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Maroc / Mobilisations citoyennes /

Maroc, des élections communales qui laissent dubitatifs
13 juillet 2009 par Justine

Les élections communales au Maroc se sont déroulées le vendredi 12 juin. 13 millions de marocains, en âge de voter, ont pu élire leurs prochains représentants au conseil municipal. Les taux d’abstention aux élections précédentes, législatives en 2007 et communales en 2003, ont montré une forte désaffection de la population marocaine vis-à-vis de leurs représentants politiques. Qu’en est-il de ces élections ? Les élections communales représentent un moment incontournable du processus de démocratisation possible du Maroc, en terme de gouvernance locale, de politiques de proximité, de lutte contre la corruption. Quels sont les éléments actuels qui fondent le rôle des collectivités locales dans les programmes de développement économique et social des communes ?

Un contexte électoral marqué par des initiatives engagées dans la gestion locale des affaires publiques.

Plusieurs initiatives ont marqué la préparation des élections de juin 2009. En particulier, la révision de la Charte communale, le réexamen du code électoral, la nouvelle place faite à la femme dans les élections communales.

Les élections communales se déroulent dans un contexte où la Charte communale de 2002 a été révisée. L’entrée en vigueur de la nouvelle Charte communale est prévue directement après l’investiture des conseils communaux urbains et ruraux issus des dernières élections.

La révision de la Charte communale vise à promouvoir la démocratie locale, mieux organiser les rapports Etats/Collectivités locales et améliorer la gestion publique locale. Plus particulièrement, elle tend à faire des conseillers communaux des acteurs centraux sur le système de gestion communale du pays en terme de programmes de développement local et d’administration locale. A cet égard, les nouvelles modalités relatives à la gestion communale confèrent de nouvelles compétences aux collectivités locales. Elles mettent l’accent sur les mesures qui dotent les collectivités locales d’une autonomie financière. La nouvelle Charte communale donne aux conseils des villes la possibilité d’établir des partenariats avec des opérateurs du secteur privé ou des institutionnels. De ce fait, les communes ont la possibilité de signer des conventions de partenariat entre elles ou avec des administrations et des institutions publiques. Les principaux domaines de concertation relevés sont les domaines des décharges publiques, des abattoirs, du transport et des infrastructures routières. Ainsi, à terme, il est prévu l’établissement de consortiums des agglomérations urbaines qui permettrait aux habitants des communes avoisinantes de profiter des prestations des services publics.

Outre les stratégies d’interventions, la Charte communale renforce le rôle du président de la commune, directement sous la tutelle du Ministère de l’intérieur. Le pouvoir des conseils présidentiels n’est donc limité que par le pouvoir du Ministère de l’intérieur, ce qui amène à s’interroger sur la volonté d’un fonctionnement démocratique incitatif. Tandis que le conseil délibératif continue à avoir un rôle limité dans la détermination de la politique locale de la commune. De fait, selon la nouvelle Charte, le président peut demander au conseil la démission de l’un de ses membres et son remplacement par un autre. Un pouvoir consolidé pour le Premier Ministre puisque le gouvernement est habilité pour orienter l’action des communes, voire d’imposer des orientations strictes. L’article 83 affirme la possibilité pour le Premier ministre, dans le cadre de l’intérêt général, de décider par décret, et sur proposition du Ministre de l’Intérieur, la création ou la dissolution du consortium des agglomérations urbaines créées par la nouvelle Charte. On s’interroge sur le poids réel de cette Charte. Le Premier Ministre peut même obliger une collectivité locale à entrer dans le consortium contre son gré. Ainsi, à travers ces éléments, la gouvernance locale reste ancrée dans un système vertical où le Président du Conseil communal, avec l’appui du Ministère de l’intérieur, détient le pouvoir de gestion locale.

Suite aux observations des élections législatives de 2007, le code électoral a été modifié. Le découpage communal a été adapté de manière à élargir la carte communale pour atteindre 1503 communes dont 1282 communes rurales et 221 communes urbaines, soit une augmentation de six communes rurales et urbaines. Cette adaptation a été faite sur la base d’une reconsidération des frontières géographiques de certaines communes. Les modes de scrutin ont été également modifiés. Ils sont uninominaux pour les communes de moins de 35 000 habitants, soit 1 411 communes, scrutin de liste pour celle supérieures à 35 000 habitants. Ainsi, 94 % des conseils communaux sont élus selon le mode de scrutin uninominal, laissant la liberté à des personnalités de se faire élire sans forcément avoir une liste qui les soutienne.

Il faut souligner que la détermination de l’âge de l’éligibilité légale a diminué, passant de 21 ans au lieu de 23 prévue auparavant.

