plus cher que le logement privé ? Contrairement à ce qui pourrait sembler une évidence, le logement social allemand ne se caractérise pas par son accessibilité financière pour les plus démunis. Au contraire, parce qu’il s’agit pour l’essentiel de logements neufs, mais aussi à cause de l’évolution du système de financement public, le logement social est devenu un secteur cher. L´article 3. Le secteur privé du logement d´utilité publique en Allemagne nous a permis de comprendre que le « logement social » en Allemagne est en fait composé de trois branches indépendantes, animées par des acteurs de natures différentes : les coopératives et fondations, les sociétés de logement communal, et les logements privés en utilisation sociale temporaire.
Des logements sociaux neufs, modernes et... chersPar définition, le logement social en Allemagne est neuf puisqu´il n´est social que dans la mesure où le bailleur a obtenu des subventions publiques pour sa construction. Une fois les subventions remboursées [1], le logement concerné sort de la sphère sociale. Il est remplacé dans le « parc social » par de nouveaux logements neufs.
Cette particularité du logement social allemand amène à ce que les logements sociaux soient en moyenne et « par nature » plus modernes que le reste des logements disponibles sur le marché.
Ce paradoxe, qui pourrait n´ être qu´un effet inattendu et pervers du système, est en réalité tout à fait assumé. Le logement social est essentiellement destiné « aux couches les plus larges de la population » [2] : il ne concerne donc pas spécifiquement les personnes les plus démunies.
Les logements sociaux sont donc par nature plus chers que les logements anciens non encore rénovés. Mais un autre facteur a abouti à ce que le secteur social se renchérisse nettement : l´évolution de la législation sur la fixation du prix des loyers sociaux. Le loyer économique… et son explosionLes logements « sociaux », ceux qui ont bénéficié d´aides publiques pour leur construction, sont soumis à la législation sur le loyer économique (Kostenmiete). Le loyer économique est fixé sur la base d’un calcul de rentabilité. Le loyer payé par les locataires ne peut dépasser le montant des intérêts liés à l´emprunt de capital pour la construction.
Evolution des modalités du loyer économique Cependant, dès le début des années 1970, l´Etat fait le choix de ne plus accorder directement des prêts [3], et ce dans l´objectif de rapprocher le plus possible le secteur du logement social des acteurs traditionnels du marché. Il renvoie donc les bailleurs à des prêts classiques, pratiqués par les banques, à des taux beaucoup plus élevés. Pour permettre le maintien de loyers accessibles aux locataires modestes, l´Etat passe des contrats avec les bailleurs : il finance au bailleur durant 15 ans [4] la différence entre le loyer économique (le coût effectif des emprunts réalisés pour la construction) et le loyer politique, acceptable pour des ménages modestes, selon une décision prise par les pouvoirs publics.
L´explosion des coûts Ce système a des conséquences néfastes, puisqu´il encourage une hausse importante de l´ensemble des prix du secteur : les pouvoirs publics prenant à leur charge les coûts, l´ensemble des acteurs du secteur [6] ont intérêt à voir augmenter les prix de la construction, les coûts des crédits etc.
A l´origine, les contrats de 15 ans pouvaient être renouvelés, sur la base d´un vote des parlementaires, perpétuant ainsi sur des périodes très longues l´engagement de l´Etat. Ces renouvellements ont été voté sans aucune difficulté jusqu´en 2003.
Des locataires protégés par… le marché Les loyers ont alors « théoriquement » explosés : les propriétaires pouvaient en principe exiger de leurs locataires qu´ils leur versent le montant complet du coût du crédit, jusqu´alors en partie couvert par l´Etat.
On se trouve donc dans une situation paradoxale : les locataires sont plus protégés par le marché lui-même que par l´intervention de l´Etat sous la forme du soutien au secteur social...
Ce système particulier du logement social, avec ses modalités qui ont évolué au fil des décennies, a donc abouti à d´étranges conséquences : le secteur du logement subventionné par les pouvoirs publics (donc le logement social) est devenu souvent plus cher que le logement dans le secteur privé !
[1] quelques dizaines d´annés [2] 80% de la population [3] il en accorde toujours pour chaque construction, à un niveau bien inférieur par rapport à la période antérieure, afin de garantir le maintien de la fonction sociale temporaire des nouvelles constructions [4] donc beaucoup moins de temps qu´auparavant, quand le remboursement des emprunts, qui durait plusieurs dizaines d´annés, garantissait le caractère social des logements sur un terme assez long [5] et non au locataire : on reste dans le domaine de l’aide à la pierre [6] banques, bailleurs, constructeurs, fournisseurs de matières premières, experts |
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