Document sans titre
bando
>>> PROMOTION 9  


 Droits des étrangers
 Exclusion urbaine
 Media alternatifs
 Mobilisations citoyennes




 Alice
 Benoît
 Claire
 Clémence
 Elthina
 Johanne
 Justine
 Laura
 Lily
 Marie
 Martin
 Nadia
 Valérie


/ Carnet de bord  /

0 | 5 | 10 | 15

Quel espoir pour les petits paysans en Inde ?
14 janvier 2009 par Valérie

Dans le contexte de l’attaque terroriste spectaculaire de Bombay du 26 novembre 2008, l’information est passée pratiquement inaperçue dans la presse indienne. Pourtant elle témoigne de la situation dramatique, parfois désespérée, dans laquelle se trouve une grande partie de la paysannerie indienne.

Cette information, ce sont les derniers chiffres des suicides de paysans en Inde pour l’année 2007. Publiés par le National Crime Records Bureau (bureau national d’enregistrement de la criminalité, car en Inde le suicide est juridiquement considéré comme un crime), ils n’indiquent aucune tendance à la baisse de ce phénomène apparu dans les années 90 avec la libéralisation de l’économie indienne. En 2007, on a ainsi comptabilisé 16.632 suicides (17.060 en 2006), alors que depuis 1997 ce sont 182.936 paysans qui ont mis fin à leur vie, croulant sous le poids des dettes, devenus incapables de subvenir aux besoins essentiels de leur famille ou de payer la dot, généralement conséquente, pour le mariage de leur fille.

L’État du Maharashtra (dont Bombay est la capitale), et plus particulièrement sa région orientale du Vidarbha, s’avère le plus « touché » en termes absolus avec 4.238 suicides en 2007, soit 25 % des cas de l’ensemble du pays. Les cultures principales y sont le coton, le riz (paddy), le soja, et les oranges. Les suicides sont surtout survenus parmi les cultivateurs de coton mais, depuis quelques années, les cultivateurs de riz sont aussi concernés.

Les origines du désespoir des paysans du Vidarbha sont multiples, liées aux contextes local et global. L’une des raisons principales semble toutefois résider dans l’orientation libérale de la politique agricole du Gouvernement indien depuis 1991 avec, notamment, l’abandon des cultures vivrières pour les cultures commerciales (coton, soja) et l’ouverture aux semences transgéniques de coton Bt provenant des États-Unis, qui s’est avérée catastrophique pour les cultivateurs indiens : augmentation des coûts de production, utilisation intensive de pesticides, obligation de racheter chaque année de nouvelles semences. La baisse mondiale du prix du coton a frappé de plein fouet les petits paysans indiens alors que le coton américain, largement subventionné par le Gouvernement des États-Unis, s’est imposé en Inde, laissant la masse des paysans indiens dans une situation toujours plus dramatique.

Dans ce contexte, ces derniers n’ont reçu aucun appui à moyen ou long terme de la part du Gouvernement indien, qui a limité son aide à des ‘relief packages’ dont seule une petite partie des paysans endettés, ceux ayant emprunté auprès d’une institution financière, a pu bénéficier. Car l’endettement de la petite paysannerie est essentiellement informelle et se fait auprès des proches mais surtout des usuriers et gros propriétaires terriens, à des taux d’intérêt irréalistes.

Au niveau local, le Vidarbha souffre également d’une absence de politique de développement des infrastructures générales (routes, électricité) ou plus spécifiquement liées à l’agriculture (irrigation). L’une des raisons en est que la plupart des responsables politiques de l’État sont issus de la partie occidentale du Maharashtra, sur laquelle ils concentrent leurs efforts : la corruption, le clientélisme et le népotisme font en effet partie intégrante du système politique indien et entravent grandement les efforts et projets de développement.

Face à l’incurie de l’État, la planche de salut semble résider une fois de plus dans la volonté et l’initiative d’individus qui refusent l’inexorable et veulent croire en leur capacité d’action et de transformation. Dans la région du Vidarbha, le village de Girata (district de Washim) donne le ton [1]. Ici, les paysans ont décidé de se prendre en main en se convertissant en partie à la production laitière. Leur succès est tel qu’ils viennent de refuser fièrement l’aide d’urgence ponctuelle offerte récemment par le Gouvernement indien aux paysans endettés.