Par ailleurs, ce sont les premières élections qui prévoient un quota de 12 % réservée aux femmes parmi les candidats des partis politiques en lice pour ce scrutin. Ainsi, 20 450 femmes se sont présentées, soit 15.7 % de la totalité des candidats (130 223 personnes). En 2003, le Maroc comptait 7 femmes au gouvernement, 10% au Parlement et moins de 0,6% d’élues dans les communes (127 sur les 24.600 conseillers élus lors des communales 2003). La Charte communale prévoit la création d’un fond pour la promotion de la représentation de la femme et l’encouragement des partis politiques pour présenter davantage de femmes aux élections (à travers une méthode qui multiplie par cinq la valeur de la subvention publique pour les femmes en comparaison avec celle des hommes [1]

Dans ce nouveau cadre communal, environ 30 formations politiques ont défendu leur programme pour briguer les sièges de 1 503 conseils communaux, dont 221 communes urbaines (municipalités) et 1 282 communes rurales. Certains pensent que le multipartisme renforce l’érosion des partis politiques. Ces données amènent à nous interroger sur le retentissement des élections de 12 juin, qui vont confirmer ou infirmer cette prescription.

Qu’en est-il des élections communales ?

La question de la participation a retenu beaucoup d’attention, du fait du fort taux d’abstention aux dernières élections législatives de 2007. 61 % des jeunes, en âge de voter, s’étaient abstenus. Le quotidien, Aujourd’hui le Maroc souligne que « les observateurs des élections s’attendent pour leur majorité à un taux élevé de participation des citoyens en raison notamment de la révision des listes électorales mais aussi de la spécificité des élections communales marquées par la proximité des candidats » [2].

Selon le Ministère de l’Intérieur, 82 % des électeurs ont retiré leur carte dés la première semaine du lancement de la campagne, le 30 mai .

Néanmoins, selon les sources officielles, 52.4 % des électeurs ont effectivement votés. Un taux de participation supérieur à l’élection législative 2007 (37 %) mais légèrement inférieur aux dernières élections communales en 2003 (54 %). Ainsi, on peut constater un taux de participation qui ne s’accroît pas, malgré les campagnes d’incitation au vote. On peut constater des disparités importantes. A Casablanca, le taux d’abstention n’a été que de 29 %, alors qu’au Sahara, il est monté à 62 %.

Concernant les résultats, plusieurs aspects peuvent être soulevés, démontrant des modifications de la carte politique dans certaines régions du Maroc.

Tandis que 30 partis politiques étaient en lice, 8 partis ont récolté 90 % des sièges. La balkanisation de la carte politique n’a pas empêché les partis majoritaires de continuer à être fortement présents. Pour autant, les résultats des élections communales n’ont pas suivi les tendances habituelles. Le Parti Authenticité et Modernité (PAM) a obtenu 21.7 % des sièges aux élections des communes. Ce parti a été crée il y a moins d’un an, mais cela ne signifie pas qu’il se compose de nouvelles personnes politiques, au contraire. Son leader politique est Fouad Ali El Himma, ancien Ministre délégué à l’intérieur de 1999 à 2007. Le PAM est né de la fusion entre plusieurs partis [3], tandis que d’anciens partis font face à des démissions dans leur rang. Le parti nationaliste (Istiqlal) se place en deuxième place avec 19 % des suffrages, devant Rassemblement national des indépendants (RNI), avec 14,8 %. L’Union socialiste des forces populaires (USFP) se place en quatrième position avec 11,6 %. Le parti a accusé de forts échecs, notamment à Rabat, alors que pendant les années 1980, l’USFP dirigeait la majorité des communes de Rabat. L’USFP confirme la tendance des législatives d’une faible représentativité politique. Au contraire, le parti islamiste Parti Justice et Développement (PJD), qui avait connu une montée flagrante lors des législatives, a reçu un score modeste avec 5,4 % des sièges. Mais à Casablanca, notamment, il arrive en tête au Conseil de la ville, en décrochant 32 sièges contre 21 sièges pour le PAM en deuxième position. Il faut souligner une progression des moins de 35 ans élus qui représentent 18% des élus, ainsi que des femmes dont 3 406 femmes ont été élues contre 23 en 2003 [4]

Des pratiques électorales non démocratiques

L’observation des élections a été assurée et supervisée par le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (CCDH). L’observation s’inscrit dans la mission du CCDH de promotion de la culture de la démocratie et la consolidation des droits et libertés des citoyens. Le CCDH a choisi de travailler avec les communes où se trouvent ses bureaux régionaux. Il a également sélectionné les provinces qui ont connu un fort taux d’abstention aux élections antérieures et ayant un taux de pauvreté important. Le secrétaire général du CCDH, Mhajoub El Hiba, justifie ce choix « afin d’évaluer la complémentarité entre les droits civils et politiques d’une part, et les droits socio-économiques d’autre part. [5] »

Le Collectif associatif pour l’observation des élections, initié par le Forum des Alternatives Maroc (FMAS), s’est impliqué dans l’observation des élections communales au côté du CCDH. Il regroupe 40 associations et a réussit à mobiliser plusieurs associations locales comme l’Association des Jeunes Avocats de Khemisset (AJAK), régionales comme le FOBDEC ou encore nationales comme l’Association Marocaine des Droits de l’Homme (AMDH). Malgré une moindre ampleur en comparaison à l’observation des élections de 2007, le collectif mise sur une observation davantage de qualité. Lors des élections législatives de 2007, 3 200 observateurs couvraient l’ensemble du Maroc. Les élections communales de 2009 ont mobilisées 664 observateurs, et ont accéder à plus de 1 200 bureaux de vote à travers le pays. L’observatoire a préconisé des observations thématiques, à savoir sur les femmes et les personnes handicapées.

