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Haïti / Mobilisation citoyenne /

Quand l’Europe fait son marché en Haïti
17 janvier 2008 par Lucie Co

Quand le week end, je visite les marchés de Port-au-Prince, j’ai la vue déformée. Je me demande toujours ce qui est produit en Haïti, et ce qui est importé. Haïti ressemble parfois à une sorte de laboratoire du capitalisme sauvage. La République dominicaine et les Etats-Unis sont les principaux partenaires économiques du pays. Mais l’Europe a également une carte à jouer dans les Caraïbes. Pour un peu éclairer cette question, j’ai rencontré Camille Chalmers, de la Plateforme haïtienne pour un développement alternatif (PAPDA).

Comme l’AITEC, mon association référente en France, la PAPDA travaille sur les accords économiques entre l’Union européenne et les pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Ces Accords de partenariat économique (APE) doivent inscrire les échanges entre ces pays dans le cadre des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). D’après la PAPDA et de nombreuses autres organisations, les APE vont plus loin que les règles de l’OMC sur plusieurs points, entraînant une libéralisation excessive des échanges.

Le danger de ces accords est aisé à saisir. Jusqu’à présent, les pays concernés avaient des accords non-réciproques avec l’Europe, en raison de capacités plus faibles à produire pour exporter. Or, les APE cherchent à établir des marchés entièrement ouverts, au mépris du développement. Si on simplifie, le paysan haïtien se retrouvera en concurrence directe avec le producteur français qui dispose d’outils modernes et de subventions. Or il se trouve que 60% de la population haïtienne est rurale. Au sein d’une agriculture déjà faible et appauvrie, l’application des accords APE est une menace supplémentaire pour la sécurité alimentaire du pays et tout simplement la vie quotidienne des paysans haïtiens. [1] De plus, si Haïti fait partie des pays les moins avancés, et à ce titre devrait pouvoir bénéficier de ses préférences avec l’Union européenne hors APE. Mais elle est également membre du Cariforum [2] et a réintégré le marché commun caribéen, le CARICOM, depuis 2006. A ce titre, elle dépend donc des APE. Ironie d’un avantage censé compenser les handicaps du pays qui se perd dans la régionalisation économique.

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Une manifestation anti-APE en octobre 2007
Photo : Joan De Bruyckere

Ces accords iniques ont donc été négociés dans le Cariforum, sans qu’Haïti ait toujours la pleine maîtrise de son positionnement, puisqu’elle avait rompu ses relations avec le Caricom entre 2004 et 2006, dans un moment clé des négociations. En 2007, la PAPDA s’est donc mobilisée fortement pour contester la validité des négociations et le fond des accords. Des débats ont été organisés avec des représentants de l’Union européenne pour faire connaître les enjeux. Au cours de séminaires et de formations à destination des journalistes, la PAPDA a continué diffuser l’information. La coalition « Bare APE » ("stoppons les APE") [3] a lancé plusieurs grandes manifestations à l’automne pour marquer l’opposition de la société civile à ces procédés.

D’après Camille Chalmers, l’effort de pédagogie a fonctionné et le gouvernement a commencé à souhaiter que ces accords soient tournés vers le développement plus que vers l’économie. Néanmoins, le plaidoyer n’a pas abouti et les accords ont été signés en décembre pour le Cariforum. Aujourd’hui, la mobilisation se poursuit en coordination avec les partenaires des Caraïbes. [4]

L’Union européenne souhaite, du point de vue de Camille Chalmers, asseoir sa légitimité de partenaire commercial avec une région caribéenne unifiée et « pacifiée » pour renégocier par la suite ses accords commerciaux avec les Etats-Unis. En l’absence de projet politique au-delà de cette pure vision économique, l’Union européenne ne pourra néanmoins prendre une place réelle dans la région et au niveau mondial.

Pour en savoir plus :

Le site internet de la PAPDA


[1] Les accords APE concernent d’autres secteurs, comme les services ou les investissements pour le développement desquels ils sont également une menace.

[2] Le Cariforum est né en 1992 sur la base des pays du Caricom - marché commun des Caraïbes - et en intégrant Haïti, le Suriname et la République dominicaine. L’objectif du Cariforum est d’améliorer la coordination avec l’Union européenne, l’intégration régionale et la coopération. Cette instance a été la référente des négociations avec l’UE sur les APE dans les Caraïbes.

[3] La coalition BARE APE est composée de 9 associations haïtiennes : PAPDA - MODEP - CHANDEL - RAJES - SOFA - RNDDH - TÈT KOLE TI PEYIZAN AYISYEN.

[4] Les partenaires de la PAPDA dans les mobilisations des prochains mois sont le Caribbean Policy Development Center, la Windward Islands Farmers Association qui travaille en particulier sur la question du commerce de bananes, et le Caribbean Council of Labor.




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