1. Le marché au cœur de la politique allemande du logement L´Allemagne est parfois regardée avec des yeux envieux par les militants français du droit au logement : les coopératives d´habitat y sont largement développées, le droit des locataires est très favorable, les projets d´habitat communautaire fleurissent…
D´où vient la politique du logement actuelle ?En 1950, l´Allemagne de l´ouest compte 16,7 millions de foyers (50,8 millions d´habitants) : pourtant seuls 10 millions de logements sont disponibles à cette époque. Aux réfugiés des anciennes provinces de l´Est s´ajoutent aussi les personnes qui ont quitté la RDA (entre 1949 et 1961, leur nombre est évalué à 3 millions). Le logement constitue donc l´une des priorités des gouvernements qui se succèdent jusqu´à la fin des années 1970. Deux lois des années 1950 cherchent à réactiver l´élan dans la construction sociale que la République de Weimar avait su entraîner. Elles sont toutes deux d´inspiration conservatrice.
La « seconde loi sur la construction de logements » de 1956, qui est restée en vigueur jusqu´en 2001, exprime nettement cette orientation : « Le soutien à la construction de logement a pour but d´éliminer le manque de logements et de permettre à une large portion de la population d´accéder à la propriété. Le soutien apporté doit permettre de fournir un nombre de logements suffisants pour l´ensemble des couches sociales, en fonction de leurs besoins différenciés, et ceci en particulier pour les personnes qui ne parviennent pas à trouver seules un logement. Les logements qui seront financés en priorité seront ceux qui assureront l´épanouissement d´une vie de famille saine, en particulier pour les familles nombreuses. Le soutien à la construction doit majoritairement concerner la formation d´une propriété privée (logements familiaux ou logements de propriétaires occupants). Pour la réalisation de la propriété privée, l´épargne personnelle et la volonté d´auto-organisation doivent être stimulées. » [1]
La loi de 1956 marque le passage à un nouveau modèle du logement social, celui qui a fait jusqu´en 2001 l´originalité de l´Allemagne en la matière. Ce modèle se base sur quatre caractéristiques. Pas d´acteurs spécifiques du logement socialLes aides de l’Etat pour la construction peuvent être accordées non plus seulement aux organismes relevant de l’utilité publique mais aussi aux bailleurs purement privés.
Le marché privé a toujours été le pivot de la politique allemande du logement. Dans ce sens, elle ne fait pas de distinction lorsqu´elle accorde des fonds publics à des projets de construction entre les différents acteurs du logement.
Un public large du logement socialLe public visé par le logement social est défini comme « les plus larges couches de la population », soit 80% des ménages à l´époque. Les prix et les caractéristiques des logements sociaux sont donc adaptés aux besoins des familles des classes moyennes (un couple avec 1 à 2 enfants).
Un logement social « à caractère temporaire »Le « logement social » ne correspond pas à un parc de logements circonscrit mais à une caractéristique limitée dans le temps des logements. Un logement est dit « social » lorsque, pour sa construction, le bailleur a sollicité un prêt public : durant les années de remboursement de ce prêt, les locataires de l´appartement sont choisis (sur recommandation de la commune) selon des critères sociaux, notamment selon leur niveau des revenus. Mais une fois les subventions remboursées, le logement retombe dans le secteur du marché privé. C´est ce que Christian Donner appelle la « soziale Zwischennützung ». Le logement social peut être locatif ou en propriété privéeLes aides publiques sont accordées tant pour des logements locatifs que pour des logements occupés en propriété. Les différentes lois composant la politique allemande du logement sont marquées par la prégnance de l´idéologie de la propriété privée individuelle, liée à celle du développement d´une « vie de famille saine ».
Les objectifs d´accession à la propriété pour le plus grand nombre n´ont pas eu les effets escomptés : c´est surtout l´expansion du logement locatif qui a été financée en pratique par les dispositifs publics. C´est ainsi que l´Allemagne est devenue un pays de locataires, plutôt que de propriétaires : en effet, si la France compte aujourd´hui 56% de propriétaires de leur logement, la proportion en Allemagne s´établit à 42,5% de propriétaires contre 50,5% de locataires et 7% de personnes logées dans des coopératives d´habitat.
Une régulation stricte des rapports locatifs et des loyersAu-delà du logement dit « social », les pouvoirs publics interviennent sur le marché par une régulation stricte des rapports locatifs et notamment des augmentations de loyers : cette intervention doit faciliter l´accès de la majorité de la population à un logement abordable. Pour connaître le détail de cette réglementation des rapports locatifs, très favorable aux locataires, et son influence sur la régulation des prix des loyers, vous pouvez lire l´article « Des locataires allemands bien protégés ». Au fil de l´instauration de différents axes de la politique du logement sont apparus des acteurs variés, qui n´ont jamais formé un véritable secteur du logement social unifié.
[1] Zweites Wohnungsbaugesetz, paragraphe 1, alinéa 2 « Le soutien à la construction de logements comme devoir des pouvoirs publics » |
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