L’observation ne se limite pas au jour de l’élection. Elle s’intéresse à l’application des lois régissant les collectivités locales et à la campagne électorale qui précède. Plus précisément, les observations s’appuient sur les principes d’actions communales et de son encadrement légal selon les principes de bonne gouvernance, de la consolidation d’une gestion délocalisée, de la lutte contre la corruption.

Des infractions récurrentes ont pu être relevées. Le Collectif associatif pour l’observation des élections relève l’usage de l’argent et l’exploitation des biens publics à des fins de campagne électorale. Des personnes politiques n’ont pas hésité à changer de parti politique dés lors qu’il paraissait plus probant, pour elles, d’être élues. Le Forum Civique Démocratique Marocain (FCDM) parle de « transhumance politique » dans son rapport préliminaire. Cette pratique démontre l’absence d’attachement idéologique au parti et la volonté d’accéder au pouvoir quelque soit le parti politique auquel il adhère. Par ailleurs, lors de la dernière semaine de campagne électorale, des groupes de jeunes et de femmes, essentiellement, marchaient pour faire la campagne de partis politiques, qui en contre partie donner une rémunération. On parle de « marchands de vote ». Achète t-il réellement les votes des citoyens ? De fait, cette pratique subvient partiellement aux besoins financiers des manifestants. Néanmoins, est-ce un moyen efficace pour inciter les citoyens à aller voter pour le parti qui les rémunère. N’est-ce pas par pure nécessité intéressée mutuelle entre certains représentants de parti et des manifestants ? Ainsi la liberté de choix de voter est mise en cause par des pratiques intéressées financièrement et politiquement, sans assurer une véritable participation aux propositions et aux programmes des partis politiques. La « notabilisarisation » de la vie politique et la clientélisation d’une partie importante de l’électorat s’accentuent.

Suite à ces élections, le Collectif des observations et le FCDM s’accordent pour demander une « législation et une formalisation par une loi qui réglemente l’observation non partisane et la mise en place d’accréditation claires et convenues d’un commun accord entre les différents acteurs impliqués par les processus électoraux » [6] En effet, les observations non partisanes ne sont pas reconnues au niveau législatif.

Les élections communales continuent avec les élections des présidents des communes. Ces élections constituent une phase décisive. Chaque Conseil, commune et municipalité, devait élire son président et ses membres dirigeants. Les élections des présidents des conseils communaux se déroulent à la majorité absolue. Procédé qui vise, selon le Ministère de l’intérieur, à surmonter les « situations de blocage » dans la gestion des affaires communales. Sur ce point, les divergences de points de vue sont des plus manifestes. Plusieurs grands partis de la majorité et de l’opposition (USFP, MP, PJD…) estiment qu’il serait plus conforme à la méthodologie démocratique et plus pratique que le président de commune soit issu du parti qui obtient le plus grand nombre de voix.

Cette année les élections des présidents des conseils font beaucoup de bruits, rendant les élections sous le signe d’une compétition féroce entre les différents partis. Ainsi, plusieurs pratiques peuvent être mises en lumière des alliances incongrues, des menaces et violences, des séquestrations des grands électeurs soit contre leur grès ou avec leur consentement intéressé pour s’assurer soit de leur vote, soit de leur abstention, comme à Salé (ville proche de Rabat) ou encore à Aïn Taoujtate, avec la disparition de 15 élus locaux après les résultats du scrutin . D’autres cas ont été signalés à Marrakech, Tanger, Lâayoune, etc.

Des batailles politiques amènent à s’interroger sur la volonté des partis de favoriser un environnement adéquat au fonctionnement des réformes annoncées.


[1] L’enveloppe globale de ces subventions est de l’ordre de 500 millions de dirhams, Rapport synthétique de l’observation du FCDM des élections communales du 12juin 2009, en partenariat avec le CERSS.

[2] Aujourd’hui le Maroc, Une campagne électorale morose a montré la panne de la démocratie locale, le 13 et 14 juin 2009.

[3] Les partis "Al Ahd", "Alliance des libertés", "Parti de l’environnement et du développement", "Parti national démocrate" et "Parti initiative citoyenne pour le développement

[4] L’économiste, 15 juin 2009, le PAM écrase socialistes et islamistes, p4..

[5] Aujourd’hui le Maroc, 13 et 14 juin 2009.

[6] Rapport préliminaire de l’observation des élections communales du 12 juin 2009, Collectif associatif pour l’observation des élections..



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