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Maroc / Droits des étrangers /

Maroc : Du droit de choisir son conjoint et de fonder une famille... étranger et impossible mariage ?
6 mars 2009 par Nadia

"Militante", volontaire, marocaine, fille de couple mixte, femme, fille de berbère du haut atlas marocain et d’une chti,... travaillant sur la question de la discrimination, de l’"autre", de l’accès au Droit et à la Justice pour tous ! Je me sens donc diversement concernée par la question de l’impossible reconnaissance de ces mariages mixtes marocco-subsahariens... de quoi s’agit il ?

Le dossier complexe des mariages mixtes marocco-subsahariens.

Cela fait plusieurs jours que je rencontre quasiment quotidiennement des membres d’une population particulière et particulièrement intéressante : les couples mixtes marocco-subsahariens.

Plus précisément des femmes marocaines "mariées" à des étrangers en situation irrégulière... ou plutôt dirai-je...ne bénéficiant pas de tous leurs droits (et je ne préciserai pas "intégrant les réfugiés", pour ne pas intégrer une catégorie sous-entendant un préjudice plus grave). Je ne parle donc pas des étrangers bénéficiant d’un titre de séjour.

Ces femmes ne sont ni légères ni des prostituées (Cf mouvement ni pute ni soumise) et le couple souhaite profondément pouvoir se marier légalement (avec un musulman, concedant sans problème la conversion ... moindre mal). Une relation lie deux individus, parfois des enfants.

Les pièces demandées sont : Dans le cas d’une marocaine désirant de se marier avec un étranger :

Pour le fiancé étranger :

- Une attestation de capacité à contracter le mariage, délivrée par l’ambassade ou le consulat qui représente le pays du fiancé étranger certifiée conforme par le Ministère des Affaires Etrangères
- Une copie de l’acte du divorce ou le jugement définitif de divorce en cas de mariage antérieur ;
- Une attestation justifiant sa profession ainsi que son revenu ;
- Un certificat de résidence délivré par le pays d’origine ou par les autorités compétentes du pays d’accueil si l’intéressé est résident au Maroc ou dans tout autre pays que son pays d’origine en prenant en compte la durée de validité ;
- Une copie certifiée conforme de l’acte de conversion à l’Islam ou tout autre moyen justificatif prouvant sa confession musulmane ;
- Un extrait de l’acte de naissance conforme au livret d’état civil ;
- Un certificat de nationalité délivré par les autorités de son pays ou par les autorités consulaires accréditées au Maroc ;
- Une copie du casier judiciaire en cas de naissance au Maroc ou du casier judiciaire national (Ministère de la Justice Direction des Affaires Pénales et de la Grâce) en cas de naissance à l’étranger ;
- Un certificat médical ;
- Une copie de la première page du passeport attestant la date d’entrée au Maroc ; ­- Quatre photos récentes.

Pour la fiancée Marocaine :

­- Une attestation administrative de la fiancée ou une copie de l’acte de divorce ou le jugement définitif du divorce, en cas d’un mariage antérieur ;
- L’accord de tuteur certifié conforme pour la mineure ;
- Un extrait d’acte de naissance ;
- Une copie de la carte d’identité nationale certifiée conforme ;
- Une copie du casier judiciaire ou de la fiche anthropométrique en cas de naissance au Maroc ou du casier judiciaire national (Ministère de la Justice Direction des Affaires Pénales et de la Grâce) en cas de naissance à l’étranger ;
- ­ Quatre photos récentes.

Impossibles mariages ?

Parvenir à prouver l’identité de la personne "sans-papier" ne pose en général pas problème. La conversion à l’Islam non plus.

Mais des murs énormes rendent la légalisation de ces mariages auprès des autorités marocaines impossible !

Fournir un passeport. Pour faire un passeport, impossible de le faire dans les ambassades (c’est ce que de nombreux ambassades répondent à leurs ressortissants). Chaque ambassade a son fonctionnement, ses moyens, sa perception "des autres" ... d’où la complexité quand les couples sont divers :
- par leur pays d’origine : camerounais, sierra leonais, liberian, nigerians, malien, sénégalais, etc.
- par leur statut : en situation irrégulière, réfugié, ayant perdu le statut de réfugié, etc.
- par le nombre ou l’absence d’enfants,
- par la vie maritale ou le logement séparé,
- par les relations avec la belle famille et le voisinage, ...et qu’il faut analyser le "cas pratique"

Mais ne vous inquiéter pas, le "sang impur n’abreuve pas vos sillons", c’est une toute petite minorité et ca restera une minorité (je ne vous donnerai pas de statistiques !). Le couple se construit en se serrant les coudes ... je suis convaincu qu’ils apprennent à ce connaître, "pour le meilleur et pour le pire". Et ils s’accrochent, ils le veulent, pour eux et pour leurs enfants !

