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Espagne / Agriculture paysanne et travailleurs migrants saisonniers /

A Huelva en Andalousie, on importe des femmes pour exporter des fraises
23 novembre 2007 par Emmanuelle

Le système de "contratación en origen" (recrutement à l’étranger) fonctionne depuis 2001 en Espagne et permet d’importer le temps que dure la récolte, les bras les moins chers du marché international de main d’oeuvre : à Huelva l’année dernière, 33.000 travailleurs sont venus en autobus de Roumanie, d’Ukraine, de Pologne et du Maroc.

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champ de fraises {JPG}Dans le marché international agricole, l’Andalousie est aujourd’hui la première zone exportatrice de produits maraîchers pour l’ensemble de l’Europe. Cette production intensive n’existe qu’à force d’emprunts financiers, d’investissements technologiques et dépend des multinationales qui fournissent la semence et les pesticides. Grâce à tous ces intrants, des agriculteurs parviennent à produire, dans ce qui à première vue semble une terre désertique, la grande majorité des fruits et légumes que nous consommons.

La province de Huelva connaît depuis les années 80 « un extraordinaire développement » de la culture de la fraise. Cette spécialisation de la province, tient à la capacité des agriculteurs locaux, « grâce » à un modèle de culture importé de Californie, de produire à une saison où il n’existe aucune concurrence, de janvier à avril, des fraises qui seront exportées dans toute l’Europe. La production de "l’or rouge" ne peut cependant exister qu’en exploitant à moindre coût des travailleurs venus de pays pauvres : Roumanie, Sénégal, Maroc… Dans ce système agricole, l’immigration est considérée comme un des facteurs clé de la rentabilité. Afin de s’assurer la disponibilité de la main d’œuvre sans s’exposer aux risques de recrutement massif d’une main d’œuvre illégale, les syndicats locaux d’agriculteurs, (Asaja, Coag, FresHuelva, Citricultores, Upa) organisent depuis 2001-2002, le recrutement de femmes en Pologne, en Roumanie, en Ukraine, au Maroc, et cette année, une « expérience pilote » sera menée avec le Sénégal.

« La contratación en origen » : du recrutement de main d’oeuvre pas cher…

Ce système donne donc lieu à une sélection de travailleurs étrangers, en tentant de concilier l’inconciliable : fournir une main d’œuvre bon marché, tout en s’assurant de son retour au pays à la fin du contrat, formule qui a déjà fait florès dans l’histoire de l’immigration avec les conséquences que l’on sait. Comme l’explique un représentant d’un syndicat d’agriculteur, FresHuelva, « dans une économie de marché, l’administration et les entreprises essayent d’amener les personnes les moins polémiques possibles. »

On sélectionne donc :

- des femmes, parce qu’elles «  génèrent moins de conflits, elles ont les mains plus délicates, elles sont plus travailleuses, et plus humbles. » [1]

- ayant une expérience dans l’agriculture

- pas trop maigres, et pas trop grosses

- pas trop jeunes, pas trop fêtardes et ayant dans le pays d’origine des charges familiales, enfants en bas âge, afin de s’assurer de leur retour une fois la saison terminée

- on peut aussi constater dans les discours des recruteurs, une nette préférence pour les roumaines et les polonaises par rapport aux marocaines « qui n’ont pas la même culture, la même religion et ne savent pas parler espagnol. Le problème des travailleuses marocaines, c’est que quand je dois les répartir aux agriculteurs, ils n’en veulent pas. Des 350 de cette année, il m’en reste 50 sur les bras… et je dois encore placer toutes les sénégalaises. »

Le système de « contratación en origen », s’apparente en France au recrutement de travailleurs étrangers via les contrats OMI.

(Pour en savoir plus sur les mêmes mécanismes à l’œuvre en France, consulter le site du Codetras : collectif de défense des travailleurs étrangers dans l’agriculture des Bouches du Rhône

… censé participer à l’intégration des travailleurs étrangers.

