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Maroc / Mobilisations citoyennes /

Maroc : Un pouvoir judicaire dépendant, une transition démocratique bloquée
10 août 2009 par Justine

La sixième édition de l’université euro méditerranéenne s’est tenue au Centre pédagogique Régional de Rabat du 24 au 25 juillet, entre plénières et ateliers.

L’université a été organisé par le Centre d’Etudes et de Recherche en Sciences Sociales de Rabat et l’Institut d’Etudes Stratégique et Internationales (IEEI) de Lisbonne, en collaboration avec l’Institut d’Etudes Stratégiques de l’Union européenne-Paris.

Intitulée Droits fondamentaux, citoyenneté et Justice, les débats ont porté, principalement, sur la transition démocratique au Maroc et la nécessité d’une réforme de la justice pour une justice indépendante comme pierre angulaire de la transition démocratique.

Cet article invite à se pencher sur les obstacles d’une transition démocratique et plus particulièrement d’une justice indépendante.

Une justice indépendante est indispensable à la construction d’un Etat démocratique

Lorsque l’on traite de la transition démocratique, il est essentiel d’avoir conscience que c’est un processus qui a pour finalité l’établissement d’un régime démocratique. Un régime démocratique se base sur des institutions démocratiques. A.Herzenni (président du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme) précise que le défi est la mise en place d’institutions démocratiques, avec un véritable dialogue social et une répartition des richesses entre classes sociales et entre les régions.

L’indépendance de la justice est la pièce maîtresse de la transition démocratique. En se référant à la définition de la transition démocratique du professeur A. El Maslouhi (professeur à l’Université Mohamed V/Rabat), la justice est indispensable au fonctionnement des deux autres piliers de la transition démocratique, à savoir la libéralisation économique et politique et la stabilisation des pratiques démocratiques.

De fait, une justice indépendante instaure un climat favorable à la réalisation d’une démocratie sur tous les plans, social, économique et politique. Le Maroc s’est engagé dans une économie libérale, les intérêts économiques sont prégnants. Le défi est de concilier démocratie et développement économique et social.

Un Etat démocratique fonctionne avec une constitution démocratique, des institutions démocratiques, qui établissent une séparation des pouvoirs claire et effective. Plus que l’indépendance des pouvoirs, le pouvoir judiciaire devrait se positionner au dessus des pouvoirs législatif et exécutif ayant le rôle de pouvoir les juger.

Au Maroc, la séparation des pouvoirs n’existe pas, car la constitution démocratique et les institutions démocratiques n’existent pas non plus. L’une des recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation [1] est l’engagement du système judiciaire dans un processus de réformes pour que le pouvoir judiciaire soit indépendant du pouvoir exécutif. Il y a un consensus autour de la nécessité d’une réforme de la justice tant au niveau du gouvernement que parmi les acteurs de la société civile.

Le Maroc s’est engagé dans un mouvement de réformes depuis 2007 mais qui connait des obstacles profonds à sa réalisation alors même que l’on considère le Maroc comme un pays qui a engrangé une transition démocratique. On s’interroge donc sur l’existence des fondements de la démocratie au Maroc.

Des réformes du système judiciaire confrontées à des blocages structurels

Des réformes inadaptées et insuffisantes

Outre les recommandations de l’IER, la réforme de la justice a été impulsée par des intérêts internationaux, notamment des Nations Unies, de la politique de voisinage européenne.

La réforme a principalement concerné la modernisation de la juridiction à des fins commerciales. Il s’agit d’élaborer et adapter des textes législatifs conformément aux normes de libéralisation de l’économie dans le but d’établir un environnement juridictionnel favorable aux affaires et aux investissements. Le Maroc s’est engagé dans des accords de libre échange avec les Etats-Unis, l’Union européenne, ce qui l’incite à constituer un cadre juridique et institutionnel pour encourager les initiatives privées des investissements marocains et étrangers. La modification des textes concerne le nouveau code du commerce, une loi sur la liberté des prix et de concurrence, la juridiction commerciale dans son ensemble dans le but de renforcer la sécurité juridique en préparation aux prochains accords de libre échange.

Les orientations données à la réforme de la justice sont tributaires des financements internationaux que ce soit celui de la Banque mondiale, centré sur la juridiction commerciale que le programme MEDA de l’Union européenne qui vise la modernisation de la gestion et des outils de travail de la justice marocaine.

Selon le professeur A. El Maslouhi, la réforme de la justice accuse d’un bilan mitigé concernant la moralisation de la justice. Le Maroc a amélioré son classement mondial en terme de corruption, étant à la 72ème place sur 179. Pour autant, la corruption reste prégnante dans les pratiques judiciaires : « pourquoi louer un avocat quand il s’agit d’acheter un juge ? ». le niveau de corruption reste préoccupant.

