Document sans titre
bando
>>> PROMOTION 7


 Agriculture paysanne et travailleurs migrants saisonniers
 Droit des étrangers
 Exclusion urbaine
 Medias Alternatifs
 Mobilisation citoyenne




 Ana
 Aude
 Benoit
 Cindy
 Cristina
 Derya
 Diane
 Emmanuelle
 Gloria
 Leila
 Lucie
 Lucie Co
 Souad


Haïti / Exclusion urbaine /

Port-au-Prince : vous avez dit exclusion urbaine ?
31 janvier 2008 par Lucie Co

La capitale haïtienne compte plus de deux millions et demi d’habitants et grossit chaque jour un peu plus. Le mouvement de réduction de la taille des exploitations agricoles par famille est continu depuis des décennies, pression démographique oblige. Dans les années 1980, l’aide américaine au développement a commencé à déployer une politique de regroupement des terres agricoles pour augmenter la productivité. Et la détaxe des importations a très violemment concurrencé les cultures vivrières. Prémices d’un exode massif vers les villes. Ces nouveaux urbains devaient fournir la main d’œuvre nécessaire au développement de l’industrie d’assemblage. L’afflux n’a jamais cessé. La planification n’a jamais dépassé le stade de l’étude. Aujourd’hui Port-au-Prince est la ville monstrueuse que certains anticipaient déjà dans les années 50. Préparez-vous pour le tableau noir.

La métropole se découpe en plusieurs communes, qui longent le littoral et grimpent sur les mornes calcaires qui cintrent le site. La communauté urbaine de Port-au-Prince, créée sous Duvalier fils [1] n’a jamais fonctionné. Il n’y a donc pas de coordination des projets entre ces territoires. Quels projets pourraient-on dire ? Bonne question. A ma connaissance, il n’y a aujourd’hui, en matière de projets urbains, que quelques opérations de saupoudrage dans différents quartiers. Et quasiment aucune gestion de l’existant.

Premier mot clé : les fatras

L’existant, c’est d’abord un réseau d’évacuation des eaux usées concentré sur le centre ville dont le curetage est douteux. Partout ailleurs, elles sont évacuées par quelques canaux bouchés ou des ravines naturelles qui se creusent chaque année un peu plus. Ces « réseaux » concentrent une grande partie des déchets que le service métropolitain de ramassage des ordures est loin d’être en mesure d’évacuer. Et quand bien même il y parviendrait, les décharges sont saturées. En saison des pluies, l’eau qui dévale des mornes entraîne donc sur son passage les détritus qui s’amoncellent et bloquent les rues et les canaux. Ce sont les fameux tas de fatras qui forment le paysage collineux des rues et ruelles. Partout dans Port-au-Prince, des familles vivent au bord de ces ravines et canaux, voire dans leur lit. Elles sont donc extrêmement menacées en cas de simple pluie. Des maisons s’écroulent régulièrement. Bon nombre de grands bidonvilles sont également bâtis, en bord de mer, sur des monticules d’ordures. Insalubres depuis l’origine, ils sont aussi le débouché de toutes les eaux souillées de la ville.

Deuxième combat : dlo, dlo, dlo [2]

La saturation des réseaux d’évacuation et l’absence de latrines entraîne une pollution souterraine des nappes phréatiques. La centrale des eaux métropolitaines ne satisfait pas aux besoins immenses de la population en eau potable. Beaucoup de quartiers sont alimentés par camion, ou doivent utiliser des branchements pirates ou des sources polluées. Certaines ONG, en particulier le GRET Haïti, travaillent à mettre en place et suivre des fontaines au cœur des quartiers. En l’absence d’une institution chef de file solide, ces projets demeurent un pari pour leur survie au quotidien.

Dans ces conditions plus que précaires d’accès à l’eau et d’évacuation des déchets liquides et solides, l’hygiène est réduite à son plus simple appareil. Les enfants et les femmes sont les premiers à souffrir de maladies transmises par l’eau contaminée.

La fée électricité démissionnaire

Pour achever cette description, consciemment alarmiste, faisons un petit détour par l’électricité. Aucun des quartiers de Port-au-Prince n’est alimenté 24h sur 24 par l’électricité. Certains bénéficient de la proximité de grandes institutions, mais l’éclairage urbain dans les rues est rarissime. Ceux qui peuvent se le permettent ont des génératrices et/ou des inverteurs. Ailleurs il faut faire avec l’obscurité nocturne et opérer des branchements pirates sur les lignes. La vétusté des installations électriques, qu’elles soient pirates ou non, est un danger pour tous les habitants, par le feu ou l’électrocution.

Finissons sur une statistique. Dans le quartier sur lequel je travaille vivent 250 000 personnes. Dans des bidonvilles au bord de l’eau ou à flanc de montagne, et des quartiers plus anciens surdensifiés. Les risques présentés par la potentialité d’un tremblement de terre, d’inondations ou d’incendies menacent directement la moitié de ces habitants. 125 000 personnes. On peut extrapoler pour la totalité de la capitale : plus d’un million de personnes.

Sans une prise de conscience immédiate et une mobilisation forte, les choses continueront à empirer. L’exclusion urbaine à Port-au-Prince est la norme. Elle concerne tout le monde, tout de suite.


[1] Jean-Claude Duvalier, fils de François Duvalier, a dirigé Haïti de la mort de son père en 1971 à 1986. Le pays a donc vécu sous le régime de la dictature durant près de trente ans.

[2] "eau" en créole




  Allemagne
  Argentine
  Belgique
  Brésil
  Espagne
  Haïti
  Italie
  Maroc
  Portugal
  Roumanie
  Turquie