En Mai 2001 un groupe constitué de très jeunes étudiants et de personnes en conditions de précarité se lance un défit : occuper un immeuble à l’abandon depuis plus de 15 ans, le fameux Cabaret Derby, 84 via Monterosa dans le nord ouest de Milan.

 

La « Coordination des collectifs étudiants » entreprend alors la restructuration et la revitalisation de ce lieu entièrement dégradé, avec l’objectif de le rendre aux jeunes, au quartier, à la ville.

Sur trois étages, cet immeuble nommé alors « Il Cantiere » devient un « centro sociale »[1] et accueille une série de diverses activités. On y trouve actuellement une librairie, une salle de soirées concerts ouverte le weekend, une taverne sociale ouverte tous les midis, des bureaux sièges de différents collectifs (lycéens, étudiants…) et associations, une salle couverte, un patio extérieur…

 

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Le Cantiere est un endroit de discussions, d’échanges, de sociabilité, de débats et de rencontres. Il représente un laboratoire politique, de créativité et de participation pour les jeunes citoyens milanais et nationaux. En effet, de nombreux mouvements de luttes italiens sont passés et continuent de passer par le Cantiere pour y mener différentes actions et pour renforcer les liens de solidarités entre les collectifs. Il s’agit d’un lieu où l’on peut « mettre en chantier » des idées, des débats, des initiatives et des alternatives possibles.

Il est aussi et surtout un support physique à de nombreuses luttes, pour ceux qui ne se reconnaissent pas dans le modèle néolibéral, marchand et capitaliste actuel. C’est ici que se pensent et s’organisent les luttes contre les discriminations, contre l’impérialisme financier, contre l’austérité.

 

Aussi, en 2009, les membres du Cantiere se sont unis aux habitants du quartier populaire limitrophe de San Siro pour mener une véritable lutte pour le droit au logement. En effet, ce quartier souffre de plus en plus non seulement d’expulsions violentes, massives et injustes mais il est également la cible de spéculations immobilières. Autrement dit, le patrimoine public que représente l’ensemble des logements sociaux de cette zone, est propriété et est géré par l’entreprise ALER[2], surendettée qui cherche à tout prix à rembourser ses dettes. Pour ce faire, cette dernière utilise la loi de 2014 intitulée Piano Casa, qui permet, à la fois la vente du patrimoine public, l’arrêt de construction de logements sociaux et enfin l’impossibilité pour les personnes « occupant par nécessité[3]» de faire une demande de résidence (que la personne soit non italienne ou provenant d’une autre région que la Lombardie).

Le Cantiere mène donc chaque jour une lutte pour le droit au logement et à la ville. Une lutte contre les spéculations immobilières qui permettent aux riches millionnaires de s’enrichir toujours plus et qui ne cessent de détruire les populations les plus modestes. C’est une lutte pour la sauvegarde de la richesse des quartiers populaires, parce qu’ils sont parmi les seuls à proposer de la mixité, du métissage de cultures, du lien social et de la solidarité. C’est un combat constant contre les processus de gentrification qui s’accélèrent de plus en plus dans les « métropoles vitrines », aseptisées et normalisées comme est en train de devenir la ville de Milan.

 

Les membres du Cantiere, ont entrepris un projet de grande envergure pour matérialiser leur lutte pour le droit à la ville en un fait concret. En 2013, ils occupent un ensemble de 5 immeubles datant des années 30, abandonnées depuis des années…

Ensemble, ils montent alors leur projet  d’ « Espace de Secours Mutuel »[4], un concept italien historique basé sur la solidarité et l’échange entre les personnes. Tout d’abord, ils restaurent eux-mêmes les appartements complètement dégradés et inhabitables, sous le principe d’ « auto-récupération ». Puis, ils construisent une salle de sport populaire, une université populaire où sont donnés gratuitement divers cours de langues, mais aussi un marché solidaire, un « guichet Amap », des activités pour les enfants et encore différents laboratoires et ateliers (d’art, d’urbanisme, de sérigraphie, de réparation de vélos etc.). La vie au SMS est basée sur le principe d’autogestion, de collectivité et de solidarité.

Ce projet unique et solidaire est la preuve que des modes de vie alternatifs à ceux imposés par les pouvoirs néo-libéralismes sont possibles. 

 

Le Cantiere est donc un endroit unique de solidarité de luttes, de discussions et de constructions alternatives d’un avenir meilleur.

 

REGARDE AUSSI :

https://www.flickr.com/photos/cantiere_centro_sociale/sets/

https://www.youtube.com/watch?v=5AGciIcMbiA#t=19

https://it-it.facebook.com/centrosocialecantiere

 

[1] Le terme de « Centro Sociale » fait référence à une réalité spécifique italienne. Il est porteur à la fois d’un important passé historique et d’idées politique. Les Centri Sociali naissent entre 1968 et 1977, comme un héritage de ce qu’étaient les « mouvements autonomes » (qui faisaient partie des mouvements contestataires italiens pendant les années 70).

Le Centro Sociale désigne un endroit occupé et autogéré par des citoyens refusant le système néolibéral, le système marchand et celui de consommation. Il est à la fois un lieu physique où se déroulent des débats, des échanges d’idées, des soirées concerts, des activités, des alternatives de vie, mais il est aussi et surtout un support à l’expression d’idées politiques.

[2] ALER est l’entreprise lombarde de constructions résidentielles publiques.

[3] Une personne « occupe par nécessité » lorsque par exemple elle perd son travail et n’est alors plus capable de payer son loyer.

[4] Lo Spazio di Mutuo Soccorso (SMS) se trouve à deux pas du Cantiere, il est tous les jours ouvert au public et accueille une centaine d’habitants.