Jeunesse et société au Maroc : un débat ouvert ? Cette première semaine au sein d’Action Jeunesse (AJ), le groupe de jeunes du FMAS, a été chargée en informations. En fait, dés les premiers jours, la rencontre avec quelques membres d’AJ s’est centrée sur la condition de vie des jeunes marocaines et marocains. Ma connaissance du Maroc commence à partir de la thématique des jeunes. Mais, curieusement, par ces discussions, c’est tout le système marocain, tant économique, social, culturel et politique, qui amène un éclairage sur la jeunesse marocaine. Voici mes premières impressions suite aux lectures et aux discussions entretenues avec Action Jeunesse [1] et des rabati [2]. Retour sur les principales caractéristiques de la société marocaine : Le Maroc est bercé par des contradictions, pris entre tradition et modernité. Une économie de marché au détriment de la population marocaine. Entre les années 1980 et 1990, le Maroc a suivit le Plan d’Ajustements Structurels de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International. Celui-ci a favorisé l’ouverture des marchés marocains aux marchés internationaux, notamment ceux liés à l’agriculture, la signature d’accords de libre échange et les privatisations. Aujourd’hui, le Maroc continue à se calquer sur les mesures des instances internationales. Il priorise donc un taux de change stable, un déficit budgétaire et une inflation bas, etc. Mais cela s’effectue en défaveur de mesures économiques et sociales à destination d’une large partie de la population. En attendant, seule une partie infime de la population, aisée, profite de la libéralisation de l’économie marocaine. Parallèlement, le Maroc continue d’être un pays de commerce, ce qui l’amène à être à l’actualité des nouvelles technologies, etc. Une pauvreté persistante. Avec l’urbanisation croissante du Maroc (58.7 % de la population vit dans le milieu urbain en 2008), le milieu rural est délaissé et continue à concentrer une importante partie de la pauvreté : il y a trois fois plus de personnes vivant en situation de pauvreté. En 2004, le taux de pauvreté nationale s’élève à 14.2 % contre 22 % dans le milieu rural et 7.9 % dans le milieu urbain [3]. Outre la pauvreté, les inégalités au Maroc restent très présentes : alors que 10 % des personnes les plus riches se répartissent 31 % des richesses, les 10 % les plus pauvres se partagent 2.9 % des richesses nationales. Le Maroc se définit comme une mosaïque ethnique, linguistique et religieuse. On peut parler d’une identité plurielle. Cette coexistence est parfois génératrice de tensions à l’intérieur de la société marocaine. D’autant plus que le Maroc doit faire face à une montée de l’individualisme, de la consommation de masse, qui amène le pays à connaître une transition où cohabitent référentiel traditionnel et valeurs émergentes. Alors que 58 % des jeunes marocains sont pour le port du voile, beaucoup des jeunes marocains se préoccupent de leur tenue vestimentaire, tentent d’être à la pointe des avancées technologiques et suivent des mouvements de mode. Mais cette montée de l’individualisme n’est pas anodine. Elle est liée à l’ouverture de l’économie marocaine au monde, qui influe, incontestablement, sur les aspects sociaux et culturels. Quelles sont, alors, les conditions de vie des jeunes marocaines et marocains ? Compte tenu de la diversité de la société marocaine, la jeunesse est elle-même hétérogène : entre milieu urbain et milieu rural, diplômés et non diplômés, entre hommes et femmes, etc. Les jeunes de 15 à 34 ans représentent 36 % de la population totale, en 2007 [4]. Si l’on élargit à l’enfance, les enfants et les jeunes marocains représentent plus de 66 % de la population marocaine. Par son nombre, les jeunes marocains représentent un challenge pour le futur du Maroc, et par conséquent, pour le gouvernement marocain. De manière générale, la jeunesse marocaine connaît deux phénomènes : le chômage et la précarité. Quelques chiffres représentatifs de la situation économique des jeunes. 