Asile en Angleterre, mode d’emploi. Petit résumé de votre situation de départ...Imaginez que vous êtes à des milliers de Km de chez vous, ce qui implique à des années lumières de tout ce qui vous était familier : de votre langue, du système d’organisation de votre société que vous connaissiez sans jamais l’avoir appris, des connaissances et compétences innées qui sont propres à votre culture (comme à qui faire ou ne pas faire confiance, ne jamais trop parler pour éviter la répression, où aller pour trouver de l’aide à n’importe quel niveau…) bref loin de toutes ces petites choses dont on a pas conscience quand on est chez soi, dans son monde à soi, comme nous en France et plus particulièrement aux alentours de Calais. Vous êtes donc là au milieu des détritus d’un squat calaisien, coupé de toutes sources objectives d’information et par le plus grand des miracles une rencontre, une conversation, un détail vous rappelle que vous êtes en France et qu’avant d’atteindre ce cul-de-sac sans foi ni loi, la France avait une certaine aura, un rayonnement, que possède toute société « éclairée » ou « développée » comme il est courant de dire maintenant. Je précise « par le plus grand des miracles » car bien des migrants les plus fragiles dans les jungles de Calais ne savent même pas qu’il y est possible de demander l’asile… Doté d’une force de caractère hors du commun, vous osez vous détacher du groupe auquel vous vous sentez appartenir, venant du même pays, ayant connu les mêmes peurs et les mêmes rêves, parlant la même langue, et vous vous décidez à demander l’asile dans le Pas de Calais, malgré les ouï-dire de votre communauté qui fuit cet endroit, malgré les velléités policières pour vous pousser toujours plus loin (tant que c’est pas en France..) et malgré les encouragements des passeurs pour vous pousser toujours plus loin (tant qu’il y a de l’argent..). Police, mafia, même combat ? bref…passons… Alors il vous faudra braver de menus obstacles pour quelqu’un natif de la région, mais ô combien périlleux et pour vous qui venez de si loin et pour qui tout ce nouveau monde semble si opaque – rappelez-vous bien le contexte : vous ne parlez pas un mot de cette langue, vous ne connaissez presque personne ou alors quelques jeunes étranges bénévoles d’association dont vous ne comprenez pas le but puisque vous et vos compagnons de route êtes illégaux, depuis le début du voyage vous avez toujours été chassés, et que tout le monde avait soit peur de vous, soit peur de vous aider, soit envie de vous voler les économies de toute une famille. Il vous faudra alors avoir confiance en quelqu’un (…) et le suivre jusqu’à un lointain lieu, dans des bureaux peu accueillants, où vous n’aurez pas tellement l’occasion de suivre les conversations qui pourtant vont peut être tout changer à votre vie. Puis si vos empreintes digitales ne sont pas claires pour cause de semaines, voire de mois d’errance à la rue, clochardisé par obligation, votre dossier d’asile ne pourra être ouvert, on vous laissera repartir sans explication, sans possibilité de logement, sans accompagnement dans cette nouvelle société, juste un retour direct à la jungle. De même si vous arrivez dans une période d’accroissement des demandes d’asile, même si l’ouverture de votre dossier d’asile ne pose aucun problème administratif, il vous faudra attendre plusieurs jours voire plusieurs semaines, dans une jungle, exactement comme du temps où vous étiez illégal, ou avec un peu de chance on vous trouvera une place dans un foyer de sdf, sans considérer le choc des cultures, votre ignorance des troubles liés à toutes sortes d’addictions, ou vous considérant comme quelqu’un de difficilement « insérable » dans la société. Merci pour l’accueil. Vous repasserez...Comme la majorité des migrants dans le calaisis, vous reprendrez la route, très certainement. Bref , il est à noter que la plupart des migrants que j’ai rencontrés sur les diverses jungles, avaient