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Covid-19

Des acteurs de santé tout-terrain en Guyane

Le maillage sanitaire créé dans le département, grâce à des associations proches de la population, permet d’agir efficacement et rapidement. La pandémie de Covid-19 et la campagne de vaccination qui a suivi ont révélé sa souplesse, sa pertinence et ont permis de limiter les dégâts. Coup de projecteur sur l’une de ces structures.

Texte et vidéo : Cécile Pirou – Photos : Damien Rietz

Cristina et Roziane, les médiatrices de l’Emspec, partent de Saint Georges pour leur mission vaccinale à Régina. Photo ©Damien Rietz

«Bom dia!» Roziane Barbosa, arrivée ce matin de Saint-Georges avec Cristina Beltan pour une mission de vaccination, interpelle en brésilien deux jeunes femmes qui passent devant le centre de santé de Régina. Elle veut les persuader de se faire vacciner contre le Covid-19 et prend leur numéro de téléphone.Cristina a peur qu’elles ne reviennent pas. Elle n’est pas non plus certaine qu’il y aura des doses pour elles, car le médecin n’apporte que celles qui ont été calculées selon le nombre de rendez-vous. Mais elle tente sa chance.

Régina, ville de 1000 habitants, située entre Cayenne et Saint-Georges, au bord du fleuve Approuague, n’est accessible qu’après une heure de route en pleine forêt. Entre deux averses, les deux collègues collent des affiches de sensibilisation aux gestes barrières, rédigées en français, en créole et en brésilien. Vers 10 heures, une vingtaine de personnes attendent déjà pour recevoir leur deuxième ou troisième dose de vaccin.

S’adapter rapidement au contexte

Cristina Beltan et Roziane Barbosa sont deux médiatrices de l’Emspec, l’Équipe mobile de santé publique en commune, qui comprend aussi deux infirmières. Ces équipes ont été créées en 2019 sur l’ensemble de la Guyane ; celle qui s’est installée à Saint-Georges-de-l’Oyapock, à la frontière brésilienne, rayonne sur la partie est du département. Elle œuvre pour la promotion de la santé, la connaissance des populations et la mise en place de projets.

Indispensables à la réalisation de ces missions, les médiateurs pratiquent le «aller vers». Ils rencontrent les patients hors les murs pour apporter une réponse rapide à une situation de santé urgente. Cristina et Roziane souhaitent aussi convaincre une population qui n’est vaccinée contre le Covid-19 qu’à 44,6% avec une dose, et à 40% avec deux doses, le taux le plus bas de France.

Cristina et Roziane lors de la mission à Régina, informent et écoutent. Elles sont auprès de la population pour rassurer. Vidéo ©Cécile Pirou

À la pause déjeuner, Roziane raconte sa mission de la veille à Camopi, village amérindien sans accès terrestre. «Trois heures de pirogue, non abritée, avec la pluie» Le «aller vers» se fait parfois dans des conditions difficiles. Ces missions sont programmées mensuellement, à Camopi et à Trois-Sauts, en amont du fleuve, à Ouanary et à Trois-Palétuviers, en aval. Cette partie de la Guyane est composée de populations très différentes, – les créoles, les Amérindiens, les Brésiliens, les métropolitains – avec leurs propres langues, coutumes et peurs.

La connaissance de cette mosaïque de cultures par les médiateurs déjà actifs sur le terrain – tant ceux de l’Emspec que ceux des associations de Saint-Georges – a été d’une grande aide pour les services de santé qui ont pu s’appuyer dessus depuis le début de l’épidémie de Covid-19.

Des associations impliquées

Avant d’intégrer les équipes mobiles de l’Emspec, Roziane a été médiatrice de l’association Développement accompagnement animation coopération (Daac) implantée à Saint-Georges. La Daac existe depuis 2010 et mène des actions sociales et sanitaires où œuvrent Edouarli, Mauricelia et Jonailde, qui ont participé aux campagnes de sensibilisation et de vaccination. Tout comme l’Emspec, la collaboration ancienne de la Daac avec les services de santé ainsi que sa connaissance de la population lui ont permis de s’adapter rapidement au contexte sanitaire de Saint-Georges.