A l’origine de cette initiative locale se trouve Prakash Rathod. Professeur à l’université de Washim, il s’est inspiré d’expériences de collectifs paysans étudiées ailleurs au Maharashtra pour encourager les paysans de son village d’origine à se regrouper. C’est ainsi qu’en 2006, les agriculteurs de Girata, producteurs de coton fortement endettés, se sont réunis en un groupe d’entraide (Self Help Group) de vingt paysans pour lancer la « révolution » du lait. La Sevalal Maharaj Farmers a tout d’abord collecté 100 roupies par paysan et est parvenue à obtenir un crédit de 100.000 roupies (1500 Euros) auprès de la State Bank of India afin d’acheter deux buffles par paysan. La production quasi immédiate de lait leur a permis de rembourser rapidement cet emprunt à raison de 1.100 roupies par mois. Aujourd’hui le village possède 250 buffles et produit jusqu’à 500 litres de lait par jour, vendu au marché de Washim. La prochaine étape de ce projet est la diversification de l’offre avec la transformation des produits laitiers et l’achat d’un camion réfrigéré.

Cette initiative a permis aux paysans de Girata de s’assurer un revenu mensuel modeste de 5.000 roupies (80 Euros), en plus des revenus de l’agriculture, et d’épargner 100 roupies par mois, destinés au collectif. Les paysans et leur famille sont sortis de l’endettement, ils mangent à leur faim et ont désormais des revenus supérieurs à ceux perçus avec le coton.

De telles initiatives sont encourageantes en ce qu’elles montrent que la misère et le désespoir ne sont pas une fatalité. Elles n’en éclairent cependant que plus fortement les failles de la politique de développement de l’Inde qui crée un fossé croissant entre la minorité des riches, profitant des niches offertes par la libéralisation économique du pays, et la grande majorité des ruraux et pauvres urbains qui en font les frais.

Le secteur agricole est aujourd’hui dangereusement négligé alors que 60 % de la population indienne y travaille et que 200 million de paysans sans terre en dépendent. Dans un contexte global de crise économique, on peut penser que la stimulation de l’agriculture indienne, par le développement des infrastructures, l’accès au crédit productif à faible taux d’intérêt et le soutien du prix des denrées, est une condition sine qua non pour relancer durablement l’économie indienne et améliorer les conditions de vie d’une population majoritairement rurale.

[1] Cf. l’article de Jaideep Hardikar, ‘These Vidarbha farmers beat the debt trap’, DNA, December 28, 2008

Départ imminent pour le Maroc : à la découverte des droits économiques, sociaux et culturels marocains !
4 janvier 2009 par Justine

En cette nouvelle année 2009, je quitte les bureaux d’Echanges et Partenariats (EP) pour ceux de l’association marocaine, Forum des Alternatives du Maroc (FMAS).

Deux mois se sont passés au sein du Centre International de Culture Populaire (CICP). Deux mois à découvrir et intégrer les activités d’EP, au-delà de l’envoi de volontaires. Cela a été un moment d’échanges avec les autres volontaires, de rencontres avec d’autres associations et de réflexion sur le projet commun qui lie EP avec le groupe jeune du FMAS, Action Jeunesse.

Résultat. Ma mission se concentre sur deux axes. Le premier s’attache à valoriser le patrimoine culturel marocain via le montage de documentaires par les jeunes du FMAS. Le second consiste à poursuivre la campagne de plaidoyer, lancée par le FMAS, sur les politiques publiques destinées aux jeunes. Action Jeunesse a choisi d’appuyer son argumentaire sur les budgets alloués et les droits économiques, sociaux et culturels, domaine dans lequel je travaille depuis quelques années.

En cette nouvelle année, la période de transition se termine. Je me désengage de l’animation de la plate forme française des droits économiques sociaux et culturels (DESC) dans laquelle participe une trentaine d’associations françaises. Et, j’intègre Action Jeunesse qui souhaite orienter son travail vers la thématique des DESC. L’association considère les DESC comme un moyen pour revendiquer les droits des jeunes.

Mais qu’entend-on par droits économiques, sociaux et culturels ? Pourquoi semblent-ils intéressants pour les associations ?

