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Portrait

Nagib Azergui, candidat du parti musulman à l'Élysée

Il savait que sa candidature à la présidentielle avait peu de chances d’aboutir. La faute à un projet plutôt flou ? Il n’empêche que celui qui a fait de la lutte contre l’islamophobie son cheval de bataille, pense déjà à l’assemblée nationale.

Texte : Heven Armede – Photos : Samir Maouche

Najib Azergui, président du parti  UDMF, l’ Union des Démocrates Musulmans Français, est candidat à la présidentielle de 2022. ©Samir Maouche

Costard cintré, col roulé, mallette à la main, Nagib Azergui était le seul candidat à la présidentielle qui se réclamait d’un parti musulman. N’ayant obtenu que «trois ou quatre parrainages» sur les 500 signatures requises, il se concentre aujourd’hui sur les législatives.

Mais qui est le fondateur de l’Union des démocrates musulmans français (UDMF), un parti qui a pour crédo «la lutte contre la xénophobie, l’émancipation et l’égalité», comme il est écrit dans son programme ? En 2012, lorsqu’il crée son parti, cet informaticien de 49 ans à la parole prolixe, originaire de Nanterre (Hauts-de-Seine), n’a aucune expérience politique. «Je ne savais même pas comment monter une liste», se souvient-il. Par contre, il est convaincu que «c’est aux musulmans français de s’organiser» pour traiter la question de l’islam.

  Une progression plutôt faible

Aujourd’hui, l’UDMF comptabilise quelque 1 350 adhérents, contre 900 il y a cinq ans, soit une progression plutôt faible. D’après Nagib Azergui, le parti regroupe cependant «beaucoup de non-musulmans sensibles à la question de l’islamophobie.» Son but : «désislamiser», comme il le dit, le débat politique. Après avoir obtenu son DESS (niveau bac+5) à la fin des années 1990, il commence à s’intéresser à la façon dont les musulmans sont perçus par la classe politique, et constate ce qu’il appelle «l’islamo-diversion des politiques, qui surfent sur la peur des musulmans pour éviter de répondre aux problèmes régaliens».

Nagib Azergui n’a pas fait d’études islamiques. Il se défend d’être un «guide spirituel» et affirme s’adresser à tous les Français, avec des mesures sociales comme la taxation accrue de la richesse et l’augmentation des salaires des professeurs. En 2014, cependant, le Seine-et-Marnais a rencontré Mohamed Latrèche, créateur du parti Musulmans de France (MDF) et accusé la même année d’apologie du djihad. Nagib Azergui assure que cette rencontre a eu lieu «dans le cadre d’une étude de marché» et qu’il ignorait que Mohamed Latrèche «avait des idées anti-IVG et antisémites».

Préparer les législatives

Issu d’une famille nombreuse, Nagib Azergui est le fils d’un ouvrier et d’une mère au foyer. Ses parents lui ont appris à «rester discret» pour s’intégrer. Aujourd’hui, quand on le renvoie à ses origines, le quarantenaire s’étonne qu’on lui dise de «rentrer dans son pays», comme s’il n’était pas français. Une injonction qui entraîne de la souffrance, souligne-t-il : «Nos parents ne sont pas venus ici pour être taxés de terroristes mais pour combattre au côté de la France».

Conscient qu’il avait peu de chances d’obtenir ses 500 parrainages, Nagib Azergui préfère voir le verre à moitié plein. Pour lui, il s’agit surtout de préparer le terrain des législatives, qui auront lieu les 12 et 19 juin prochains. Des élections qui permettraient potentiellement à son parti de siéger à l’Assemblée nationale. À ce jour, il revendique «plus de 100 candidats dans 100 circonscriptions».

Premier tour de la présidentielle : pour qui les musulmans voteront le 10 avril prochain ?

Elyamine Settoul, maître de conférences au Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) et sociologue spécialiste de l’immigration, de la radicalisation et de l’islam, estime qu’un parti communautaire musulman ne peut pas percer en politique.

Elyamine Settoul est  pessimiste quant aux chances de réussite d’un parti communautaire musulman en politique car il est jugé peu rassembleur par «les musulmans français qui n’ont pas intériorisé le mot communautarisme». Et pour cause, les musulmans seraient «divisés» et enclins à un discours sur l’islam «très négatif» dans le débat public.

«Dominique de Villepin aurait eu du succès auprès du vote musulman»

À l’approche du premier tour, il semble difficile de dégager une tendance du vote musulman pour un candidat. La faute à un «abstentionnisme fort dans les milieux populaires où les musulmans vivent en majorité», explique le sociologue. Pourtant, selon lui, les musulmans donneraient davantage leur voix à Jean-Luc Mélenchon qu’à Emmanuel Macron qui «est pour le partage des richesses». S’il devait y avoir un candidat idéal, ce serait Dominique de Villepin qui remporterait les suffrages du vote musulman car, bien que situé à droite, «il n’a pas un discours anti-musulman».

Elyamine Settoul est maître de conférences au Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) et docteur en sciences politiques de l’Institut d’études politiques à Paris. ©Elyamine Settoul

Présidentielle, premier tour : pour qui les musulmans iront-ils voter le 10 avril prochain ?

Elyamine Settoul est sociologue, Maître de conférences au CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) et spécialiste de l’immigration, de la radicalisation et de l’islam. Pour lui, un parti communautaire musulman ne peut pas percer en politique.

Elyamine Settoul se dit « pessimiste » quant aux chances d’un parti communautaire musulman en politique car il est jugé peu rassembleur par « les musulmans français qui n’ont pas intériorisé le mot communautarisme ». Et pour cause, les musulmans seraient « divisés » et enclins à un discours sur l’islam « très négatif » dans le débat public.

« Dominique de Villepin aurait eu du succès auprès du vote musulman »

 À l’approche du premier tour, il semble encore difficile de dégager une tendance du vote musulman pour un candidat, la faute d’abord à un « abstentionnisme fort dans les milieux populaires où les musulmans vivent en majorité » explique le sociologue. Pourtant selon lui, les musulmans donneraient davantage leur voix à Jean-Luc Mélenchon qu’à Emmanuel Macron qui « est pour le partage des richesses ». S’il devait y avoir un candidat idéal, ce serait Dominique de Villepin qui remporterait les suffrages du vote musulman car bien que situé à droite, « il n’a pas un discours anti-musulman ».

Heven Armede

Elyamine Settoul, sociologue et Maître de Conférences au (CNAM) Conservatoire National des Arts et Métiers, spécialiste de l’immigration, de la radicalisation et de l’islam et docteur en sciences politiques de l’institut politique de Paris. ©Elyamine Settoul