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Turquie / Droits des étrangers /

Terörist değiliz, köpek de değiliz. Nous ne sommes ni des terroristes ni des chiens.
13 janvier 2009 par Clémence

Les centres de détention pour les migrants brûlent partout en Europe. En Turquie aussi avec 4 révoltes dans 3 différents centres juste pour ces 6 derniers mois.

Les centres de détention pour les migrants brulent en Europe : Vincennes, Bari en Italie, Bustmansi en Bulgarie... Cette fièvre de révolte a aussi gagné la Turquie avec 4 révoltes depuis juin dernier. Le 12 juin 2008, les détenus du centre Gazi Osmanpasa de Kirklareli (ville proche de la frontière grecque) se sont révoltés contre leurs conditions de détention et contre les abus dont ils sont l’objet de la part de la police. La police a ouvert le feu et un détenu a été tué. Il serait tombé du toit selon la police, mort par balle selon les détenus. Deux révoltes se sont aussi produites au centre de détention de Kumkapi à Istanbul, une le 13 octobre 2008, une autre le 19 décembre dernier. Le 07 décembre dernier, le centre Tunca d’Edirne (ville frontalière avec la Grèce) a aussi brûlé. 12 détenus ont été transférés à l’hôpital après avoir été intoxiqués par la fumée de l’incendie. Ces révoltes prennent le visage d’actions spontanées, avec barricades et incendies, révoltes contre les mauvaise conditions dans lesquelles sont détenus les migrants pour des durées souvent indéterminées, et contre les menaces d’expulsion.

Les ressortissants étrangers peuvent être détenus pour plusieurs raisons en Turquie, comme la présomption d’activités criminelles, mais aussi l’entrée et la sortie de manière illégale du territoire turc, ou encore le non respect des procédures du système d’asile temporaire. La justification de la détention est apportée par le fait que ce soit le meilleur moyen de mener les procédures administratives requises, comme les procédures de reconduite à la frontière ou les transferts dans les villes satellites pour les demandeurs d’asile [1] . Les non ressortissants turcs sont mis en détention sur une décision administrative du Ministère de l’Intérieur Turc, et non après une décision judiciaire. La plupart des étrangers sont détenus dans ce qui est communément appelé « Misafir Hanesi ». Ce terme peut être traduit en français par « l’auberge de l’invité ». Cependant la traduction anglaise « Guesthouse » est plus juste. Une minorité sont aussi détenus dans les zones de transit des aéroports ainsi que dans les postes de police. Si les « Misafir Hanesi » en Turquie ne sont pas officiellement considérée comme des centres de détention, elles entrent clairement dans la définition dans la mesure ou les personnes sont détenues contre leur volonté, pour une période bien souvent indéfinie. Ces centres sont administrés en Turquie par le département de traçage et de contrôle de la section de la police des étrangers (responsable des entrées et sorties irrégulières des étrangers du territoire, des problèmes de visas et des activités illégales commises par des non ressortissants turcs). Bien que la législation turque assure un certain nombre de garantie aux détenus de droit commun (art.19 de la constitution turque), ces mêmes garanties ne s’appliquent pas dans le cadre de la détention administrative, et les personnes détenues dans ces centres connaissent beaucoup de difficultés pour accéder à leurs droits. En 2008, l’association HCA-RASP (Helsinki Citizens’ Assembly- Refugee Advocacy and Support Program) a publié un rapport sur la détention des étrangers en Turquie : Unwelcome Guests : the Detention of Refugees in Turkey’s Foreigner Guesthouses. C’est la première fois qu’un rapport sur la question de la détention des étrangers est publié. N’ayant pas accès aux centres, RASP a travaillé à partir d’entretiens réalisé avec des personnes sortant de détention.

Les conclusions du rapport de RASP s’appuient donc sur les témoignages recueillis lors de ces entretiens et sont très éclairantes en ce qui concerne les conditions de détention des migrants.

En ce qui concerne les procédures, les migrants détenus dans ces centres voient leur accès aux droits concernant les procédures très limité. En majorité, on ne leur fourni aucune information en ce qui concerne les raisons de leur arrestation, la durée de leur détention, leur droits en détention, ni même en ce qui concerne les raisons de leur remise en liberté. Les détenus n’ont aucun accès à un contrôle de la part de la justice (pas de procès avant la mise en détention). Le HCR lui même et les avocats, qui disposent théoriquement d’un droit d’accès à ces centres, ne peuvent y entrer que de façon très sporadique.

