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Turquie / Droits des étrangers /

Frontières ?
23 février 2009 par Clémence

Pour préparer ma mission, qui est d’écrire une partie du rapport de Migreurop sur les violations des droits humains aux frontière de l’Union, je me suis d’abord plongée dans la lecture d’une multitude de rapports, d’articles et de recherches concernant la question des migrations, les frontières de l’Union et le droit européen, turc, grec. Il me manquait cependant quelque chose pour bien saisir le sujet dans son ensemble. On parle en effet de frontières. De frontière de l’Union, d’externalisation des frontières, de contrôle des frontières...

Or, j’ai rarement trouvé dans les rapports que j’ai pu lire une définition de cet objet qui fait tant débat aujourd’hui : la frontière, son degré d’ouverture et son degré de contrôle. Le terme même de frontière et sa définition est clairement un enjeu crucial, et mérite donc que l’on s’y attarde.

Jusqu’au 17ème siècle, la frontière était synonyme de front militaire. Les frontières étaient donc mouvantes. La constitutions des entités souveraines fixe les frontières petit à petit et les fige. La frontière devient la ligne de démarcation entre deux entités souveraines, entre deux Etats. Sans perdre sa connotation militaire cependant, la frontière reste un enjeu : enjeu pour protéger de toute tentative d’invasion et d’agression, et enjeu en tant que tel, en ce qui concerne la définition de son tracé. De grands murs seront mis en place pour protéger des invasions barbares : la muraille de Chine... Cependant, aujourd’hui, les murs édifiés protègent de quelles invasions ?

En ce qui concerne la définition même de frontière, plusieurs théories s’opposent et/ou se complètent : théorie des frontières naturelles, nées du relief, théories des frontières culturelles, linguistiques ou ethniques.

Cependant on peut considérer que la frontière est une construction humaine. Le produit d’un rapport de force, entre deux ensembles différents, politique ou culturels. La frontière est donc le produit de négociation entre entités politiques qui fixe durablement et dans les lois un statut quo. La frontière constitue le plus souvent un obstacle.

Or on a une multitude de dimensions qui font que la frontière ne constitue pas seulement une limite. La frontière a des incidences sur l’organisation de l’espace, sur la structuration de la société (dimension politique), sur la structuration des mentalités (dimension symbolique) : repose sur et structure dans le même temps la définition du nous et de l’autre. La frontière est donc reconnue par un ensemble d’acteur et est marquée dans l’espace. La dimension matérielle de la frontière est aussi importante.

Revenons à notre sujet. Quel est l’enjeu de cette frontière ? L’entrée dans l’Union Européenne. Les frontières de l’Union sont de toute façon matière à débat, ce qui montre bien la difficulté que l’on a à structurer le “Nous” européen. Mais l’accent mis sur le contrôle des frontière montre cependant la facilité à déterminer le non Européen. Le concept d’Europe forteresse souligne le degré extrême de fermeture des frontières de l’Union Européenne : quelque chose d’imprenable mais donc d’assiégé. En ce sens les frontières européennes structurent cette idée collective de siège. Le renforcement du contrôle des frontière entre dans cette logique : il y a une militarisation claire des frontières de l’Union. L’accent est désormais mis sur le contrôle, sur l’immigration zéro ou l’immigration choisie, sur la chasse aux clandestins, aux faux demandeurs d’asile. Les choix politiques répondent à des exigences électorales structurées par cette idée de rapport violent entre le Nous européen et l’Autre au sens large. L’exemple de Schengen est édifiant sur ce point : à la base, cet espace construit pour faire des frontières européennes des frontières ouvertes. Or, l’ensemble de mesures qui accompagne l’édification de l’espace Schengen en font le principal élément du contrôle des frontières [1]  : contrôle policier, militaire, mais aussi symbolique. l’externalisation du contrôle des frontières montre l’importance accrue de l’attention portée au contrôle des frontières.

La situation de la Turquie s’inscrit de manière très particulière dans ce contexte. La Turquie est précisément un état tampon, un pays de transit, un état à la porte de l’Union et donc censé contrôler ses frontières à ce titre. Mais plus que cela, la candidature de la Turquie à l’Union Européenne interpelle précisément l’Europe dans son identité et ses frontières.

La frontière principale que possède la Turquie avec l’UE est la frontière gréco turque. Cette frontière est déjà particulière de par l’histoire des relations tendues et difficiles entre ces deux pays. La frontière ici est clairement un enjeu majeur : la frontière est toujours militarisée (question des mines anti personnelles...) et la délimitation des eaux territoriales est toujours problématique dans la mer Egée. A cette situation très spéciale s’ajoute la nature Européenne de cette frontière. La question des migrations vient se rajouter sur ce contexte assez compliqué.

On a donc une frontière qui comporte une très forte dimension symbolique. La construction symbolique de cette frontière se fait à plusieurs niveau : au niveau européen, au niveau grec et turc et au niveau des migrants eux même : derrière cette frontière se trouve enfin le but du voyage entrepris.

La frontière structure les mentalités et les identités nationales. Or on est ici devant une frontière européenne. Et l’identité européenne est justement un point problématique. Concrètement, qu’est ce qui défini l’identité européenne aujourd’hui ? Pas grand chose. Le sentiment d’appartenance à l’UE repose principalement sur deux choses : sur une monnaie commune, et sur un espace géographique commun. On a donc l’Euro, et l’Espace Schengen. La définition des autres déterminants de l’identité européenne fait débat et est précisement remise en cause par la candidature de la Turquie (histoire, culture et valeurs communes). Donc concrètement, qu’est ce qui fait que je me sens européenne pour le moment ? J’utilise une monnaie commune à tous les Etats européens et je peux me promener librement au sein de l’espace Schengen. La monnaie quant à elle se promène encore plus vite et encore plus librement dans le monde entier que les européens eux même. Donc la principale différence avec les non ressortissants de l’UE réside dans la faculté de se déplacer librement.