La situation frontalière de la première ville guyanaise largement infectée par le Covid-19, dès avril 2020, exige une logique de santé publique adaptée (voir encadré). Dès le départ, les acteurs de terrain ont été sollicités par l’Agence régionale de santé (ARS) pour diffuser des informations dans les différentes langues par divers moyens, y compris la diffusion de messages sonores depuis un véhicule et le porte-à-porte chez les habitants défiant leurs peurs. Edouarli, Mauricelia et Jonailde ont accompagné les soignants pour les aider à repérer les personnes infectées. Elles ont aussi distribué des colis alimentaires pendant les six mois, de mars à septembre 2020, quand la ville a été confinée et isolée.

Edouarli, Mauricelia et Jonailde, les trois médiatrices de la Daac qui ont été sollicitées dès le début de la pandémie du Covid-19. Photo ©Damien Rietz

Edouarli, Mauricelia et Jonailde, les trois médiatrices de la Daac qui ont été sollicitées dès le début de la pandémie du Covid-19. Photo ©Damien Rietz

« Le “aller vers” a fonctionné »

Conceiçao Barbosa habite Régina et travaille comme cuisinière dans une entreprise locale. Elle parle un peu le français, mais Cristina s’adresse à elle en brésilien. «C’est mon patron qui a pris le rendez-vous comme pour mes deux collègues qui arrivent», explique-t-elle. Elle vient pour sa deuxième dose. Christiane, dite Kryss, attend le médecin qui arrive de Cayenne ce matin avec les doses de vaccin. Elle a eu des effets secondaires après sa deuxième injection et a besoin d’être rassurée avant son rappel. «Je me suis fait vacciner pour pouvoir voyager», dit-elle.

Dans cette région, la vaccination a eu du mal à prendre. Ceux qui l’acceptent le font souvent par obligation, à l’image de ces quatre jeunes internes du lycée professionnel de Régina qui viennent avec leur professeur. Ils partent au Portugal le mois prochain dans le cadre d’échanges Erasmus.

Kryss hésite pour sa troisième dose, elle veut demander conseil au médecin avant de se décider. Photo ©Damien Rietz

Kryss vit en Guyane depuis 30 ans. Elle hésite pour sa troisième dose, et veut demander conseil au médecin avant de se décider. Photo ©Damien Rietz

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Convaincue par les médiatrices de l’Équipe mobile de santé publique (Emspec), une jeune femme reçoit sa première dose de vaccin au centre de santé de Régina, ville, au bord du fleuve Approuague. Photo ©Damien Rietz

Kryss repart avec sa troisième dose, rassurée par la docteur Michaud, infectiologue référente pour les Centres délocalisés de prévention et de soins (CDPS) de Guyane. Celle-ci explique la réticence des Guyanais par le fait que «longtemps, l’offre de soins a été insuffisante». Les scandales sanitaires, le recours à la pharmacopée traditionnelle et aux plantes n’ont pas aidé non plus.

Les deux jeunes femmes interpellées plus tôt par Roziane sont revenues avec une amie. «Le “aller vers” a fonctionné», se réjouissent-elles. Bilan du jour, 30 vaccins. «Après les 45 du mois dernier, c’est encourageant», ajoute Cristina. «Le pourcentage de décès depuis le début de l’épidémie n’a pas été plus élevé que dans l’Hexagone, malgré une population moins vaccinée», conclut la médecin. Les médiatrices rentrent à la base sous la pluie. Mission accomplie.

Docteur Céline Michaud, infectiologue au Centre hospitalier de Cayenne, intervient à Régina le 17 février pour la mission vaccinale mensuelle. Photo ©Damien Rietz

Docteur Céline Michaud, infectiologue au Centre hospitalier de Cayenne, intervient à Régina le 17 février pour la mission vaccinale mensuelle. Photo ©Damien Rietz

A l’est de la Guyane, la commune de Saint Georges est située au bord du fleuve Oyapock, juste à la frontière brésilienne. Avec Oiapoque, sa voisine de l’autre côté du fleuve, elles ont un long passé de vie commune et sont isolées du reste de leurs pays respectifs. La fermeture des frontières pendant 22 mois a compliqué les coopérations mises en place, notamment en matière de santé. Vidéo ©Cécile Pirou

Saint-Georges de l’Oyapock : une logique de santé qui s’adapte au contexte frontalier

À trois heures de route de Cayenne, à la frontière du Brésil, Saint-Georges-de-l’Oyapock est le centre névralgique de la région est de la Guyane. Reliée seulement par avion au reste du département jusqu’au premier tracé de la route en 1998, la population habite depuis toujours d’un côté ou l’autre du fleuve sans se préoccuper de savoir à quel pays appartient la rive. À Oiapoque, la voisine de l’autre côté du fleuve, située dans une région très pauvre du nord du Brésil, isolée du reste du pays, des infrastructures manquent, particulièrement en matière de santé.