Les droits économiques, sociaux et culturels font partie intégrante des droits de l’Homme. Inscrits dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, c’est en 1966, que deux Pactes des Nations Unies sont venus lui conférer un caractère obligatoire : le Pacte des droits civils et politique (PCP) et le Pacte des droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Aujourd’hui, 146 pays sont signataires du PIDESC, dont la France et le Maroc. Les DESC constituent un domaine important de revendications. Ils regroupent les principaux droits touchés par les effets pervers de la mondialisation et de la libéralisation accrue des échanges. Concrètement, ce Pacte concerne le droit à l’éducation, le droit à un emploi décent, le droit à un logement suffisant, le droit à un niveau de vie suffisant, le droit à la santé, etc.

L’intérêt de ce Pacte est qu’il est un véritable instrument juridique international. Ce qui signifie que l’Etat signataire accepte une série d’obligations juridiques qui lui imposent de respecter les droits et les dispositions contenus dans le pacte. De ce fait, l’Etat devient redevable devant la communauté internationale, devant les autres Etats signataires et devant ses propres citoyens. C’est pour cette raison que les associations peuvent se servir du PIDESC comme moyen de pression. L’intérêt est d’autant plus grand qu’un pacte additionnel a été accepté par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies. Il permet aux citoyens de pouvoir se retourner contre leur Etat lorsque leur droit n’est pas appliqué. Il reste maintenant aux Etats à ratifier ce pacte additionnel. Que de perspectives pour les associations !

En partant au Maroc, je quitte la dynamique des DESC en France pour découvrir les revendications de la jeunesse marocaine. Il ne me reste plus qu’à atterrir… découvrir et participer !

"Israël a le droit..."
29 décembre 2008
JPG - 26.1 ko
Place de la Nativité, 24.12.2008

Pour cet édito, j’avais prévu d’écrire un article sur Noël à Bethléem, sur les fêtes de fin d’année en Palestine. J’avais prévu de décrire les efforts que font les Palestiniens pour avoir l’air de se réjouir malgré leur lassitude face à l’occupation israélienne. J’avais prévu d’expliquer en quoi l’avenir de la Palestine et des Palestiniens est incertain et comme il est difficile, par conséquent, dans les Territoires Palestiniens Occupés de se souhaiter une bonne nouvelle année. Et puis, il y a deux jours, le 27 Décembre, vers midi, les forces aériennes israéliennes ont commencé à bombarder intensivement la Bande de Gaza. Hommes, femmes, enfants. Des centaines de blessés. Plus de 200 morts. En quelques heures. Et Israël affirme que ce n’est que le début…

« Droit de légitime défense », c’est ce qu’on nous répète dans les médias.

Israël a le droit de protéger ses citoyens des roquettes artisanales tirés par les Palestiniens.

Israël a le droit d’imposer un blocus quasi-total à un million et demi de civils sous prétexte que les dirigeants de cette population (élus démocratiquement) ne lui plaisent pas.

Israël a le droit de voler l’eau, l’électricité et des terres qu’il ne lui appartiennent pas, et cela depuis des décennies.

Israël a le droit de construire un mur de 8m de haut à l’intérieur d’un territoire qui n’est pas le sien et d’empêcher les déplacements de tout un peuple.

Israël a le droit de refuser que des produits de première nécessité entrent dans la Bande de Gaza.

Israël a le droit de refuser l’accès aux soins à des malades, de laisser des femmes accoucher aux check points.

Israël a le droit d’enfermer et de torturer des milliers de civils, sous le simple prétexte qu’ils sont Palestiniens.

Israël a le droit de tuer des civils, des enfants, des femmes, des vieillards.

Israël a le droit de se tromper de cible, de confondre un enfant avec un combattant armé.

Israël a le droit de ne pas respecter le droit international ni les conventions de l’ONU.

Israël a le droit de se défendre quand on l’attaque.

Mais les Palestiniens, eux, n’ont pas le droit de se révolter, de se défendre.

Les Palestiniens, eux, n’ont pas le droit de refuser qu’on les torture, qu’on les affame, qu’on les extermine !

Manifestation de soutien à Gaza - Ramallah 27.12.08 Depuis deux jours des manifestations ont lieux dans toutes les villes de Cisjordanie. Hormis l’Autorité Palestinienne, tous appellent à l’unité. L’AP a tenté à plusieurs reprises de confisquer les drapeaux du Hamas et même d’arrêter certains militants. La manifestation du 27 a Ramallah s’est terminée a la sortie de la ville, face aux soldats israéliens ET palestiniens. Les premiers ayant blessés 5 jeunes Palestiniens et les derniers ayant ordonné, a coup de matraques, aux manifestants de se disperser. Puis ils ont confisqué les cameras et appareilles photos de ceux qui prenaient des images de la scène.