comme premier argument pour avoir quitté l’Italie ou la Grèce (premiers pays d’entrée dans l’UE, donc là où ils auraient dû rester selon Dublin 2) qu’ils vivaient à la rue, ou dans des squats avec des alcooliques et des toxicomanes. Certains m’expliquaient, choqués, que c’est à Rome, la première fois qu’ils avaient découvert la toxicomanie et également différents types de prostitution, notamment des hommes. Alors à chaque fois ils continuent leur route vers un ailleurs. Meilleur ? Grèce-Italie, Italie-France, le tout à nouveau poussé vers l’Angleterre. Alors l’Angleterre = eldorado, c’est une création naïve des miséreux du tiers-monde ou une construction, par défaut, confortable pour/de ses voisins européens, afin de mieux se débarrasser du fardeau moral de protection des peuples ? Et l’asile en Angleterre, qu’est ce que ça cache ?Lorsque vous pénétrez sur le sol Anglais, si vous êtes pris au port de Douvres, ou dans un aéroport, vous serez reçu pour ce qui s’appelle une « screen interview » par un agent des services d’immigration. Si l’on vous trouve dans le camion à n’importe quel endroit du territoire, la police, si appelée par le conducteur, s’occupera de vous jusqu’à l’arrivée de ces services. Si vous êtes déjà sur le sol anglais sans avoir été « découvert », vous devez vous présenter au plus tôt dans un des deux pôles des services d’immigration : Croydon (sud de Londres) ou Liverpool, pour répondre aux questions de la « screen interview ». "screen interview"Ce premier entretien permettra de collecter les informations vous concernant et d’ouvrir votre dossier de demande d’asile si l’on juge que votre demande est fondée. C’est là qu’il faudra ou non préciser vos liens maritaux ou l’existence d’un partenaire et de descendants, ces personnes devant dépendre de vous financièrement, si vous espérez un quelconque rapprochement familial. Toute omission ou oubli peut être fatal pour prouver vos liens avec votre famille encore au pays ou en cours de voyage ou présente ailleurs en Europe. La présence d’un traducteur est quasi automatique si vous en avez besoin pour ces premières questions de base. Selon les témoignages, il est assez habituel pour les demandeurs d’asile de ne pas donner toutes les informations sur leur famille, par manque de confiance envers les autorités (rappelons qu’ils ont quitté leur pays la plus part du temps par manque de droit ou de liberté, alors la confiance n’est pas innée), par peur (si un membre était refusé, peut être que toute la famille le serait…), par volonté de mettre toutes les chances de leur côté. Ex : X et Y, que je sais mariés, présents en novembre dans la jungle de Norrent-Fontes, m’accueillent dans le centre pour demandeurs d’asile de Croydon, début décembre, au cours de la conversation j’apprend que X sait déjà qu’il sera envoyé à Bolton, logé dans ce qu’ils appellent « sharing room » mais que Y, enceinte de 4 mois, va rester sur Londres, dans le centre de Victoria. Je m’étonne, alors Y me précise : « tu sais, on n’a pas dit qu’on était marié, parce que si seulement l’un d’entre nous échoue, ça entraînerait l’autre. On se donne toutes les chances. » X interrogé peu après me rassure : « c’est juste une question de mois, ne t’inquiète pas, après on sera de nouveau ensemble. Et puis on a vu pire. C’est pas cher payé pour se stabiliser convenablement après »… Ex : Z, érythréenne, célibataire, a inscrit son plus jeune frère comme étant son mari, dans le cas où celui-ci serait appelé pour le service national (conscription obligatoire, illimitée, non salariée), elle espère alors lui éviter la mort dans le désert libyen ou la mer méditerranée, ou comme elle, de perdre 3 ans et beaucoup d’argent pour arriver sain et sauf par d’autres voies. Ex : W, érythréenne, arrivée avec son frère, ils ont tous les deux caché leur lien familiaux, le frère étant en train de sombrer peu à peu dans la folie, suite à un emprisonnement qu’il dit arbitraire