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Maroc / Droits des étrangers /

Discours (non exhaustifs) des forces de l’ordre marocaines sur les arrestations collectives de subsahariens
30 août 2008 par Nadia Khrouz

Les événements de Ceuta et Melilla et les arrestations collectives qui ont suivies ont permis, au travers des refoulements dans le désert, de mettre le doigt sur certaines pratiques des autorités marocaines en matière de « gestion des « flux « migratoires » » ». Les rafles de « grandes ampleurs » semblent ne plus être pratiquées alors même que s’y sont substituées des arrestations collectives sporadiques, effectivement moins massives mais qui semblent plus nombreuses.

Ces arrestations sont donc moins visibles, plus discrètes, moins lourdes pour les forces de l’ordre et plus difficiles à suivre pour les associations de défense des droits de l’Homme, d’autant que de nombreuses informations contradictoires circulent et que la communication avec les personnes arrêtées est rendue difficile (confiscation de téléphones portables, aucun droit de communiquer avec une personne extérieure, etc.). Dans un tel contexte, il s’avère nécessaire (et intéressant) de communiquer et d’échanger avec les membres des forces de l’ordre accessibles, plus ou moins ouverts à la discussion, plus ou moins informés, etc.

1ère information : une centaine de subsahariens arrêtés dans un quartier ciblé de la ville. Les arrestations de subsahariens semblent s’être faites au hasard (au faciès ?). Progressivement, nous aprenons que différents quartiers sont concernés. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (UNHCR) négocie la libération des réfugiés. Celle des Demandeurs d’asile n’est pas encore acquise.

Le soir devant un commissariat ...

Le même soir, en face d’un commissariat ayant faiblement participé aux arrestations de subsahariens, des échanges avec les policiers permettent de constater de la différence :
- de positionnement de leurs discours par rapport aux subsahariens au Maroc,
- de prudence dans leur discours,
- de perception des arrestations en cours ;

La première interrogation qui exige une réponse : qui suis-je ? M’adressant à eux en arabe et en français, en leur demandant des nouvelles d’un noir détenu dans le commissariat (avec une crainte des forces de l’ordre et néanmoins un sentiment d’être relativement protégée tant que je reste sur ce ton naturellement courtois et spontané), que je connais et que j’assure être un demandeur d’asile.

Mon profil semble déjà intriguer !

En attendant la fourgonnette qui transférera les subsahariens arrêtés vers le commissariat central … discussion avec certains policiers (d’autres rejetant directement tout échange, nous éloignant de l’entrée). Au travers de ces échanges (avec des personnes dont je ne connais ni le grade, ni le poste) certains discours émergent. J’en synthétiserai les principaux (il serait intéressant d’analyser également le silence de certains et de pouvoir effectuer un réel travail autour des différents positionnements ) :

Subsahariens = Criminels

La première des réactions, spontanée et qui semblait chercher à me convaincre, fut celle d’un policier avançant que de toutes les manières si ces arrestations avaient lieu, ce n’était que parce que ces « africains » posaient des problèmes au pays (« ce sont des trafiquants ») en volant, en commettant des délits, etc. Et pour illustrer ses propos, celui-ci me parle d’une femme subsaharienne de son quartier qui falsifiait des papiers. Il ajoute « elle faisait tout » (laissons vaquer notre imagination !). Celle-ci a été arrêtée et on a retrouvé une caisse pleine d’argent chez elle. On l’a refoulé à Oujda et elle est revenue. Cette réaction a été la plus prégnante, exprimée par différents policiers. L’on me parle d’ « assainissement général » et de « grand nettoyage » avec une suspicion généralisée concernant les papiers d’identité (qui ne sont de toutes les manières pas pris en compte… on nous annonce qu’ils le seront plus tard) : « ils n’ont pas de vrais papiers, on ne peut pas leur faire confiance ».

J’ai du mal à me laisser convaincre.

L’esprit de « réciprocité »

La seconde réaction renvoie à une certaine blessure, explicitée : « on fait la même chose aux marocains en Europe, ils sont renvoyés. On doit faire la même chose ». Les migrants subsahariens au Maroc seraient ils victimes d’une sorte d’esprit de vengeance ? Je m’ose à un « et comment s’en sort on si les subsahariens font la même chose dans leurs pays aux marocains qui y vivent ? ».

Le malaise est là. Les décisions sont prises et les ordres donnés. Ces analyses sont-elles à la base de telles décisions ou des décisions incomprises et qui doivent être appliquées ne doivent elles pas forcément et d’une manière ou d’une autre être justifiées pour les exécutants ?

Le mea culpa de l’exécutant

Discrètement, certains semblent néanmoins partager mon inquiétude concernant le respect des procédures, le respect des droits et la présomption d’innocence. Je discute notamment avec un policier, en retrait, qui me parle des droits de l’Homme et me dit que cela ne devrait pas se passer comme cela. Mais ajoute t’il : « un jour on vous demande d’arrêter tous les vendeurs ambulants, un jour les noirs, etc. ».

Que ces discussions et débats seraient intéressants à avoir de manière moins clandestine, plus officielle et plus générale ! Ces policiers représentent l’ordre mais sont également représentatifs, dans une certaine mesure, de la population marocaine, de ses points de vue, de ses préjugés, de ses interrogations et de ses malaises.

Les arrestations (souvent au faciès), leur déroulement (procédure, durée de détention, etc.) et les discours (ou l’absence de discours), véhiculés notamment par la presse, renvoient parfois à une relation au noir, au noir subsaharien (chrétien ou musulman, anglophone ou francophone) qui reste bien souvent ambigüe, accentuée par la vulnérabilité et précarité de vie d’une grande majorité d’entres eux au Maroc, qui les placent à priori d’emblée dans une position d’infériorité sociale.  [1]

Pour François Soudan, le sujet du racisme de certains maghrébins à l’encontre des "subsahariens" reste largement tabou : "alors qu’eux-mêmes sont fréquemment victimes d’attitudes, de jugements et d’actes discriminatoires dès qu’ils traversent la Méditerranée (ou l’Atlantique) […] les voici qui reproduisent chez eux les réflexes d’humiliation et de racisme […]Les cibles privilégiées, si ce n’est uniques, de ces comportements banalisés au point que nul, au sein des classes dirigeantes et des sociétés civiles des pays maghrébins, ne semblent en avoir pris conscience, sont des ressortissants d’Afrique subsaharienne". [2]

Word - 1.4 Mo
petit lexique de la xénophobie ordinaire

[1] Le fait que je parle davantage de racisme que de xénophobie (hostilité à l’égard des étrangers), s’explique par le fait que tous les étrangers au Maroc ne font pas l’objet de tels comportements et d’une assignation à une position d’à priori infériorité.

[2] SOUDAN François, "Les Maghrébins sont-ils racistes", enquête dans Jeune Afrique l’Intelligent, n°2266, du 13 au 19 juin 2004, p42.




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