La fin de l’aide humanitaire d’urgence décrétée au printemps 2011 en Italie risque de jeter 20 000 migrants sans ressources hors des centres d’accueil au 1er janvier 2013. Depuis le début de la procédure d’urgence, aucune solution viable n’a été proposée pour leur permettre une installation sur le territoire. Une manifestation était organisée hier mardi 30 septembre au pied du Panthéon dans le centre historique de Rome pour dénoncer le silence du gouvernement, et appeler à trouver une solution de long terme pour ces migrants.

Nous ne sommes pas des fantômes

Une soixantaine de migrants, encagoulés dans des draps blancs, participent au rassemblement en scandant le slogan « Nous ne sommes pas des fantômes, nous sommes des êtres humains » peint sur de grandes pancartes en différentes langues. Avec le soutien des principaux syndicats et de plusieurs associations de défense des droits de migrants, en particulier de l’Arci, de l’ASGI et du CIR (Conseil pour l’Immigration et les Réfugiés), les migrants présents dénoncent une situation où l’on nie leur existence, et où rien n’est prévu pour leur permettre installation et intégration en Italie.

« Nous ne sommes pas des fantômes, mais ils nous traitent comme tel. Aidez nous à savoir ce que nous allons devenir et à trouver une solution pour le futur », déclare l’un d’entre eux.  La plupart ont fui de la Libye en guerre à destination de l’Italie durant le printemps et l’été 2011, arrivant en grand nombre principalement par la mer et via l’ile de Lampedusa. Leur nombre est estimé à 20 000, chiffre élevé au vu du nombre de réfugiés présents sur le territoire italien[1], mais surtout marquant car les arrivées se sont concentrées sur quelques mois. Aujourd’hui, ces migrants qui ont traversé la Méditerranée pour fuir la guerre en Libye et sont présents depuis plus d’un an sur le territoire italien ne savent pas quel sort les attend dans moins de deux mois. Pour comprendre leur statut particulier, il est nécessaire de revenir brièvement sur le décret d’urgence humanitaire de 2011.

Le décret ”Emergenza Nord Africa”

Face à des arrivées de migrants sans cesse plus nombreuses au printemps 2011, le gouvernement italien met en place une procédure d’urgence intitulée « Emergenza Nord Africa »[2]. Il confie alors à la Protezione Civile (organisme de secours civil sur le territoire) la gestion de centres d’accueil où sont logés ces milliers de migrants à peine arrivés sur le territoire. Pourtant à aucun moment le système mis en place ne prévoit un accès facilité pour ces migrants à un permis de séjour pour motif humanitaire. Paradoxalement, tandis que le nombre de migrants dans les structures dédiées ne cesse d’augmenter, chacun d’entre eux est contraint de suivre la procédure de demande d’asile au cas par cas.

Les migrants se retrouvaient alors dans une situation bancale. En effet, le gouvernement mobilisait des moyens nécessaires à leur accueil, mais à l’aide d’une force d’aide civile généralement présente en cas de catastrophe naturelle, sans formation particulière pour accueillir et guider des migrants dans leurs parcours juridiques et personnels d’installation. D’autre part, outre l’hébergement et l’assistance humanitaire aucune solution n’était envisagée pour proposer à ces populations des titres de séjours stables et une procédure facilitée et accélérée grandement justifiée par leur situation d’asile.

De plus, le dispositif est dès le début plus couteux et moins bien fourni en services d’aide et d’assistance que les réseaux SPRAR, les centres d’accueil des réfugiés gérés par les associations spécialisées telles que l’Arci. Ainsi, un migrant accueilli en centre de la Protezione Civile coute 46 euro par jour au gouvernement contre 29euro dans un centre SPRAR[3] où les aides juridiques et techniques pour les migrants sont bien mieux assurées. Leur insertion dans la société italienne est ainsi bien plus compromise dans les centres du dispositif d’urgence humanitaire, dont la structure a été déjà prolongée par deux fois par décret sans que ne soient modifiées les conditions de fonctionnement interne.

Quelles attentes ?

Face à cette situation, la manifestation réunie hier a permis de rappeler les principales revendications des associations et syndicats de soutien des migrants. En premier lieu figure la demande d’une décision immédiate du gouvernement de délivrer un permis de séjour humanitaire en faveur de tous les demandeurs d’asile en provenance de la Libye arrivés durant le décret d’urgence humanitaire.

D’autre part, est expressément revendiquée une solution digne et efficace pour l’insertion sociale des réfugiés engagés dans ce projet d’accueil afin d’assurer un parcours d’intégration viable pour ces populations. L’existence des centres humanitaires ne suffit pas, reste à assurer une sortie viable pour les demandeurs d’asile et réfugiés.

Un engagement réel des structures et organisations de soutien présentes sur le territoire pour définir des solutions concrètes de long terme à l’accueil et l’insertion des migrants, avec comme objectif de ramener le plus rapidement possible les migrants au sein du réseau SPRAR où leur prise en charge est assurée par des professionnels.

Pour l’instant, aucune réponse n’est parvenue de la part du gouvernement. Filippo Miraglia a d’ores et déjà prévenu, au nom de l’Arci, qu’en l’absence de réaction du gouvernement, les associations redescendront dans la rue jusqu’à obtenir une solution digne et de long terme pour ces migrants.



[1] Actuellement, le nombre de réfugiés politiques en Italie est de 58 000, et 34 000 demandes ont été déposées en 2011. A titre de comparaison, l’Allemagne accueille  600 000 réfugiés, la France et le Royaume Uni 200 000 chacun, la Suisse et les Pays Bas 85 000 et 75000. Ainsi en France, Pays Bas et Royaume Uni sont présents entre 3 et 4 réfugiés pour 1000 habitants, plus de 7/1000 en Allemagne, plus de 9 en Suisse et moins de 1/1000 en Italie. Source : Caritas e Migrantes, Dossier Statistico Immigrazione 2012, Idos Eds, 2012, p488.

[2] Le texte de loi officiel et ses diverses mises à jours sont présents sur le site de l’ASGI :  http://www.asgi.it/home_asgi.php?n=1550&l=it

[3] Voir l’appel de l’Arci à la manifestation :http://arci.it/immigrazione/immigrazione/dignita_e_diritti_per_i_profughi_martedi_30_ottobre_manifestazione_a_roma_in_piazza_del_pantheon_ore_14_1/index.html