en Italie, où il a été violé pendant plusieurs mois par les co-détenus, lui qui, venant d’un petit village érythréen, « n’avait même pas connaissance que des rapports sexuels entre hommes pouvaient être possibles ». Elle a eu peur que ses propos mystiques et incohérents jouent en leur défaveur, elle est donc obligée de l’abandonner petit à petit, le personnel médical anglais, gérant l’anorexie de son frère, ne lui accordant pas de crédit puisqu’elle n’est « personne » officiellement pour lui. Précision : le frère, malgré ses empreintes en Italie, a quand même demandé l’asile, comme tous les autres, il essaie, mais surtout, l’ambiance de ces dernières semaines tend à montrer que sa maladie mentale est devenue comme un dernier espoir d’être autorisé à rester, il pèse maintenant à peine 40 kilo. Rappelons également que les liens de fratrie ne comptent pourtant pas dans un rapprochement familial. Vous pourriez avoir tous vos frères et sœurs en Angleterre, si vous avez été fiché en Italie, vous ne pourrez prétendre à un rapprochement familial à moins que de prouver qu’ils sont votre seule famille (documents à l’appui, bien difficiles à se procurer, si loin, après s’être échappé, et venant de pays où l’état civil n’est pas à jour, ou simplement si les services d’immigration n’ont pas envie d’accorder de crédit aux documents que vous apportez. C’est bien connu, en Afrique, au Moyen-Orient, tout s’achète, tout se fabrique). Résultat de ce premier entretien : la biométrie :Lors de cet « screen interview » on prendra vos empreintes digitales, votre photo et vos caractères physiques, pour, selon les services d’immigration, éviter les fraudes ou les multiples demandes d’asile. Et l’on vous donnera une carte, ARC « application registration card », en quelque sorte une première étape avant la carte d’identité pour étranger, la seule catégorie de gens obligée de présenter à tout moment un papier d’identité au Royaume Uni. Si vos empreintes ne sont pas claires ou si on a trouvé trace de votre passage ailleurs sur le sol européen, ou l’existence d’une précédente demande d’asile, vous serez généralement envoyé en rétention le soir même, mais il arrive assez souvent que l’on vous accorde un logement, une carte de demandeur d’asile, l’allocation d’attente, puis un jour, généralement suite à un entretien avec les services d’immigration, ou lors d’une convocation, on vous arrêtera et enverra en rétention, le temps d’organiser votre expulsion vers le premier pays d’entrée en Europe ou vers votre pays d’origine si votre demande d’asile est jugée infondée. Centre d’accueil, règlement et conséquences :Si l’on ne trouve pas vos empreintes, ou si vos doigts sont « lisibles », le soir même vous serez envoyé en centre d’accueil pour demandeur d’asile, appelés ici « hostel ». Généralement de gros building, plus ou moins bien entretenu, mais pour ceux que j’ai visités, convenables, ils peuvent être mixtes, comme celui de Croydon, considéré comme un centre d’attente avant de trouver des places ailleurs, ou non mixtes pour ceux où les demandeurs passeront plus de temps (c’est le cas pour ceux de Londres, les places en logement social dans la capitale étant chères, beaucoup de réfugiés statutaires autorisés à y rester pour études ou raison particulière, sont toujours logés dans ces centres, avec les demandeurs encore en cours de procédure.) Logé en chambre de deux personnes, partageant toilettes et salle de bain avec une seule autre chambre, comme à croydon, ou avec tout l’étage comme à l’hostel de Victoria, vous devrez signer tous les matins un registre, si vous manquez vous serez viré du centre et considéré comme « go underground », fondu dans la masse de clandestins. Vous devez être rentré avant 23h le soir et toutes visites après cet horaire sont interdites , si vous êtes dans un hostel non mixte vous ne pouvez en aucun cas, même la journée recevoir de visite du sexe opposé. Tout manquement au règlement