Le peuple palestinien se retrouve donc seul contre tous : contre son occupant, appuyé par les puissances internationales, et contre son propre gouvernement.

Aujourd’hui, en Palestine, on s’attend au pire.

Depuis ce matin on ne cesse d’entendre les avions militaires israéliens et, au moment où je vous écris, les sirènes des ambulances palestiniennes retentissent : elles partent chercher les jeunes palestiniens que l’armée israélienne a punit pour avoir manifesté leur colère.

Sacrifices pour l’integration
22 décembre 2008 par Lily

Un de mes objectifs en venant en Angleterre était de voir si la convention de Dublin gérant les demandes d’asile au sein de l’Union Européenne avait les mêmes effets qu’en France : invisibilité (potentiels réfugiés cachés dans des jungles) clandestinité, répression policière ou administrative. Je ne m’attendais pas à trouver de jungle en Angleterre mais toutefois la jungle urbaine pouvait être la meilleure des planques pour celui qui ne trouve sa place nulle part. Assez vite mon numéro de téléphone a circulé. Assez vite on m’a questionnée : comment faire avec ses empreintes ailleurs ? Comment faire pour le frère, la sœur ? Assez vite on m’a donné le constat de quelques mois de clandestinité : « sans papier, je peux rien faire. Trop difficile. Pas d’école. Enfermé dans le pays » et puis, « j’ai peur de la déportation ».

Oui…La rétention administrative ici c’est la détention. Les retenus des « detainees » (détenus). Un centre de rétention dans le langage courant c’est « detention camp », même si ils ont de jolis noms, comme Campfield House. Pour une expulsion on reçoit une « removal letter »mais après c’est « i will be deported », « they are deported », « deportation »…

Heureusement que la plus part des retenus et des expulsés n’y voient, eux, aucun symbole.

Bref, je commence à vivre à leur rythme, au rythme de leur vocabulaire, de leurs inquiétudes, de leur totale méconnaissance du système anglais ou européen.

La majorité de ceux avec qui j’ai gardé contact sont d’origine érythréenne ou éthiopienne, autrement dit Habesha.

Etant donné que la curiosité culturelle, culinaire ou autre, est un luxe des sociétés vivant dans l’opulence, je me trouve assez vite coincée dans leurs habitudes. Comme eux, je mange « habesha », je bois « habesha », je sors « habesha »…. Dans Londres, le monde entier se côtoie mais chacun reste chez soi.

Il apparaît d’emblée évident pour eux qu’il faudrait que je prie « habesha »…

Ben oui, très croyants et très pratiquants, le fait que je sois athée est pour eux une aberration. Ce que j’ai fait pour eux en jungle n’a qu’une seule explication logique : je leur suis envoyée par Dieu. Forcément… Donc toujours par déduction logique, leur devoir est de sauver mon âme. Je DOIS croire. (Sur la même logique, s’ils réussissaient, obtiendraient-ils la rédemption tant attendue ? légalisation = rédemption ??)

Je ne sens pas particulièrement le piège venir, je suis simplement invitée à partager un moment de leur vie. Lorsqu’un dimanche 17h, j’entre dans une église pentecôtiste je me sens plus dans la peau d’un anthropologue que dans celle d’une brebis égarée… Erreur…

Je suis fièrement présentée au pasteur, ayant entendu parlé de moi par tant de gens depuis deux ans, il en profite pour enseigner à la petite assemblée de clandestins ou en cours de régularisation l’importance des « bonnes actions », et me fais un laïus de 5 minutes sur l’évidence du pouvoir de Dieu dans mon action altruiste. Ok. Why not ?

