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Maroc / Droits des étrangers /

Une franco-marocaine de retour au Maroc
20 mai 2008 par Nadia Khrouz

Lors de mon enfance au Maroc, lors de mon séjour en France et de mon récent retour au Maroc, j’ai souvent eu à répondre à la question "de quelle nationalité êtes-vous ? ". Selon les interlocuteurs et les moments, les réponses n’ont pas toujours été les mêmes : "marocaine", "française" ou "franco-marocaine". Mais il a été pour moi très intéressant d’observer les réactions des gens selon les réponses apportées…

Je me base ici sur l’expérience que j’ai et que j’ai pu avoir auprès des migrants subsahariens au Maroc, en intégrant des ressentis et des constats communs à mes deux expériences [1] et qui ne cesseront de mûrir.

Au Maroc et auprès des migrants subsahariens, j’ai souvent noté une hiérarchisation entre mes deux appartenances, un plus grand enthousiasme (satisfaction), que je comprends tout à fait, à l’annonce de la nationalité française que marocaine (déception, voire méfiance). Je rattacherai ces réactions à ce que la nationalité française représente pour eux en terme de rêve et d’objectifs à atteindre, et à ce que moi, détentrice de cette nationalité, j’incarne au travers de la liberté de circulation qui est la mienne, relativement à leur frustration d’être bloqués au Maroc.

Ainsi, la nationalité marocaine ne se rattache t’elle pas davantage à la situation actuelle, d’attente et d’impasse alors que la nationalité française renvoie à cet ailleurs à atteindre ?

Mais comme l’a exprimé Mehdi Alioua, membre du GADEM et également enfant de couple mixte ayant grandi au Maroc dans des configurations qui pourraient être comparables aux miennes, le fait d’être franco-marocaine confère une position particulière : "Métis, je suis le fruit de la mobilité et de la rencontre. […] Et en tant que métis, appartenant à plusieurs ensembles et possédant cette capacité de jouer sur plusieurs espaces en prenant du recul par rapport à mes appartenances, ils pouvaient communiquer avec moi sans difficulté. En tant que français, ils trouvaient en ma présence les éléments de discussion qui les faisaient rêver de l’Europe" [2].

Le fait d’être de nationalité et de culture franco-marocaine me met également en avant dans diverses situations. Il s’est ainsi avéré que cette posture de "membre du groupe" des marocains était une opportunité indéniable dans la compréhension et le contact avec mes interlocuteurs marocains (voisins, propriétaires, etc.), notamment dans le cadre des relations avec les partenaires institutionnels et associatifs.

De plus, j’ai pu réaliser la plus grande importance qu’accordaient les migrants subsahariens à l’identité africaine, que je n’avais personnellement jamais ressentie en tant que telle auparavant. En effet, l’identité valorisée au Maroc est, d’après mon expérience, davantage l’identité marocaine, voire maghrébine (parfois berbère ou arabe). En tant que marocaine, je suis donc apparemment davantage censée comprendre les réalités africaines par mon appartenance et ma vie au Maroc que par mon appartenance française.

Ma présence auprès de noirs subsahariens au Maroc a indéniablement surpris. Mehdi Alioua note la surprise qu’a pu susciter la vue d’"un marocain aux allures occidentalisées [3] et un congolais" prenant "du bon temps ensemble à discuter dans un français plus que correct, dans un endroit où ce genre de rencontre était peu probable" [4] . J’ajouterai également que certaines réactions de marocains m’ont renvoyé à ma marocanité et à mon devoir d’assistance prioritaire envers les marocains.

Ajoutons à mon identité d’enfant de couple mixte franco-marocaine, l’impact que peut avoir mon milieu social ou la représentation que s’en font les migrants. L’accès à des études en France étant le plus souvent l’apanage des enfants d’un certain milieu social, privilégiés, cette caractéristique m’éloigne du "nous", avec le "risque" d’exacerber parfois leur impression que je ne peux comprendre certaines de leurs réalités. Mon "expérience subjective de la migration", mon départ pour mon deuxième pays, la France, m’ouvre néanmoins à des discussions sur le ressenti du départ et de l’arrivée dans un pays où l’on se sent parfois si étrange et étranger.


[1] mon volontariat actuel et mon stage de 6 mois en 2006 dans le cadre de mes études

[2] ALIOUA Mehdi, Réseaux, étapes, passages, les négociations des subsahariens en situation de migration transnationale. L’exemple de leur étape marocaine à Rabat. Mémoire de maîtrise sous la direction de Alain Tarrius, Université Toulouse le Mirail, 2003, p53-54

[3] Ce qui dénote soit l’appartenance à un milieu aisé, soit le fait d’avoir vécu en Europe assez longtemps

[4] ALIOUA Mehdi, 2003, op.cit., p22.




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