À Pantin a lieu le premier festival dédié à la culture juive d’Afrique du Nord. Derrière ce projet ambitieux, quatre amis unis par l’histoire de leurs ancêtres et le besoin de mieux comprendre leur passé.
par Jacopo Landi
C’est sur les planches du théâtre de La Nef, ancienne briqueterie à Pantin devenue lieu culturel, que l’association Dalâla tient la première édition de son festival éponyme, du 20 au 22 décembre. Au programme, rencontres, ateliers et discussions autour des complexités et de l’histoire de la culture judéo-arabe. Entre partage de recettes et projections de films, les quatre fondateurs espèrent amener de la lumière sur une page d’histoire sur laquelle, à leur avis, persistent encore trop de zones d’ombre.
« Nous sommes tous descendants de juifs d’Afrique du Nord. Nous sommes des artistes et des chercheurs, donc on voulait créer un espace d’échanges, de création et de réflexion autour de notre culture », explique Sarah Melloul, qui a fait naître l’association en 2019 avec Yohann Taïeb, Jonas Sibony et Samuel Everett. L’histoire douloureuse de cette population, exilée au milieu du 20e siècle, a entraîné beaucoup de silence de la part de la génération de leurs parents. « Cela pousse les enfants d’aujourd’hui à chercher », souligne Sarah, observant que « c’est un peu notre dénominateur commun, comme beaucoup d’enfants d’immigrés ».
En harmonie avec soi et son histoire
Pour Samuel Everett, anthropologue à l’université de Cambridge, ces initiatives ne risquent pas de tomber dans le communautarisme. « On doit pouvoir exister avec toutes les complexités qui nous caractérisent, en harmonie avec soi et son histoire, sans occulter une partie de soi en s’assimilant », souligne-t-il. Il revendique son rôle de chercheur, qui l’amène à « apporter de la complexité et de la nuance à des questions qui restent clivantes, même au sein de notre communauté ».
Le public – restreint à une quinzaine de personnes à cause de la jauge liée au Covid – , suit avec grande attention pendant que Samuel et l’illustratrice Iris Miske expliquent leur travail sur Edmond Yafil et Mahieddine Bachetarzi, Marie Soussan et Rachid Ksentini, deux couples de musiciens judéo-arabes du début du 20e siècle. Alice, venue avec son père Charlie, parti de Tunisie à l’âge de 10 ans, raconte comment les recettes goûtées la veille lui ont remémorée les plats de sa grand-mère. « On est vite absorbé par la culture dans laquelle on vit, mais c’est important de garder le contact avec ses ancêtres », observe de son côté Charlie. Il dit garder des souvenirs extrêmement précis de son enfance de l’autre côté de la méditerranée, et se rappelle également d’une arrivée en France très rude, entre difficultés économiques et méfiance de la population. L’association espère faire de ce festival un rendez-vous annuel et continue son travail de dialogue à travers, entre autres, des cours de langues en arabe et en hébreu.