On m’installe au 2ième rang. Je ne verrai pas toute l’assistance, dommage. Et la messe commence. Je ne le sais pas encore mais j’en aurai pour 4 heures…

3 heures de chants. Magnifiques. Je ne comprends pas grand-chose, tout est en Amaric (principale langue éthiopienne), seulement « igzi habiir imezguen », grâce à Dieu. Scandé par une femme à la voix envoûtante. Mais au bout de la centième fois, ça me fait l’effet d’une incantation. Les deux rangées de chanteurs et chanteuses derrière elle ponctuent en chœur « Amen ! » chacun de ses mots. 3 heures de chants, à regarder les chanteuses comme l’assemblée –j’oserai jeter un coup d’œil de temps en temps- se plier de douleur en pensant… à Dieu ! Je reste debout tout ce temps là, placée près des haut-parleurs, je ne peux rater aucun rythme, à un moment même, j’ai cru me sentir en transe, comme eux. A la suite de ça, on se calme un peu et on laisse la place au pasteur, qui lui, va déverser un flot de paroles, hurlant dans le micro, pendant plus d’une heure.

Pour ne pas me faire rater une miette de ce qu’il se passe et surtout par souci d’accueillir l’hôte comme il se doit, la chanteuse principale est allouée à mes services comme traductrice. Après avoir vérifié que j’étais née chrétienne, elle m’ordonnera de prier, « même dans ta langue, ça marche », de répondre aux injonctions du pasteur, elle me broiera la main à chaque amen. Pendant plus d’une heure, le pasteur nous apprendra à penser (…). Le « programme », c’est ainsi que la leçon du jour s’appelle, nous enseigne qu’il y a des gens qui ont l’air de mouton mais qui au fond d’eux sont des loups, qu’il faut donc se méfier. 1 heure.

Puis prière commune. 1 heure ? J’en sais plus rien, j’en peux plus, j’ai perdu la notion du temps.

Les prières communes sont dédiées à…l’économie ! Au moins une heure à beugler dans le micro « Economia ! Economia ! Prions pour l’économie de ce pays ! Economia ! Economia ! Prions pour ceux qui perdent leur job ! Prions mes frères pour ceux qui n’ont pas assez d’argent pour vivre ! Prions pour ce pays ! Prions pour United Kingdom ! Economia ! Economia ! »

Amen, amen, amen.

Il croise mon regard, se rappelle l’objet de ma présence, alors vite fait, il place « Prions pour ceux qui sont en difficulté et qui n’ont pas de papiers… donc qui n’ont pas de bon boulot et pas assez d’argent ! »

Amen.

Le capitalisme en pleine crise d’hystérie.

Halleluia.

C’est la fin. Je suis sourde. Je ne trouve aucune traduction anglaise pour « ha ben oui alors hein ! Ça m’a bien plu ! », d’autant plus qu’ils lisent en moi comme un livre ouvert, surtout ceux qui avaient déjà tenté de me convertir sous une toile de tente d’une jungle ch’ti.

Je m’enfuis, m’interrogeant : si les offices de Dieu sont aussi débordés que ceux de l’Immigration, que reste-il pour leur venir en aide ?

A mi-chemin je suis rejointe par Mengs, petit clandestin, squattant la chambre d’un ami, débouté du droit d’asile, il doit s’enfuir chaque matin avant l’arrivée du directeur, et ne pas y arriver avant la nuit. Ce foyer est à plus de deux heures de bus des petits boulots que la boîte d’intérim lui indique le matin pour l’après midi, ou la veille pour le lendemain. Il se promène toujours avec son sac à dos, en quête d’un meilleur endroit, habité de préférence, pour retrouver un peu de cette vie sociale à l’africaine. Je sens bien qu’il a besoin d’un coup de pouce. Arrivée à la maison, je lui confie mes impressions laïcardes sur cette messe, il me fait remarquer que seul Dieu peut les aider et dans la foulée, que mon appart n’est pas très bien rangé. Quand je me sers un café, il me fait remarquer que dans sa culture je devrais lui servir à manger ou à boire, lui demander comment il va et ce qu’il va faire ce soir, que je suis comme sa mère, puisque la sienne est très loin je dois être sa mère, que je dois l’aider pour les papiers, que je dois prendre soin de lui au quotidien. Quand, vexée, je lui fais remarquer que je ne suis pas assez vieille pour être sa mère, il rectifie « Lily haftey », Lily ma sœur.

J’en peux plus, tout ça en une journée, le sacrifice pour mon intégration flirte avec mes limites.

Je lui rétorque : « dans ma culture, on dit : aide toi car Dieu ne t’aidera pas ».

Et j’ajoute en riant « les femmes non plus ! ».

La frontière haïtiano-dominicaine zone de non droit et de transite de marchandes
17 décembre 2008 par Marie

L’avant première du documentaire Pasaj a eu lieu ce lundi 15 décembre à la Fokal [1], suivi d’un débat portant sur les conditions de vie des marchandes à la frontière entre Haïti et la République Dominicaine.

