Depuis août 2012 et afin de combattre l’immigration irrégulière, le gouvernement grec a lancé l’opération Xenios Zeus. Le choix du nom n’a pas été fait au hasard. En mythologie grecque, Xenios Zeus représentait le dieu de l’hospitalité. L’ironie est bien évidente: L’opération n’est, en aucun cas, hospitalière, les migrants et les demandeurs d’asile subissant des contrôles policiers parfois violents, des détentions arbitraires et des comportements racistes.

L’opération a commencé afin de repousser l’immigration irrégulière de la frontière nord (Evros) et de « nettoyer » le centre d’Athènes. Le but est le renvoi des migrants dans leurs pays d’origine. Pour l’opération « balai », se sont mis en place 4.500 policiers davantage, dont 2.500 à Evros et 2.000 dans la capitale. Toutefois, malgré le droit que la Grèce possède vis-à-vis de sa politique migratoire, les méthodes utilisées pour sa mise en œuvre sont contestées.

Selon le rapport récent de Human Rights Watch sur l’opération Xenios Zeus, entre le 4 août 2012 et le 22 février 2013, 85.000 étrangers ont été contrôlés et arrêtés, dont seuls 6 % se trouvaient en Grèce en situation irrégulière.[1] Un an après le lancement de l’opération, des centaines d’étrangers se sont arrêtés et enfermés dans les centres de détention, où ils vivent sous des conditions inhumaines: accès limité à l’air frais, absence des règles d’hygiène, nombre de places très limité par rapport au nombre des détenus, absence des soins médicaux etc. Il faut rappeler que les conditions de détention en Grèce sont régulièrement critiquées par des organisations humanitaires, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ainsi que par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Selon la loi grecque, la détention des migrants irréguliers dure 6 mois, avec une prolongation possible jusqu’à 12 mois, si nécessaire. Depuis octobre 2012, les demandeurs d’asile peuvent être détenus jusqu’à 18 mois. Un an depuis le début de l’opération est déjà passé et les détenus se libèrent. La plupart d’eux ont annulé leur demande d’asile. Ils rencontrent qu’ils étaient « conseillés » par la police d’arrêter la procédure de détermination de leur statut, afin d’éviter la prolongation de la détention. Beaucoup ne demandent même pas de protection, craignant qu’un tel acte puisse provoquer une détention encore plus longue.[2] Ils sortent alors avec un avis de quitter le pays dans les 15 ou 30 jours qui suivent. En Grèce, demander l’asile est une procédure très difficile. Les demandes étaient déposées auprès de la Direction de la police des étrangers d’Attika, alors remplacée par le Nouveau Service d’Asile.[3] Cependant, ce département n’acceptait que 20 demandes par semaine, chaque Samedi matin. Les gens y allaient plusieurs jours en avance, en attendant sous la pluie ou la chaleur, mais la plupart des fois en vain.[4] Il est bien évident que demander l’asile pour la deuxième fois est pratiquement impossible. A leur sortie du centre, les migrants se trouvent tous sans papiers, risquant d’être arrêtés de nouveau et renvoyer dans un centre de détention.

En août 2013, dans le centre d’Amygdaleza[5], plusieurs détenus se sont révoltés contre les conditions de leur enfermement. Les médias grecs parlaient des « ingrats », qui, « même s’ils bénéficient de la nourriture gratuite », ils manifestent car la climatisation dans leurs conteneurs ne marche plus. Aussi décrit comme le centre des 5 étoiles, il est composé par des conteneurs qui se trouvent sous le soleil, à l’absence d’arbres ou d’ombres artificiels pouvant soulager les détenus quand la température touche les 40 degrés. Plusieurs migrants sont affaiblis et malades, certains parlent d’accès limité aux médicaments, alors que beaucoup de tentatives de suicide sont notés. En réalité, les émeutes ont commencé lorsque les détenus ont été informés que la durée de leur détention serait portée à 18 mois.

Alors que la société grecque salue l’opération Xenios Zeus, les vies des migrants sont mises d’autant plus en danger. La Grèce, point principal d’entrée dans l’Union européenne, demeure l’épicentre d’une crise humanitaire. Incapable de gérer ses flux migratoires et équipée d’un système d’asile très faible, elle ne possède pas de moyens propres pour la protection de ses populations vulnérables. Les personnes devant bénéficier de protection internationale ne sont pas identifiées en tant que réfugiés, le système de détermination du statut de réfugié ne fonctionnant pas correctement.[6] La Grèce faudrait reconsidérer son système d’asile, tout en se conformant à l’ensemble des règles du droit international et européen.

 L’opération Xenios Zeus

 


[1] Lire le rapport de HRW ici : http://www.hrw.org/node/116082

[2] Décret présidentiel 116/2012

[3] Le Nouveau Service d’Asile, établi en 2011, a commencé à fonctionner depuis le 7 juin 2013. Cependant, les demandes d’asile doivent être posées seulement d’après ce service qui se situe à Athènes, ce qui rend difficile la procédure d’asile aux régions en dehors de la capitale.

[4] Pour plus d’information sur l’accès aux procédures d’asile:

[5] Centre principal de rétention, situé à Athènes.