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Maroc / Droits des étrangers /

Quand Houria redevient Sandra ou la quête d’un père sans papier au Maroc pour récupérer son enfant.
8 février 2009 par Nadia

Cette brève a pour objet d’évoquer (succinctement) une situation juridique compliquée parce qu’impliquant différents acteurs (justice marocaine, orphelinat, ambassade) et relevant différentes carences dans l’assistance des ambassades à leurs ressortissants et dans l’accès à la Justice.

C’est la naissance d’une petite fille : Sandra. Le père est là mais en situation irrégulière. La mère décède en couche avant de pouvoir établir l’acte de naissance.

Cette brève a pour objet d’évoquer (succinctement) une situation juridique compliquée, impliquant différents acteurs (justice marocaine, orphelinat, ambassade) et révélant différentes carences dans l’assistance des ambassades à leurs ressortissants et dans l’accès à la Justice au Maroc.

C’est la naissance d’une petite fille : Sandra. Le père est là mais en situation irrégulière. La mère décède en couche avant de pouvoir établir l’acte de naissance.

L’acte de naissance est établi par l’ambassade au nom de Sandra … Le père est là mais son nom n’apparait pas.

Vivant maritalement, les deux concubins [1] ne sont cependant pas mariés. La paternité est à prouver...

L’enfant est placé en orphelinat... et est désormais appelé "Houria" [2].

Le rôle de l’ambassade

La reconnaissance de paternité est du ressort de cet Etat mais les ressortissants concernés sont sur un territoire étranger... où le "problème" migratoire concernant les subsahariens focalise sur la lutte contre l’immigration/émigration clandestine et la traite des être humains.

Sous l’autorité du chef de mission diplomatique [3] la mission consulaire est chargée d’assurer une mission générale de défense et de protection des intérêts du pays et de ses ressortissants, ainsi que d’une mission d’information et d’appui à la mission diplomatique dont elle relève. Elle est chargée notamment des questions relatives à l’état-civil et à l’émi-immigration, de la transmission et de l’exécution des actes judiciaires (commissions rogatoires, etc...), de l’assistance et de l’encadrement des ressortissants, notamment des mineurs et des incapables.

Avoir recours à son ambassade pour être assisté, lorsque l’on est en situation administrative irrégulière, implique de se signaler, d’être localisé, identifié et de courir le risque d’être plus facilement reconduit dans son pays d’origine en cas d’arrestation par les autorités marocaines (parce que connu). Différents ambassades subsahariennes collaborent au programme d’"aide aux retours volontaires" de l’OIM (Organisation Internationale de la Migration) [4].

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Quelques informations concernant le programme de l’OIM Maroc

De plus, certaines ambassades africaines interviennent parfois pour le rapatriement de leurs compatriotes "clandestins", comme cela fut le cas en 2005 [5]. "Il faut savoir qu’ils sont des milliers à squatter ainsi au Maroc. Le problème a donc été pris à bras le corps et il s’agit de rapatrier le plus possible de clandestins", expliquait en 2005 Mougnol à Mougam, le Premier secrétaire à l’ambassade du Cameroun à Rabat au Maroc [6].

Sans papiers mais pas sans droits

Le père est là et entreprend tout de suite des démarches pour la reconnaissance de sa paternité et se fait connaître des différents intervenants. Celui-ci craint que "Houria" soit adoptée.

Il demande l’assistance de son ambassade qui ne lui est d’abord pas accordée. L’ambassade n’en a-t-il pas les moyens ? La volonté politique ?

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Quelques références de conventions internationales

Le père passe en audience devant le Juge des tutelles marocain… la paternité ne lui est pas contestée. L’audience s’est déroulée en arabe. Le Juge lui accorde une autorisation temporaire de visite mais l’assistance de l’ambassade, sous réserve de certaines démarches et de papiers à fournir, est nécessaire ! Les liens se tendent entre le père et l’ambassade.