Des contradictions dans la Constitution marocaine empêchent la prévalence d’une vision claire et cohérente de la justice au Maroc. Dans la Constitution, le pouvoir judiciaire est pris entre une fonction régalienne de la justice, qui légitime le pouvoir politique en place [2] et une conception libérale de la justice qui repose sur une séparation des pouvoirs [3]. Les contradictions présentes dans la Constitution (article 82 contre le 86 : indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif contre un Conseil Supérieur de la Magistrature présidé par le Roi et en présence du Ministre de la justice) constitue un blocage d’envergure. Sans assise politique d’une indépendance de la justice, son effectivité est donc mise à mal.

La non exécution des décisions juridictionnelles. Khadija Ennaciri, professeur à la faculté de Droit de Mohammedia, affirme que malgré l’existence d’un tribunal administratif, les décisions juridictionnelles de la part de l’administration ne sont, le plus souvent, pas exécutées [4] . Ce constat remet en cause la valeur des décisions du juge. La position du juge est délicate. Il a le choix entre une lecture stricte des textes ou adaptative. Néanmoins, les contentieux avec les administrés amènent souvent un recours à la jurisprudence, notamment concernant la question d’expropriation (voix de faits). La vision de l’administration ne permet pas une effectivité des décisions juridictionnelles car elle est considérée comme l’intérêt général, qui l’emporterait sur l’intérêt individuel de l’administré.

Des blocages en terme de formation des juges. Abdelaziz Nouidi, avocat et président de l’association ADALA, affirme que l’indépendance de la justice est mise à mal dés la formation des juges. Au Maroc, il existe deux portes d’entrées à la formation des juges : la faculté de droit ou l’institut de formation des juges. Cet institut est présidé par le Ministre de la justice. Les deux formations accusent d’un problème de moyens et d’un manque de formations professionnelles.

Une Magistrature qui n’est pas indépendante. Les juges, pénal ou non, doivent faire face à un contrôle de leurs jugements et à une inspection du travail des juges par le Ministère de la justice. Le statut et le fonctionnement de la magistrature sont à revoir. En effet, la nomination des juges s’effectue par le Ministère de la justice au lieu du Conseil. Le juge est donc redevable devant le Ministère de la justice et non devant le Conseil suprême de justice. Il y a donc une dépendance de la Magistrature vis-à-vis du Ministère de la justice, rattaché directement au Roi. De plus, l’un des obstacles majeurs à l’indépendance de la justice est l’article 14 de la Constitution qui interdit la constitution de syndicat de magistrats et la non ratification de la convention 87 de l’OIT, assurant le droit syndical des magistrats. Seules trois instances sont autorisées : le Conseil de la Magistrature, l’Amicale hassanienne, la Fondation Hassan II pour les œuvres sociales.

La main mise du Ministère de la justice sur la Magistrature via notamment un contrôle des juges amènent certains juges à démissionner pour devenir, le plus souvent, avocats, étant autoriser à s’organiser.

Une justice indépendante signifie une indépendance vis-à-vis des acteurs et des intérêts économiques, politiques et une indépendance vis-à-vis de la presse. L’indépendance de la justice est un processus lié à la transformation de la société. Elle est le résultat des pressions internationales et nationales. On peut parler « d’émancipation de la justice », en même temps que de transformations sociétales.

Néanmoins, dans la réalité marocaine, la justice doit faire face à des pressions de la part d’organismes internationaux, d’acteurs économiques nationaux et internationaux ayant tous, des intérêts différents, si ce n’est, divergents. L’utilisation de la justice se détache de ses prérogatives originelles pour devenir un instrument pour asseoir des intérêts politiques, partisans et économiques.

Face à ce contexte, l’indépendance de la justice marocaine dépend, avant tout, d’une volonté politique qui dépasse le pouvoir judiciaire. L’indépendance de la justice sera davantage effective si le Maroc se dote d’une constitution démocratique vers une séparation des pouvoirs.


[1] http://www.ier.ma, L’IER est une commission nationale pour la vérité, l’équité et la réconciliation. Créée en 2004, elle dispose de compétences non judiciaires en matière de règlement des graves violations des droits de l’Homme du passé et a pour missions, l’investigation, l’évaluation, l’arbitrage, la recherche et la présentation de recommandations et de propositions.

[2] Référence aux articles 32, 83, 84 de la Constitution révisée de 1996 : le Roi préside le conseil supérieur de la Magistrature, le jugement revient au Roi et les nominations s’effectuent par Dahir. Le dahir désigne un décret royal.

[3] Référence à l’article 82 de la Constitution révisée de 1996 : indépendance de la justice vis-à-vis du législatif et de l’exécutif.

[4] Depuis les années 1990, les administrés peuvent avoir recours à la cour suprême de justice et à la chambre administrative.



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