vous expose à une exclusion du système de logement, qui sans explication fini par une exclusion du système d’asile, NAM. Ex : A, demande l’asile pour la troisième fois, après deux expulsions vers l’Italie, après deux changements de nom, et diverses tentatives pour faire disparaître ses empreintes, se décide à jouer carte sur table au bout de 4 ans d’errance, de clandestinité mais donc d’indépendance, et d’expliquer son comportement . On lui laisse une chance, le place en hostel. Un samedi soir il est trouvé avec sa petite amie anglaise dans sa chambre, fichu dehors il passe la nuit chez des amis, ne revient que tard le lendemain, donc sans avoir signé le registre, il est viré du centre. A ce moment il ne comprend pas que cela peut influer sur son dossier, qu’il aurait fallu qu’il prenne contact avec son « case owner » (voir plus bas). Il se débrouille seul, de toute façon il n’a pas confiance, il a trop peur d’être renvoyé à nouveau en Italie, il reprend un appart, sort du système. Il n’a pas compris qu’il pouvait préciser qu’il n’avait pas besoin du système social, qu’il préférait se prendre en charge. Ce qui lui vaudra d’être enfermé en centre de rétention plusieurs mois, soupçonné de « dishonnesty » et son dossier oublié. Lors de ma visite dans le centre de Croydon début décembre, je rejoins tout un groupe passé seulement quelques jours après mon arrivée en Angleterre, déjà prévenue par ceux restés au camp, je ne suis pas surprise quand ils m’appellent, mais on s’amuse tous de la situation. Après bien des difficultés à les localiser, ils ne savent pas encore s’orienter en ville, ni même trouver sur un plan sa localisation ou encore se déplacer en bus ou en métro, c’est donc moi qui les rejoins, directement dans le centre. Bien que la présence de non résidents soit interdite, j’entre facilement et je découvre les lieux, disons une résidence universitaire des années soixante-dix la place des bureaux en moins. Tous sont là, un peu gêné de me recevoir chichement, des gosses courent dans les couloirs et viennent en curieux voir « la blanche qui a des amis ici », je ne pourrai pas réellement tout visiter, ils ont, je crois, honte. Pourtant, à moi, ça me semble bien mieux que la jungle… avaient-ils imaginé autre chose ? Oui. « Tu vas rire, mais on regrette la France. C’est pas du tout comme on l’avait espéré ici. C’est moche et sale. Et puis les gens ne sont pas sympas. » « Je ne saurai pas te dire à quoi je m’attendais, mais je pense aller aux USA » « j’ai fait une connerie, j’avais tellement d’ami en France, j’aurai dû rester, mais tout le monde va en Angleterre ! Tu me ramènes dans tes bagages ? » J’ai un peu de mal à suivre, car y’a pas grand chose qui me choque dans cet hostel. [1] Le “Case Owner” :Durant les premiers jours de votre demande d’asile, à la suite de cette screen interview, il vous sera désigné un « case owner » (un propriétaire de dossier). Cette personne, homme ou femme, selon la possibilité ou selon votre demande, va être la seule et unique personne gérant votre demande d’asile du début à la fin, vous transmet les documents dont vous avez besoin, représente la UK Border Agency en cas d’appel de la décision de votre part. C’est notamment elle qui vous interrogera et qui statuera sur votre demande et qui doit faciliter votre intégration à la vie britannique et vous fournir tout ce qui vous est dû selon votre statut (logement, allocations). C’est elle aussi qui devra gérer votre mise en rétention et votre retour volontaire au pays ou votre expulsion par la force si vous refusez la décision de rejet du droit d’asile et que vous êtes éligible pour une expulsion du Royaume Uni. Vous la rencontrerez normalement 2 fois : la première pour vous faire expliquer la procédure d’asile, les aides dont vous pouvez bénéficier, comme d’une assistance juridique dans certain cas (seuls les avocats payés par vous peuvent être automatiquement autorisées à assister à