Ce documentaire présente les conditions de vie principalement d’Anise Jean-Pierre et Rosette Santana, figures représentatives des femmes qui travaillent sur les marchés frontaliers. « Les femmes représentent 70% des personnes qui participent aux échanges commerciaux binationales », informe Colette Lespinasse, coordonnatrice du Groupe de Rapatriés et Réfugiés (GARR).

Ces marchandes achètent en gros ou en détail des biens qu’elles vont revendre en Haïti afin de subvenir aux besoins de leur famille dont elles ont le plus souvent à elles seules la charge.

Ce sont également elles qui effectuent la circulation des richesses afin de permettre au pays de fonctionner.

La frontière qui sépare Haïti de la République Dominicaine s’étend sur environ 380 kilomètres de long. C’est un espace important d’échanges essentiellement commerciaux entre ces deux pays qui partagent la même île. Aujourd’hui, des échanges binationaux s’effectuent sur 8 points de la frontière et ce au minimum 2 fois par semaine.

En République Dominicaine il existe des marchés établis à chaque point frontalier tandis qu’en Haïti, étant donné que le commerce se fait le plus souvent de manière informelle, il n’existe aucune structure à la frontière pour permettre aux marchandes haïtiennes de travailler dans de bonnes conditions.

En mettant en perspective les problèmes auxquels les marchandes sont confrontées, ce documentaire donnent la parole à ces femmes de l’ombre qui effectuent régulièrement des allés et venues entre les deux pays dans des conditions violentes.

Elles sont livrées à elle-même sans aucun regard des autorités sur ce qu’elles font pour vivre, sans aucune loi régulatrice, pour ainsi dire, sans aucune protection physique et morale.

Ainsi, ces femmes sont victimes de plusieurs formes de violence soit au marché où elles vendent, ou alors de la part des représentants de l’ordre des deux pays.

« Il est interdit de frapper les dominicains ou les haïtiens même avec la « bouche » car des images peuvent êtres prises à tout moment et à notre insu, explique un commandant des forces de l’ordre dominicaines dans une des séquences du documentaire. D’autres images mettent en scène des policiers haïtiens frappant à coups de bâton leurs compatriotes pour les obliger à s’aligner avant de franchir la frontière.

Une certaine solidarité s’établit cependant entre les deux peuples. Dans une séquence du reportage, un commerçant dominicain cache dans sa boutique la marchandise d’Anise pour éviter qu’elle ait des problèmes.

Après cette projection-débat à laquelle une soixantaine de participantes et participants ont pris part, Colette Lespinasse présente un certain nombre de recommandations s’appuyant notamment sur les propos tenus par les marchandes interrogées dans le documentaire.

« Il est urgent de construire une branche du marché en Haïti, d’assurer la sécurité, de fixer les taxes pour éviter les abus et les discriminations, d’effectuer un contrôle des marchandises et des flux de personnes aux frontières du pays ».

Selon Colette les autorités doivent mettre en place de meilleures conditions d’hygiène avec la construction d’un dispensaire et la mise en place d’un système de ramassage des ordures pour éviter que les villes se transforment en dépotoir.

Elle préconise aux parlementaires de voter des lois et aux autorités de passer des accords avec la République Dominicaine tout en s’assurant de leur respect, pour en finir avec les abus commis à la frontière.

Elle recommande aussi la création de plusieurs consulats pour qu’il y ait une représentation légale de l’Etat, car « la majorité de la violence perpétrée sur les haïtiens/nes s’exerce en République Dominicaine ».

Cette projection a été organisée par le GARR dans le cadre de la semaine d’activités en solidarité avec les migrants qui se déroule du 12 au 18 décembre. Ce documentaire a été réalisé notamment avec la participation du Groupe Médialternatif (GM) et le support financier du fond Kore Fanm de la coopération canadienne.

C’est la deuxième fois que GM présente un film publiquement, qui s’inscrit dans le cadre de leur travail de promotion et de défense du droit à la communication.

[1] La Fondation Connaissance et Liberté

0 | 5 | 10 | 15



  Angleterre
  Brésil
  Espagne
  Grèce
  Haïti
  Inde
  Maroc
  Palestine
  Pays-Bas
  Turquie