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Du punch et du punk pour la campagne de Jean-Luc Mélenchon
Tractages, collages, porte-à-porte et même concert punk. Pour convaincre les indécis et les non-inscrits, les partisans de Jean-Luc Mélenchon multiplient les rendez-vous et les types d’actions possibles. En suivant toujours le même credo: agir par la base.
Texte : Maël Galisson
Photo : Damien Rietz & Maël Galisson
Au concert du groupe de punk rock insoumis Nous Sommes Punk, le 24 février au Royal Est, dans le 10e arrondissement. ©Damien Rietz
«Les actions de terrain, il n’y a que ça de vrai ! Les gens, il faut aller les chercher.» Attablé dans une des salles du bar le Royal Est, dans le 10e arrondissement de Paris, Yohan Sales, 21 ans, bandana noir et blanc sur les cheveux et barbe bien taillée, passe aisément du registre musical au discours politique. Alors qu’il était sur scène quelques minutes plus tôt avec ses camarades de La France insoumise (LFI), également musiciens du groupe Nous sommes punk, Yohan poursuit son analyse de la stratégie de campagne mélenchoniste :«L’exemple, c’est la campagne pour les législatives partielles de Danielle Simonnet l’année dernière dans le 20e arrondissement, elle a fait plus d’un tiers de la circonscription en porte-à-porte et, derrière, ça a porté ses fruits!»
«La distribution de tracts à la sortie du métro, ça ne suffit pas», mesure Yohan, conseiller municipal de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), également membre de l’équipe nationale d’animation des Jeunes Insoumis•es. C’est en faisant «du porte-à-porte, en allant discuter, qu’on va réussir à convaincre […] C’est le pari que nous faisons à l’Union populaire.» Voilà la théorie: occuper l’espace, «aller chercher les gens». Une stratégie que les militants doivent confronter aux habitants des quartiers populaires, en l’occurrence dans le 18e arrondissement.
À La France insoumise, on passe aisément du registre musical au discours politique. ©Damien Rietz
«Six affiches, comme la 6ème République!»
Ce mercredi soir de fin février, ils sont cinq à s’être retrouvés devant la station de métro Guy-Môquet pour une session de collage d’affiches. Jean, inspecteur du travail, ancien adhérent du Parti socialiste et désormais militant de LFI, est là, ainsi que Stéphanie, membre du mouvement de Benoît Hamon, Génération•s, qui a décidé de rejoindre la campagne de l’Union populaire. Il y a aussi Cédric, ancien journaliste, qui fait sa première campagne en tant que militant, Basile, auparavant à Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne, née en 1998), et Colas. Tous ne sont pas encartés LFI, mais ils ont décidé de soutenir la campagne de Jean-Luc Mélenchon.
«En ce moment politique précis, c’est la meilleure forme de militantisme, c’est à LFI que je me sens le plus utile», explique Basile. Cédric, lui, a eu le déclic quand il s’est rendu au meeting de Jean-Luc Mélenchon à La Défense début décembre : «Il y avait tellement de monde que je n’ai pas pu entrer. J’ai regardé le discours sur écran géant dehors et j’ai vu toute la société française représentée dans sa diversité.»
Yohan Sales, conseiller municipal LFI et membre des Jeunes Insoumis•es.
L’itinéraire du collage a été défini à l’avance par Stéphanie : de la station Guy-Môquet jusqu’à la porte de Saint- Ouen, puis le long du boulevard Ney jusqu’à la porte de Clignancourt, avant de terminer sur le boulevard Ornano. «On essaie de partager l’espace public avec les autres forces de gauche, mais l’espace se partage plus ou moins bien, comme en ce moment avec le Parti communiste», avec lequel les rapports sont tendus, explique Jean. Certains militants communistes recouvrent les affiches de la campagne de Mélenchon avec les leurs. Il ajoute: «Par contre, on n’est pas trop tolérants vis-à-vis des affiches de Zemmour», qu’ils arrachent.
À la porte de Saint-Ouen, la petite équipe s’arrête et se concerte un instant. Stéphanie a repéré un endroit stratégique sur le boulevard Ney : un grand mur blanc, vierge de toute affiche. Là, les colleurs se font plaisir. Posters de Mélenchon, symboles φ de La France insoumise, affichettes résumant les idées fortes du programme, tout y passe. Colas pose plusieurs affichettes d’affilée : «Six affiches, comme la VIe République!» Peu avant 23 heures, le stock d’affiches épuisé, le groupe se sépare et les militants rentrent chez eux.