l’entretien pour votre demande d’asile), la possibilité d’avoir un traducteur, les obligations qui vous incombent (toujours rester en contact avec les services d’immigration et votre agent désigné, apporter tous documents prouvant votre identité et vos craintes en cas de retour au pays). C’est aussi à ce moment là que vous pouvez préciser vos besoins particuliers (personnel exclusivement féminin, aide médicale, psychologique…) Il est à penser que la méthode utilisée pour expliquer la procédure ne doit pas être adaptée au public, puisqu’il ressort de la plus part de mes entretiens avec les demandeurs d’asile, les réfugiés statutaires ainsi que les « hors procédure » donc clandestins, montrent une assez mauvaise connaissance du système et surtout se retrouvent bien souvent confrontés à la rétention ou une très longue attente avant réponse, justement parce que n’ayant pas compris, ils n’ont pas respecté les termes du contrat moral passé avec l’immigration. De la même façon, ils n’ont, pour la majorité, rencontré leur case owner qu’une seule fois, cette explication du système « aurait » été faite lors de la screen interview, en même temps que tout le reste. La deuxième fois sera pour la « big interview », où vous devez être en mesure d’expliquer le plus « sincèrement » possible votre situation, si vous avez déjà demandé l’asile ailleurs ou en Angleterre, si un mensonge est détecté cela peut stopper net la procédure. Vous devez apporter les documents demandés lors de la première entrevue, si vous avez dit pouvoir les fournir. Aucun délai n’est accordé. Si votre accompagnateur juridique (pourvu grâce à une aide juridictionnelle d’état) n’était pas agrémenté pour vous assister à ce moment là, vous pouvez demander à ce que l’entretien soit retranscrit. Il existe effectivement plusieurs types d’aide légale, ceux que l’aide juridictionnel peut vous fournir, ne sont pas tous agréés pour être présents, il vous faudra alors en trouver un par vos propres moyens (financiers et surtout culturels ou intellectuels). Selon les témoignages, tout se joue en fonction de cet agent, l’opinion qu’il se fera de vous donnera une réponse positive ou négative à votre demande d’asile et également la rapidité à laquelle décision sera prise, délai pouvant aller de quelques semaines à plusieurs années selon les cas, malgré les nouvelles lois de 2007, NAM, qui prétend organiser la 2ième interview une semaine après la screen interview et une réponse dans le mois qui suit. La plus part des érythréens interrogés ont eu une réponse quelques mois après la « big interview », mais j’ai rencontré deux femmes du Zimbabwe qui attendent depuis 6 ans en tout, deux ans depuis le dernier appel, le tout sans autorisation de travail, obligation de signer chaque semaine( voir plus loin), nécessité de ne vivre qu’à l’aide des allocations. Ex : B, érythréen, 29 ans, parlant couramment l’anglais dès son arrivée, m’explique la relation qu’il a entretenue avec la femme responsable de son dossier : « l’entretien (big interview) a été très agréable, tout s’est bien passé, elle m’a apprécié dès le début, c’était plus une conversation usuelle qu’un interrogatoire, dès la fin de l’entrevue elle m’a fait comprendre que je n’avais pas à m’inquiéter, et qu’elle me préviendrait elle-même de sa décision. Quelques semaines après, elle m’a rappelé pour me dire que j’avais réussi et que j’obtiendrai l’asile pour 5ans. Et elle m’a dit qu’elle aimerait bien me revoir, qu’elle m’avait trouvé marrant et très sympa. Deux semaines après je recevais par courrier la lettre officielle et mes papiers. » Connaissant très bien B. je ne suis pas surprise, c’est un dragueur invétéré, mais se pose la question de tous les autres bien moins charismatiques…comme une gamine croisée à un arrêt de bus de Salford, Manchester, qui vient juste saluer Z. que j’accompagne, ne me regarde pas, ne me dit pas bonjour, ne répond pas quand un homme lui demande son chemin, ne