En ce qui concerne l’accès aux procédures d’asile, on fait face à une situation ou le droit de demander l’asile est presque totalement ignoré, et ce pour plusieurs raisons. Il y a clairement un problème de communication entre la police et les détenus d’une part, la police ne disposant souvent pas de traducteurs et le personnel en charge de la surveillance dans ces centres ne parlant pas ou peu anglais. Le manque d’information et de connaissance de la part de la police et des détenus sur la procédure de demande d’asile en Turquie, voir sur l’existence même de cette procédure explique aussi cette situation. On fait aussi souvent face à une véritable réticence, quant ce n’est pas un refus catégorique de la part de la police à prendre en considération et à transmettre les demandes d’asile. Certains demandeurs d’asile peuvent aussi être détenus durant toute la durée de la procédure d’asile plutot que de se voir transféré dans une ville satellite. En conséquences, beaucoup de demandeurs d’asile sont refoulés et reconduits à la frontière avant d’avoir pu avoir la chance d’être entendus par le HCR. Les informations sur les déportations et les reconduites aux frontières orientales de la Turquie sont très difficiles à obtenir vu qu’elles ont lieu de façon illégale dans la majorité des cas (frontière iranienne et frontière irakienne).

Les conditions de détentions sont totalement dramatiques. Outre la surpopulation notoire et le manque absolu d’hygiène, les locaux ne sont en général pas ou peu ventilés. Les repas sont distribués de façon aléatoire et totalement insuffisants en terme de quantité (cela se résume souvent à du pain et des olives deux fois par jour comme me l’a signalé un ex détenu du centre d’Edirne, entretien le 15/12/2008 à Istanbul). L’eau potable n’est pas distribuée gratuitement et beaucoup tombent malades pour cette raison. Les conditions sanitaires déplorables dans lesquelles sont enfermés les migrants sont la cause de nombreuses maladies de peau contagieuses qui se développent. Si les femmes et les hommes sont détenus dans des locaux séparés, les mineurs et les adultes sont détenus de façon confondue et il n’y a aucune prise en compte de la vulnérabilité des détenus (personnes handicapées, femmes enceintes, personnes gravement malades). Les détenus étrangers pour des raisons judiciaires sont aussi détenus avec les migrants. L’accès à la santé et à des soins médicaux est aussi gravement compromise, d’une part par l’hostilité de la police, d’autre part par le manque de moyen des détenus : tout se paie et au prix fort, même l’eau et les médicaments. L’attitude de la police est le plus souvent indifférente, hostile, voir tout simplement très agressive envers les détenus. Les mauvais traitements sont pratique courants (coups, agressions verbales et physiques). Le rapport de RASP rapporte même des cas de torture par Falaka (frapper la plante des pieds avec des câbles électriques). Il est très difficile de conduire une investigation à ce sujet car il n’existe pas de groupe de contrôle indépendant en Turquie et les victimes de mauvais traitement ont des difficultés certaines à en parler.

Face à tout cela, il me faudrait encore rajouter que les durées de détention sont indéterminées. Elles peuvent durer de un mois à 10 ou 11 mois, voir plus, sans aucune raison ou explication. Les détenus étant en instance d’expulsion doivent payer eux même leur billet de retour et restent souvent détenus jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de payer un billet d’avion (exception faite des nationalités « facilement » déportables, comme les irakiens, les afghans, les iraniens) ou jusqu’à ce que la police les relache (surpopulation du centre ?). Lors de la dernière émeute à Kumkapi, le centre d’Istanbul, les habitants du quartiers se sont rassemblés dans la rue en bas du centre de détention. Uns altercation à eu lieu entre un habitant, dehors, et quelques migrants, à l’intérieur : « Qu’est ce que vous faites ici ? Vous arrivez chez nous et vous travaillez pour rien du tout. À cause de vous, il ne reste plus de travail pour nous. Et comme si cela ne vous suffisait pas, vous vous révoltez et vous abîmez le matériel mis à votre disposition par notre état (ici le matériel désigne le centre de détention), vous traitez notre police de raciste. Si vous n’êtes pas content partez, on ne vous à pas demandé de venir, on ne vous veut pas ici ! » Il est clair que cette altercation et ce discours ne représente pas la position de l’ensemble de la société turque. L’ensemble de la société turque aura elle difficilement entendu parler de ces quelques révoltes. A bon entendeur.

Clémence


[1] Les demandeurs d’asile en Turquie doivent, après s’être inscrit auprès du HCR, s’enregistrer auprès de la police dans une ville qui leur est assignée par le gouvernement de l’intérieur turc. C’est le système dit des « villes satellites ». Ils doivent vivre dans cette ville le temps de leur procédure de demande d’asile et ont besoin de l’autorisation de la police pour effectuer tout déplacement ailleurs en Turquie. Ainsi un demandeur d’asile se trouvant hors de sa ville satellite sans autorisation de la police peut être mis en détention le temps d’effectuer son transfert dans sa ville satellite.



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