Hip-hop : comment Bboy Simhamed a transformé sa passion en profession

Ce que Simhamed préfère, c’est monter sur scène et jouer son rôle de chorégraphe. © Anaïs Laforêt

Depuis des décennies, il contribue à faire vivre le hip-hop. Nous avons rencontré Bboy Simhamed au Centquatre (Paris 19e), où bat le cœur de la discipline. Portrait.

par Aïssatou Faty

« C’est génial, ça montre qu’on est des artistes, de réels artistes ! » Simhamed Benhalima, dit Bboy Simhamed, sacré trois fois champion du monde avec son groupe Vagabond Crew, exulte à l’évocation de l’exposition « Hip-Hop 360, gloire à l’art de rue », qui présente toutes les disciplines du mouvement à la Philharmonie de Paris. Accoudé à un muret à l’écart de la scène bétonnée du Centquatre, Paris 19e, le danseur de 48 ans est attentif aux mouvements des jeunes danseurs qui s’entraînent à quelques mètres de là, au rythme de la musique – hip-hop, bien sûr. Arlequin ­– c’est son nom d’artiste –, a roulé sa bosse dans le hip-hop. Il danse depuis les années 1990. Sur ses cheveux courts poivre et sel, il porte un bonnet de protection qui aide sa tête à glisser sur une longueur pouvant aller jusqu’à dix mètres.

« Cri social » et dépassement de soi

Ce qui l’a attiré vers le hip-hop, c’est le « cri social » exprimé à travers la danse, et le dépassement de soi. « À l’époque, nous n’étions que deux danseurs de breakdance à Colombes », se souvient-il. C’est en bas de son bâtiment qu’il s’entraînait, avant de rejoindre ses homologues à Châtelet-les-Halles, le lieu saint des amoureux du hip-hop en France.

Les participants aux battles venaient de tous les horizons. Le mouvement hip-hop casse les barrières : « On était des danseurs avant tout. » L’enjeu était de se faire un nom, car cette discipline requiert une singularité dans la reproduction des mouvements. Le triple champion du monde a su trouver son propre flow et ainsi se faire respecter : « Si je mets une cagoule, on me reconnaît direct », lâche-t-il avec fierté.

25 ans de collaboration avec des compagnies de danse contemporaine

Ses parents étaient contre son choix de faire du breakdance. Pourtant, Bboy Simhamed ne s’est pas dégonflé. En bon autodidacte, il a su donner une dimension professionnelle à sa passion. Il a collaboré durant vingt-cinq ans avec des compagnies de danse contemporaine. Il a chorégraphié les scènes de danse pour le film Break de Marc Fouchard, sorti en 2018. Il a également mis en scène des tableaux de Van Gogh (Le Faucheur, Les Chaussures et Le Docteur Paul Gachet) et certaines de ses citations, comme « Plus j’y réfléchis et plus je sens qu’il n’y a rien de plus réellement artistique que d’aimer les gens » dans le spectacle Le Van d’un dernier été, qui retrace la vie du peintre.

Très attentif sur la scène grise du Centquatre qui scintille, Bboy Simhamed applaudit et félicite les breakdanceurs. De son temps « il n’y avait pas d’endroit comme le Centquatre » à Paris. Ni internet d’ailleurs. « Avant, il y avait un amalgame entre le hip-hop et les gens de banlieue », estime-t-il. Mais la nouvelle génération apprend vite et contribue à l’expansion de cette discipline. S’il regrette la perte de la revendication sociale caractéristique du hip-hop, il se réjouit de sa démocratisation.

Simhamed s’entraîne avec ses amis au 104. Pendant notre échange, il nous raconte l’histoire du hip-hop. © Anaïs Laforêt

Avant de reprendre le perfectionnement d’un mouvement qui lui donne du fil à retordre depuis cinq ans, Bboy Simhamed prend le temps de partager une figure avec un autre danseur, en lui lançant : « C’est cadeau ! »