se pousse pas du passage qu’elle obstrue, je ne suis plus non plus surprise quand Z. me précise qu’elle a été déboutée. Logement et allocation d’attente :Comme dit précédemment, pendant tout ce temps vous serez logé : en centre d’accueil les premiers temps ou dans de petites maisons où vous aurez votre chambre et où vous partagerez les pièces communes avec d’autres demandeurs d’asile. Ces maisons sont quasi toutes les mêmes, les traditionnelles « bow window », deux salons, parfois l’un d’entre eux a pu être transformé en chambre, une cuisine, une salle de bain, moquette partout, arrière cour, le tout plus ou moins propre ou entretenu, tout dépend de la dernière rénovation. J’ai donc à peu près tout vu en quelques semaines : de la vieille maison, sans chauffage, crade et pas entretenue, au petit palace, décoré, fraîchement rénové, allant de trois personnes à 6 voire 8. Pendant tout ce temps là vous toucherez une allocation de 42,16 £ par personne. Il y a bien sûr des variantes selon votre situation maritale, avec enfants à charge, en cours de grossesse etc. etc.… A chacune de ces étapes, vous vous devez de signer chaque semaine, chaque jour ou chaque mois, selon ce qu’aura décidé votre case owner, soit au poste de police le plus proche, soit au bureau du Home Office, l’équivalent de la préfecture française, tout le temps où aucune décision n’a été prise quant à votre demande d’asile. La Rétention :Tout manquement à cette règle peut vous soumettre à la détention. Mais vous étiez prévenu... : “If you do not stay in contact with your case owner and report to us as you have been instructed, your support may be stopped and you may be detained in a secure centre.” Tout respect de cette règle peut également vous soumettre à la rétention…. Plusieurs de ceux que j’ai connu sur Norrent-fontes, qui n’ont pas cherché à fuir, qui ont signé comme on leur a demandé, ont après quelques semaines été placés en rétention pour raison « d’empreintes insuffisamment claires ». On demande également de signaler tout changement de situation ou toute volonté de se défaire du logement ou de l’aide financière apportée par le home office, en passant par son case owner. Il semble que cette règle, soit échappe à beaucoup, soit peut être appliquée depuis peu (la dernière rénovation du système d’asile date de 2007) car ceux que je connais, qui sont en errance depuis 2004 ou 2005, n’ont pas l’air de savoir à qui s’adresser, ils sont surpris quand je précise qu’ils pourraient se débrouiller autrement que d’être contraint à signer tous les jours dans un centre, sans pour autant entrer en clandestinité, de la même façon, quand je leur demande quel est leur case owner, ils ne peuvent me répondre. Tout cela sans compter la méfiance réciproque entre eux et le home office ou leur case owner. Tout exilé errant depuis quelques temps en Europe, du fait de Dublin 2, sait qu’il peut à tout moment être emprisonné en Angleterre, cela leur parait comme une fatalité, une honte (un de mes amis n’a dit à personne qu’il était retenu et m’a demandé de ne rien dire, jusqu’à ce que je lui fasse remarquer que la honte revenait à ceux qui l’enfermaient sans raison et que malheureusement en Angleterre personne ne pouvait se vanter de n’y être jamais allé ou de ne jamais y mettre les pieds un jour). De la même façon le case owner changeant à chaque clôture de dossier (décision négative, expulsion, réadmission en pays tiers) ceux qui errent depuis longtemps ont peu de chance d’avoir quelqu’un qui connaît leur dossier et donc pourrait (dans un monde idéal) comprendre leur méfiance et les raisons qui les poussent à inventer des histoires acadabrantesques pour justifier leurs « erreurs » face au système. La rétention n’ayant pas de limite dans le temps, ni même besoin d’être décidée par un juge, sa pratique et ses conséquences méritent une attention toute particulière lors d’un prochain article. [1] texte en doc joint. |
|
|||||
|
||||||