Les frontières de l’espace Schengen et la possibilité d’être mobile ou non sont donc bien des composantes majeures de l’identité européenne aujourd’hui. La frontière, sa définition et son contrôle est un enjeu politique d’une importance accrue. Elle permet de définir le Nous et l’Autre, et de protéger le Nous de l’Autre. On est donc dans un système assez absurde : si avant la frontière était synonyme de front militaire, la définition a évolué de manière à en faire la ligne de démarcation entre deux entités politiques distinctes. Si la frontière restait militarisée, on était avant tout dans un conflit entre puissances politiques. Or dans le cas de l’union européenne, on a une frontière Schengen avec le reste du monde. Et on assiste à une remilitarisation des frontières. Face à quel conflit ? L’UE n’est pas en conflit avec une quelconque autre entité politique, mais en conflit avec un ennemi flou et pas vraiment défini. Avec l’Etranger, le migrant. Et paradoxalement, c’est cet accent mis sur le contrôle des frontières qui définit une part de l’identité européenne, identité européenne qui se structure autour de ce concept d’Europe forteresse à défendre et donc on accentue encore plus le contrôle aux frontière ?... Le fait donc de se sentir assiégé renforce donc un sentiment d’identité commune. Et c’est cette mentalité de siège et de rapport violent avec l’Autre que naissent les politiques migratoires européennes.

On a donc un contrôle des frontières accrus qui repose sur la simple présomption et le simple sentiment d’une attaque venant de l’extérieur. Or tout le système qui vise à la lutte contre l’immigration et au contrôle des frontières est non seulement criticable quant à sa genèse et à sa raison d’être, mais en plus est totalement arbitraire et violent, en opposition à toutes les valeurs défendues par l’Union (ici les violations des droits humains). Enfin, il est surtout inefficace car jamais une frontière, quelque soit son degré de fermeture, n’a jamais pu prévenir des mouvements migratoires. Les gens passent et continueront à passer (même la grande muraille de Chine n’a pas arrêté les invasions Mongoles). Le seul résultat de ce système est d’avoir des conséquences dévastatrices sur des destins individuels.

Ainsi après quelques semaines passées sur le terrain, j’ai voulu vous livrer quelques témoignages des conséquences directes de ce contrôle accru. Livrés brut, ils sont beaucoup plus parlants que toute analyse de la situation :

« I crossed several time. They deported me each time i try to go. They deport me illegaly, they were making sure that there were nobody on the Turkish side, and then, they would send you like this. It is always the same way. I could never reach Athens. But i do not care i will try again. Because i have no other choice. I can not go back to Sudan. I can not stay here neither. You saw the life of the people here. And if they send me back again i will try again. I have no other choice. You know, we are talking about that as if it was a joke or a big game. But there is no joke here. People are dying on the see, they loose their fooths on the mountains. It costs a lot of money, you loose all your money, all your faith, all your hope. Everytime i’m trying again, i am suffering more. I loose all my faith concerning Europe. But what else can i do ? » Sudanese asylum seeker

« We tried from the see. We were on a small boat, a plastic boat. It was during the night. We were too much people on the boat. Then the Greek coastguards came. I thaught they were going to take us. But they started to make circles around us with their big boats. They have motor boats. They were doing that to make big waves to make our boat sink. Then we were on the water and the police left us like this. The water was very cold, it was winter, in February. We had life jacket but we stayed too much on the water. The waves were so bigs. My boyfriend took care of me on the water. But i was pregnant and i loose my baby. The Turkish police rescued us the day after, i think we stayed more than 12 hours on the water. Some people died. But nobody knows it. I will try again but i have to find money. It is to hard to live here, when i find small jobs, all my money go with the rent, the bills and the food. I do not know what i will do. This is my life you know. » Erythrean refugee.

« I crossed to Greece and then the police arrested me. They took me to a detention center near the border. But this place... you cannot imagine this place. You don’t have the right to speak, everybody have to remain silencious. If people speak they beat them. If you ask for help because you are sick and you need medecine, they beat you. There was an old man, from Iran i think, or may be Afghanistan, i don’t know. He was very sick, he was going to die. We made some noise to call the police. They came and they saw him. So they took a bottle of water and they throw the water on him. We are not animals, we are human beings. After that, they deport you in Turkey, when there is no police or soldiers in the Turkish side. You have to hurry, to run and to be silencious. If you speak, they beat you so badly. They don’t ask for your name, your age or your nationality or if you want to ask asylum. They just don’t care. They put you on small boats, ten people, and they send you to the Turkish soil. » Sudanese refugee

« We tried to cross from çanakkale. The smugglers said us to hide in the forest and to wait for the boat. We stayed in this forest for 3 weeks. We did not moove. They were bringing us food every 2 days. But it was not enough, we were so hungry. But we could not go somewhere else to find food, because maybe we should have go, or maybe the police would have arrested us. We were sharing the food. There were women and girls with us, we were giving them the food. And then the smugglers did not came for 4 days. So we gave up. I had no more energy to wait and to cross. We go out the forest and the police arrested us. » Maurianian asylum seeker


[1] Voir à ce sujet:Les frontières de l’Europe à l’heure des flux migratoires mondialisés, entretiens avec Catherine Withol de Wenden, Vivre ensemble volume 15, 2008 http://doc.cerium.ca/serv1/frontieres_de_l_Europe_a_l_ere_des_flux_migratoires_mondialises_de_Wenden_No53_.pdf



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