Au cimetière de Charonne, le chat est roi

Le cimetière de Charonne est l'un des deux cimetières parisiens, avec celui du Calvaire dans le 18e arrondissement, à jouxter une église. © Sydonie Ghayeb

Dans le 20e arrondissement de Paris, il y a un roi. Petit, poilu et baptisé Grisou. Cet affectueux félin vit depuis sept ans dans le cimetière de Charonne, en surplomb de la rue de Bagnolet. Au fil du temps, il est devenu  une célébrité locale.

par Marius Caillol

Conservateur du cimetière de Charonne depuis douze ans, Victor est un passionné. Histoire, droit, sociologie et démographie : aucun aspect de son secteur ne lui échappe. « Mais il n’y en a que pour Grisou, pas un seul jour où on ne me parle pas de lui », se désole Victor, entre deux explications sur les particularités des nécropoles parisiennes. « Il est arrivé il y a sept ans, et très vite, on a compris qu’il resterait. » Par pudeur professionnelle, Victor met du temps à révéler son affection pour le chat-roi. Mais pas que. Car ils sont trois félins à vivre dans le cimetière. « Le matin, on a une petite routine, ils m’attendent de pied ferme car je suis la première main à les nourrir chaque matin. »

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« Avec Grisou, c’est un peu spécial »

Entre les deux autres, Grisou fait figure de svelte monarque à la robe argentée. Impossible de deviner ses treize années de vie. Il y a aussi Philémon, grec de nom mais aussi de forme. Ce tigré rondouillard a certes la démarche comique, mais il est de loin la meilleure pâte. Enfin, Wanda la sombre est une chatte noire qui ne risque pas de porter malheur à quiconque puisque personne ne la voit, sauf quelques privilégiés. Parmi ces derniers, Danielle, 74 ans, parcourt tous les jours le 20e arrondissement, souvent accompagnée de sa sœur, pour s’occuper des nombreux chats errants. Et ce depuis une décennie. « Je n’ai pas de favori, mais avec Grisou c’est un peu spécial. Il est là depuis si longtemps. » Régulièrement aidée par l’association 30 Millions d’amis, Danielle doit cependant régler elle-même les frais vétérinaires et de nourriture. « De mon temps, les chats errants étaient euthanasiés. Maintenant on les stérilise pour éviter qu’ils ne se reproduisent trop. Et souvent, c’est moi qui paye. » Quand on lui demande pourquoi elle ne lance pas un « Grisou-o-thon », elle s’amuse : « Il est si populaire qu’on récolterait de quoi nourrir tout Paris. »

La famille Monminoux

Un nom revient souvent dans les conversations au cimetière. Celui de monsieur Beringer, qui a donné à Grisou son sobriquet. Presque aussi célèbre que le chat, il est une institution dans le quartier. À 92 ans, il continue de faire visiter ce curieux cimetière, où la tombe de Robert Brasillach, collabo notoire, et celle de Maurice Bardèche, son beau-frère négationniste, voisinent avec la statue de François Bègue, un imposteur de la Révolution autoproclamé secrétaire de Robespierre, ou encore le caveau de la bien-nommée famille Monminoux. « Malheureusement, M. Beringer ne vient plus aussi régulièrement, il s’est blessé à la tête en chutant dans le cimetière, alors qu’il nourrissait les chats », déplore Danielle. Victor approche doucement. Grisou devine que le gardien vient fermer les portes et s’éloigne nonchalamment. Danielle et Victor se saluent avec chaleur : demain, tout recommence.