L’enfant a maintenant 2 ans et demi. Le père est toujours là et poursuit ses démarches pour récupérer son enfant. Mais le père n’a toujours pas de papiers et ne peut plus lui rendre visite...

Saisi par une association humanitaire intervenant notamment auprès de la population subsaharienne, le GADEM tente d’effectuer une médiation auprès de l’ambassade … 5 mois de médiation pour permettre l’accès à la protection de SON ambassade … l’ambassade s’implique et après différentes démarches reconnait la paternité.

Le GADEM sera dorénavant présent pour l’essentiel des démarches... un accompagnement dépassant largement ses prérogatives. Cet accompagnement a permis néanmoins d’atténuer les réticences de certains interlocuteurs, de combler l’absence d’interprète, de crédibiliser un "obscure sans-papiers" et de réaliser un véritable travail de décryptage de la situation et du droit applicable, de lobbying pour que la procédure soit suivie et de soutien à la résolution d’une situation considérée à la base par certains comme impossible.

Un mois et de nombreuses audiences plus tard, le Juge marocain reconnait la paternité et ordonne que l’enfant soit remis à son père par l’orphelinat.

Le père a revu sa fille et on lui annonce qu’il devrait ne pas tarder à la récupérer... il ne devrait pas tarder à la récupérer !

Les démarches qui suivront resteront longues et lourdes, soumettant la remise de l’enfant à différentes signatures, à différents interlocuteurs, de pouvoirs différents et parfois non identifiés... renvoyant à chaque fois à l’irrégularité du séjour, et ce malgré l’ordre donné par le juge de rendre l’enfant à son père. L’irrégularité du séjour impliquerait-elle l’interdiction d’avoir un enfant et d’en être responsable ?

A cela s’ajoute, l’obligation pour le père étranger de se débrouiller pour que la procédure suive son chemin [7]... les missions étant : mettre la main sur les différents signataires, réunir différents interlocuteurs éparpillés au même moment, etc., la fille dans les bras, des interlocuteurs peu disponibles, des heures d’attente, une communication entravée par la non-maîtrise de la langue arabe... des allés-retours incessants à l’orphelinat pour une séparation quotidienne qui marque la précarité de leurs retrouvailles.

Aujourd’hui, le père et sa fille se redécouvrent enfin !

La justice a indéniablement respecté le droit (notamment international) et fait son travail même si au travers de cette situation il est indéniable que de nombreux disfonctionnement apparaissent. L’ambiguïté de l’identité (formelle ? informelle ?) de "Houria" interroge, voire préoccupe !

Le jugement n’a pas été exécuté d’office et différentes autres entraves sont apparues.

L’ambassade s’est finalement impliqué : mais sous quelle pression ? Avec quel investissement ? Comment sans une intervention et un investissement par le GADEM, aurait il assisté ses deux ressortissants (le père et la mineure) ?

La résolution de cette situation pose des problèmes qui risquent de mettre du temps à trouver des réponses... dans des configurations bien plus simples, la plupart des subsahariens irréguliers n’ont pas accès à leurs droits.


[1] arrivés ensemble au Maroc, ayant un autre enfant ensemble enregistré au nom des deux parents, etc.

[2] qui signifie "liberté" en arabe. "c’est joli comme prénom", nous renvoit-on

[3] qui représente à la fois le Gouvernement et chacun des Ministres.

[4] http://appablog.wordpress.com/2007/11/06/maroc-%E2%80%93-le-retour-et-la-reintegration-des-migrants-bloques/

[5] A la suite des événements de Ceuta et Melilla de 2005 et des refoulements dans le désert

[6] Stéphane TCHAKAM ,"129 Camerounais rapatriés du Maroc", 18 octobre 2005, Cameroon Tribune, sur http://www.cameroon-info.net/cmi_show_news.php ?id=16924

[7] Bien que cette "responsabilisation" soit probablement aussi imposée au marocain, par manque de moyens, d’organisation, etc., des tribunaux. L’étranger est peut être néanmoins moins familier au fonctionnement national, cumulant ainsi certains handicaps



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