Avenue de Saint-Ouen, après le passage des militants de l’Union populaire. ©Maël Galisson
Une campagne tout-terrain
À la porte d’Aubervilliers, trois jours plus tard, Stéphanie et Jean sont de nouveau en action. Leur objectif du jour : faire du porte-à-porte dans les immeubles du quartier et informer sur la campagne de l’Union populaire. Le premier immeuble du 34, boulevard Ney se révèle étonnamment vide. «Je pense qu’il n’y a personne», constate Stéphanie à plusieurs reprises, stoïque devant les portes d’appartement qui restent fermées. «Il n’a pas fait un soleil pareil depuis longtemps, les gens sont dehors», se rassure Jean.
Au rez-de-chaussée, une porte s’ouvre, deux enfants et un adolescent apparaissent, un échange débute. À l’adolescent, qui pense que ses parents ne sont pas inscrits sur les listes électorales, Stéphanie tend un tract et explique que, pour s’inscrire, «c’est facile, tout est écrit ici, cela peut se faire sur Internet ou bien en se rendant à la mairie du 18e arrondissement». Puis elle lui demande s’il connaît Jean-Luc Mélenchon et commence à égrener une série de mesures «pour les jeunes» : salaire minimum à 1 400 €, revenu étudiant, blocage des prix pourles produits de première nécessité. Jean ajoute: «Il y a une chaîne YouTube, si tu veux en savoir plus!»
«Mélenchon, c’est mon préféré!»
Le second immeuble de la résidence n’est guère plus animé en ce samedi ensoleillé. Néanmoins, davantage de portes s’ouvrent. Au cinquième étage, un habitant hausse les épaules : «C’est ma femme qui est inscrite. Moi, je n’ai pas la nationalité française.» Il ajoute: «Mais elle vote Mélenchon!» Au troisième étage, une femme ouvre. Elle non plus ne pourra pas voter, mais elle prend poliment le tract «pour [son] mari qui, lui, est inscrit». Au premier étage, une habitante avoue ne pas être inscrite. Elle saisit le tract tendu par Stéphanie puis ajoute, enthousiaste : «Moi, j’aime bien Jean-Luc Mélenchon, c’est mon préféré!»
La sonnerie a à peine retenti que la porte d’à côté s’ouvre. Jean n’a pas le temps de commencer sa présentation qu’il est coupé par la jeune femme : «Nous, on vote tous Mélenchon!» En sortant de l’immeuble, Stéphanie glisse : «Ça se confirme : dès qu’on ouvre une porte, on nous dit qu’on va voter Mélenchon. On commence à se dire qu’il va se passer quelque chose.» Pour la militante, la stratégie de l’Union populaire semble payante.
Tracter, avec tact, mais pour quel impact ?
Gabrielle, militante de la France Insoumise dans le 18ème arrondissement, explique pourquoi l’Union populaire se mobilise à l’occasion du 8 mars.Le parlement de l’Union populaire, tremplin pour les législatives ?
Structure destinée à faire le lien entre les mouvements sociaux et écologistes d’une part, et la campagne de Jean-Luc Mélenchon d’autre part, le «parlement de l’Union populaire» rassemble aujourd’hui plus de 300 syndicalistes, militants associatifs, intellectuels, artistes ou membres d’autres formations politiques. Lancé le 5 décembre 2021, ce regroupement est censé contribuer « aux plans découlant du programme » du candidat et dialoguer avec celui-ci «sur des sujets programmatiques et tactiques», selon le dossier de presse de l’équipe de campagne.
Ces dernières semaines, les ralliements à ce parlement se sont multipliés, savamment mis en scène par la communication de Jean-Luc Mélenchon. Côté société civile, on note notamment les arrivées d’Aurélie Trouvé, ancienne porte-parole d’Attac et désormais présidente du parlement, du syndicaliste Xavier Mathieu, de l’humoriste Bruno Gaccio ou encore de l’écrivaine Annie Ernaux. Côté politique, outre les ralliements précieux des écologistes Thomas Portes et Clara Lejeune, on retient le soutien d’Huguette Bello, présidente du conseil régional de la Réunion et membre du Parti communiste français.
Néanmoins, si l’objectif premier du parlement est d’appuyer la candidature de Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle, l’échéance des élections législatives se profile en second plan. Une perspective qui aiguise les appétits de certains membres et qui n’est pas sans susciter quelques tensions en interne, entre cadres et nouveaux soutiens de l’Union populaire.
Maël Galisson