Comment légitimer de telles pratiques ? Selon la Coag, ce « service intégral de recrutement » permet d’éviter les mouvements désordonnés de l’immigration clandestine et ses corollaires : insuffisance des infrastructures locales, logements, services sanitaires, et développement du racisme et de la xénophobie… Ainsi, faire son marché aux travailleurs dans les pays pauvres qui ceinturent la zone de « développement » européen, alors que de nombreux travailleurs sans-papiers sur place ne peuvent obtenir d’emploi, ne relèverait pas d’une simple volonté de faire baisser les coûts de production, mais bien d’une « contribution à l’insertion sociale des travailleurs et de leurs familles à travers l’emploi pour qu’ils puissent s’installer en Espagne de manière digne et stable, avec les garanties maximales de légalité. » [2]Cette légitimation leur permet, en plus des avantages évidents du système de recrutement, approvisionnement d’une main d’œuvre flexible, dépendante et très bon marché, de capter des subventions européennes destinées à la lutte contre le racisme et la xénophobie ( projet « Aeneas Cartaya » intitulé « projet de gestion éthique de la migration temporaire) ou projet « Equal Arena » ).

Une collaboration active des politiques pour que vive le système.

Et les politiques dans tout ça… ils collaborent à tous les niveaux à ce système qui « enrichit » la province. Comment ? en faisant ramasser gratuitement par les collectivités locales les tonnes de plastique usagé, en subventionnant les syndicats patronaux à hauteur de 150.000 euros pour que ceux-ci puissent monter des services de recrutement capables de gérer la « fastidieuse bureaucratie » du recrutement à l´étranger, en captant des fonds de l’Union Européenne destinés à la lutte contre le racisme et la xénophobie pour mettre en place le recrutement dans le pays d’origine.

Quand la précarité devient normalité

Dans la pratique, les travailleuses ayant un contrat d’origine sont en situation de dépendance totale par rapport à leur employeur, on ne leur paye pas leurs heures supplémentaires, ni les jours fériés. Alors qu’elles viennent travailler pendant l’ensemble de la saison, elles ne peuvent revendiquer que 18 jours de travail par mois, et dans la réalité, ce devoir de l’employeur envers ses travailleurs n’est pas plus respecté que les autres. Elles sont de plus soumises à une période d’essai de quinze jours pendant laquelle elles peuvent être renvoyées en Roumanie si l’employeur n’est pas satisfait de leur travail, sans que l’employeur ni son syndicat ne leur paye le billet de retour en autobus. Le syndicat agricole qui centralise toutes les travailleuses donne le droit aux agriculteurs de choisir ses travailleurs selon leur nationalité : « cette année, mets moi cinq polonaises, et cinq roumaines, mais pas de marocaines, j’ai que deux maisons, je ne saurai pas où les mettre. » Et toutes ces femmes rentrent elles à la fin de la récolte ? « buenooo, des marocaines qui sont venues l’an dernier, 50% se sont « perdues » (entendre par là qu’elles sont restées en Espagne), et les Roumaines « il est clair que beaucoup d’entre elles finissent dans la prostitution, mais que peut on y faire ? ici, au moins elles travaillent… » [3]

Pour plus d’information sur les conséquences de la culture intensive de la fraise dans la province de Huelva, consulter l’article en espagnol : Las fresas que te comes... de Ramón Germinal


[1] De/vueltas al campo. El trabajo de las mujeres en una agricultura globalizada, Alicia Reigado Olaizola, en ¡Que hace esta Fresa en tu mesa ! La situación de l@s trabajadores de la fresa en Huelva, la resistencia es fértil, Atrapasueños, 2006

[2] Guia practica para la contratación de trabajadores en el campo agrario, Coag Huelva, Especial Empleo Agrario, Labrando futuro, periódico bimestral de información agraria, n•43 : Especial diciembre 2003

[3] Entretien avec un responsable de la Coag




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