Plusieurs projets de politique sanitaire existent entre les deux pays, notamment dans le cadre de la lutte contre le VIH et le paludisme. Un programme coopératif binational, baptisé Oyapock Coopération Santé (OCS), a été créé en 2017 pour la prévention, le dépistage et le traitement du VIH. Les patients brésiliens déjà traités à Saint-Georges ont pu continuer de recevoir leurs soins, malgré la fermeture de la frontière durant vingt-deux mois à cause de la pandémie de Covid-19.

Pour le médecin-chef du Centre délocalisé de prévention et de soins (CDPS) de Saint-Georges, Jean-Yves Cattin, «le seul discours qui tienne en matière de santé est de traiter tout le bassin de population, sinon ça ne sert à rien». Le vaccin contre le Covid-19 est arrivé en janvier 2021, trois mois avant le Brésil. «Nous avons vacciné tous ceux qui se présentaient, sans chercher à savoir de quelle nationalité ils étaient. Médicalement parlant, nous n’avions aucune raison de ne pas le faire et en plus nous avions assez de vaccins», ajoute le docteur. Les Guyanais, réticents à la vaccination, ont été affectés par le nombre de décès au Brésil. Quand la Guyane plafonne à 40% de vaccinés à deux doses, Saint-Georges s’affiche en bon élève avec 50%.

Cécile Pirou

Le médecin-chef du CDPS de Saint-Georges, Jean-Yves Cattin (à droite) et Benoit Quintin, le cadre de santé. Photo ©Damien Rietz

Saint-Georges de l’Oyapock : une logique de santé qui s’adapte au contexte frontalier

À trois heures de route de Cayenne, à la frontière du Brésil, Saint-Georges-de-l’Oyapock est le centre névralgique de la région est de la Guyane. Reliée seulement par avion au reste du département jusqu’au premier tracé de la route en 1998, la population habite depuis toujours d’un côté ou l’autre du fleuve sans se préoccuper de savoir à quel pays appartient la rive. À Oiapoque, la voisine de l’autre côté du fleuve, située dans une région très pauvre du nord du Brésil, isolée du reste du pays, des infrastructures manquent, particulièrement en matière de santé.

Plusieurs projets de politique sanitaire existent entre les deux pays, notamment dans le cadre de la lutte contre le VIH et le paludisme. Un programme coopératif binational, baptisé Oyapock Coopération Santé (OCS), a été créé en 2017 pour la prévention, le dépistage et le traitement du VIH. Les patients brésiliens déjà traités à Saint-Georges ont pu continuer de recevoir leurs soins, malgré la fermeture de la frontière durant vingt-deux mois à cause de la pandémie de Covid-19.

Pour le médecin-chef du Centre délocalisé de prévention et de soins (CDPS) de Saint-Georges, Jean-Yves Cattin, «le seul discours qui tienne en matière de santé est de traiter tout le bassin de population, sinon ça ne sert à rien». Le vaccin contre le Covid-19 est arrivé en janvier 2021, trois mois avant le Brésil. «Nous avons vacciné tous ceux qui se présentaient, sans chercher à savoir de quelle nationalité ils étaient. Médicalement parlant, nous n’avions aucune raison de ne pas le faire et en plus nous avions assez de vaccins», ajoute le docteur. Les Guyanais, réticents à la vaccination, ont été affectés par le nombre de décès au Brésil. Quand la Guyane plafonne à 40% de vaccinés à deux doses, Saint-Georges s’affiche en bon élève avec 50%.

Cécile Pirou

Le médecin-chef du CDPS de Saint-Georges, Jean-Yves Cattin (à droite) et Benoit Quintin, le cadre de santé. Photo ©Damien Rietz