35.7 % des chômeurs sont des jeunes dont 33.2 % dans le milieu urbain et 50.3 % dans le milieu rural. Plus les jeunes ont fait des études, plus ils connaissent le chômage : 7.7 % des jeunes sans diplôme contre 61.2 % des jeunes diplômés sont au chômage. De ce fait, les jeunes acceptent des emplois instables, à faible valeur ajoutée, à faible revenu au détriment de leur carrière professionnelle. Ce qui accroît leur précarité. En 2004, 14 % des jeunes de 15-24 ans sont pauvres . Une personne sur cinq en situation de pauvreté est un jeune [5]. Certains auteurs tels que Brahim Boudarbat [6] parlent d’exclusion économique des jeunes. Cette exclusion économique entraîne une exclusion sociale qui alimente le cercle vicieux d’une longue exclusion. La période de transition vers l’âge adulte s’en trouve affectée. Pourquoi tant de décalage entre les jeunes, notamment diplômés alors même qu’ils sont capables de répondre aux exigences de l’économie de marché ? D’où viennent les dysfonctionnements du système ? Le système éducatif marocain est-il viable ? S’agit–il d’une inadaptation des formations par rapport aux emplois offerts ? Quelle position détiennent les entreprises ? Quels types d’entreprises sont les plus créateurs d’emploi ? Tant de questionnements que j’espère pouvoir élucider pendant les prochains mois. Ce qui est sur c’est que le gouvernement marocain alloue plus de 27.7 % de son budget annuel aux mesures éducatives et de formation en 2006 [7] . Pourtant, l’effectivité des politiques de la jeunesse est largement remise en cause par les associations et la population. Malgré des efforts sur le plan sectoriel, le gouvernement a des difficultés pour mettre en œuvre une véritable stratégie de la jeunesse, d’autant plus, qu’elle doit être adaptée aux besoins des jeunes. Comme souligné précédemment, les jeunes sont présents dans toutes les composantes de la société, santé, culture, éducation, emploi, etc. L’absence d’une politique intégrée, qui consiste à engager l’ensemble des ministères pour une politique commune de la jeunesse, rend difficile des résultats, notamment sur le long terme. De son côté, Action Jeunesse part du constat qu’il y a un désengagement des jeunes envers les questions publiques et une méfiance face aux mesures prises par les institutions marocaines. Ce désintérêt s’explique, en partie, par les conditions de vie de la jeunesse marocaine qui connaît des difficultés d’insertion, via le marché du travail principalement. Concrètement, cela s’exprime par l’abandon du droit de vote ce qui baisse encore plus leur pouvoir politique (très fort taux d’abstention lors des dernières élections de l’ordre de 63%). Mais cette abstention peut aussi être assimilée à une forme de contestation passive, d’un système auquel les jeunes ne croient plus. De fait, les jeunes ne disposent pas de pouvoir décisionnel social, ni de pouvoir politique. Action Jeunesse mise sur l’implication des jeunes pour jouer un rôle dans la proposition d’alternatives en tant qu’interlocuteur des autorités locales et nationales. Alors comment Action Jeunesse favorise la participation des jeunes à la chose publique ? Comment les jeunes peuvent s’intégrer aux débats sociaux ? La suite dans les prochains articles. [1] http://www.forumalternatives.org/aj/ [2] Les habitants de Rabat. [3] Haut Commissariat au Plan, Royaume du Maroc, décembre 2005. [4] Cette catégorie d’âge se réfère à la catégorie sur laquelle agit Action jeunesse, à savoir 18 à 35 ans. [5] Le seuil de pauvreté dans le milieu urbain s’élève à 1687 DRH et 1745 DRH dans le milieu rural. [6] Dr Brahim Boudarbat est professeur assistant d’économie à l’Ecole des Relations Industrielles à l’Université de Montréal. [7] Direction de la statistique du Royaume du Maroc. |
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