Le problème du passeport réglé manque notamment : Un tampon d’entrée sur le territoire. Aï !...

L’article 16 de la Moudawana prévoit que : Le document portant acte de mariage constitue le moyen de preuve dudit mariage. Lorsque des raisons impérieuses ont empêché l’établissement du document de l’acte de mariage en temps opportun, le tribunal admet, lors d’une action en reconnaissance de mariage, tous les moyens de preuve ainsi que le recours à l’expertise. Le tribunal prend en considération, lorsqu’il connaît d’une action en reconnaissance de mariage, l’existence d’enfants ou de grossesse issus de la relation conjugale et que l’action a été introduite du vivant des deux époux. L’action en reconnaissance de mariage est recevable pendant une période transitoire ne dépassant pas cinq ans, à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi.

Mais en pratique, la question de la légalisation du mariage est étroitement liée à celle de la légalisation du séjour ... et ce, dans le cadre même de la procédure de légalisation du mariage !

Pour ce qui est de la question de la régularisation du séjour, l’article 17 de la loi n°02-03 stipule que :

Sous réserve de la régularité du séjour et de celle de l’entrée au territoire marocain, et sauf dérogation, la carte de résidence est délivrée : 1 - au conjoint étranger d’un ressortissant de nationalité marocaine ; 2 - à l’enfant étranger, d’une mère marocaine, et à l’enfant apatride d’une mère marocaine, qui ne bénéficie pas des dispositions de l’article 7 (1°) du dahir n° 1-58-250 du 21 safar 1378 (6 septembre 1958) portant code de la nationalité marocaine si cet enfant a atteint l’âge de majorité civile, ou s’il est à la charge de sa mère, ainsi qu’aux ascendants étrangers d’un ressortissant marocain et de son conjoint, qui sont à sa charge ; 3 - à l’étranger, qui est père ou mère d’un enfant résident et né au Maroc, et qui a acquis la nationalité marocaine par le bienfait de la loi, dans les deux ans précédant sa majorité, en application des dispositions de l’article 9 du dahir n° 1-58-250 du 21 safar 1378 (6 septembre 1958) précité, à la condition qu’il exerce la représentation légale de l’enfant, le droit de garde ou qu’il subvienne effectivement aux besoins de cet enfant ; 4 - au conjoint et aux enfants mineurs d’un étranger titulaire de la carte de résidence.

Comme pour l’obtention du titre de séjour, le mariage est subordonné à ce tampon d’entrée ! Comment faire ? Ressortir pour mieux rerentrer ? Comment sortir légalement quand on est entré irrégulièrement ? Il est nécessaire pour cela d’avoir un laisser-passer ! Pour aller où ? Dans son pays d’origine ? Un pays de transit ? Qui peut fournir ce laisser-passer ?Quelle garantie le conjoint et le père peut il avoir de ne pas être séparé définitivement de sa famille s’il s’en éloigne pour mieux la retrouver ? Comment être sûr de pouvoir rerentrer régulièrement ?

Et sans ce tampon d’entrée la procédure reste bloquée !

Ces couples se battent parfois tellement qu’ils surprennent, venant à bout de gros murs. Ils sont soutenus, parfois par la famille, parfois par tout l’entourage, parfois par des "militants" (je veux dire dans l’âme), parfois par le personnel même de l’administration (policiers, commissaires, médecins, personnel administratifs, anonyme), parfois par des membres de l’ambassade (dans le cadre de leurs missions et prérogatives).

Les soutiens, la connaissance de la procédure, la tenacité, les obstacles, etc. étant différents pour tout ces couples, les démarches n’avancent pas au même rythme et les règles sont parfois difficile à décoder.

Et pendant ce temps là l’enfant grandit, et l’hôpital refuse de donner l’extrait de naissance sans l’acte de mariage marocain, l’acte de mariage n’est pas délivré parce qu’il manque un passeport à un réfugié (hic), le dossier bloque parce qu’il n’y a pas de tampon d’entrée... et le couple a parfois du mal à pouvoir vivre ensemble, parce que le bailleur demande l’acte de mariage, que la famille ne peut accepter que leur fille vive avec un homme sans mariage,... Certains sont contraints de vivre séparement et le couple se rencontre à l’extérieur, dans les associations ! Le père joue avec ses enfants qui grandissent et son nom n’apparait nul part. La famille attend l’acte de mariage pour pouvoir regarder leur fille dans les yeux et ne pas craindre tous les jours que leur gendre, usé d’attendre et précarisé, parte pour d’autres cieux, laissant des enfants orphelins derrière lui...

Pourtant il souhaiterait pouvoir avancer la tête haute, s’intégrer dans ces cultures parfois bien différentes, subvenir aux besoins de sa famille et élever ses enfants !

Article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant (1989) : 1. L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et être élevé par eux.

Article 8 1. Les États parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu’ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale. 2. Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d’entre eux, les États parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible.

Article 9 1. Les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans intérêt supérieur de l’enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant, ou lorsqu’ils vivent séparément et qu’une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l’enfant.

Et le droit de se marier et de fonder une famille dans tout ca ?

A ce jour, les couples mixtes franco-subsahariens sont une réalité de plus en plus visible au Maroc (même si bien évidement minoritaires). Cette réalité ne doit pas être ignorée. Elle est dans la logique de l’évolution des migrations et du lien entre les peuples. Ces liens sont de fait effectifs et les enfants qui naissent de ces unions ont le droit à leur identité, à leur culture (métissée) et à l’unité familiale. Le couple a le droit de pouvoir construire des projets à terme. le conjoint étranger a le droit de pouvoir envisager subvenir aux besoins de sa famille légalement et ainsi de pouvoir être encore mieux accepté dans des familles marocaines où l’accueil de l’étranger est souvent en soit un acte courageux !

Le droit de se marier et le droit de fonder une famille représentent des libertés fondamentales classiques. La formulation de ces droits correspond à la conception traditionnelle exprimée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques : "La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’Etat".

Pourtant parmi les différents couples rencontrés (marocco-camerounais, maliens, sénégalais, nigerians, liberiens, sierra leonais,...), un seul couple est marié légalement au niveau marocain : l’époux est entré dans le cadre de ses études et est aujourd’hui réfugié statutaire du HCR. La logique veut elle qu’une personne en situation irrégulière soit sanctionnée définitivement pour son entrée irrégulière sans qu’aucune alternative ne s’offre à lui pour "réparer sa faute" (durée de vie maritale, enfants marocains, etc.) ? Les réfugiés entrés irrégulièrement, parce que fuyant logiquement les persécutions, n’ont ils le droit qu’à une précarité généralisée au Maroc ?

Exemple d’un réfugié souhaitant se marier avec une marocaine. L’étranger est réfugié statutaire du HCR "ayant fui les persecutions". son mariage est impossible parce qu’on lui demande un passeport et un tampon d’entrée (hic) ! Son mariage devient impossible parce que la famille, ayant pourtant accepté ce gendre, se rétracte au bout de 3 ans... c’est long pour une femme marocaine d’attendre 3 ans tout en limitant au fur et à mesure ses chances de se marier (la pression est bien là).

Les femmes se battent pour que leur homme puisse devenir leur époux. Elle sont marocaines, veulent s’unir avec cet homme et souhaitent légaliser leur relation auprès des autorités de leur pays, eventuellement du pays de leur mari... et de la société ! Ces femmes sont des kamikazes pour certains, dans une société où avoir un enfant hors mariage ou épouser un "noir africain" était inconcevable il y a peu... et elles osent lutter contre la fatalité et l’impossible !

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Concrétisant la Haute sollicitude Royale dont Nous entourons Nos chers sujets résidant à l’étranger, et afin de lever les contraintes et les difficultés qu’ils subissent à l’occasion de l’établissement d’un acte de mariage, et en simplifiant la procédure, de sorte qu’il soit suffisant de l’établir en présence de deux témoins musulmans, en conformité avec les procédures en vigueur dans le pays d’accueil, et de le faire enregistrer par les services consulaires ou judiciaires marocaines, conformément à cette recommandation du Prophète : « Facilitez, ne compliquez point. ».

Passage extrait de la présentation des grandes lignes du projet du code de la famille lors du discours Royal historique du 10 octobre 2003 devant le Parlement à l’occasion de l’ouverture de la session législative [1]


[1] Le mariage mixte dans les relations euro-maghrébines, actes du colloque international des 13, 14 et 15 mars 2002, Revue marocaine d’Etudes internationales, p8



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