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Maroc / Droits des étrangers /

De la discrimination au Maroc : « nous » et « les autres ».
12 janvier 2009 par Nadia

Aux regards que portent certaines personnes sur moi, entre curiosité et désapprobation, lorsque je marche dans la rue, bois un café ou discute avec un noir … un acte anodin devient un véritable acte de déviance ou militant (d’où mon regard également curieux lorsque je croise une marocaine marchant avec un noir ou des groupes métissés). J’évoque dans cet article mon ressenti, des faits objectifs et d’autres plus subjectifs, autour de la situation au Maroc où j’effectue mon volontariat au GADEM (Groupe Antiraciste de Défense et d’accompagnement des Etrangers et Migrants). Je ne veux pas rendre cette situation exceptionnelle parce qu’elle ne l’est pas, juste inacceptable, bien qu’elle évolue à mon sens positivement et devrait être amenée à évoluer davantage (notamment par le dialogue, la compréhension mutuelle et la sensibilisation). Je me suis déjà interrogée sur cette question dans d’autres contextes, en Europe en général, en France en particulier, et suppose que si je devais me pencher sur cette question dans d’autres pays (par exemple la Lybie pour les subsahariens) et par rapport à d’autres populations (par exemple les Roms), le tableau pourrait être tout aussi, voire encore plus, "noir" !

Par son adhésion à la Convention internationale de 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Maroc s’engage à condamner la discrimination raciale et à poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer toute forme de discrimination raciale et à favoriser l’entente entre toutes les races.

Criminalisation du subsaharien,

Les migrants subsahariens sont souvent accusés de tous les maux : de la saleté au manque d’éducation, de la pauvreté au vol, de la prostitution au crime, du chômage au terrorisme, illégaux, ...

Parallèlement, est ancrée en nous l’image d’un exode massif, croissant et désespéré de ces "Africains" [1], fuyant pauvreté, conflits, famines, [2] vers des zones (dont le Maroc) plus développées.

J’ai déjà évoqué ce regard porté sur la population subsaharienne dans le cadre du récit des échanges que j’ai pu avoir avec certains agents des forces de l’ordre marocaines ; agents qui justifiaient alors les arrestations de migrants subsahariens par le fait que ces « africains » posaient des problèmes au pays (" ce sont des trafiquants ") en volant, en commettant des délits, etc. " ils n’ont pas de vrais papiers, on ne peut pas leur faire confiance ".

Hicham Rachidi, explique ces comportements notamment par un manque de confiance des marocains et ce racisme "qu’on ne veut pas reconnaître mais qui existe malheureusement" a selon lui subie l’influence d’une certaine presse au Maroc qui "a eu un impact sur les gens. Lorsque l’on discute avec les gens, ils disent "oui, ils ont violés, ils ont fait,…"" . [3]

Mais au-delà de la suspicion et du fait que l’une des questions posées à tout subsaharien au Maroc, avec lequel on veut être sympathique, est : " alors ?... tu veux harrag [4], c’est ça ? ", sans que cette interrogation n’appelle d’ailleurs une quelconque réponse…éventuellement une demande de confirmation d’un projet qui semble évident.

Quand on ne craint pas son immoralité, on s’émeut de son état et c’est des "le pauvre" à tout bout de phrase même si le "pauvre" en question est un fils de diplomate qui mène la "grande vie" et bénéficie, en étudiant, de moyens financiers et d’un capital social bien supérieur à la grande majorité des marocains qui travaillent. Au-delà des questions matérielles, sa seule couleur de peau rend t’elle sa situation non enviable ?

Soulignons néanmoins que tous les étrangers ne sont pas logés à la même enseigne et que si l’étranger français ou arabe peut également être stigmatisé, l’image dont il bénéficie auprès de la population marocaine est plus enviable, et les préjudices subis moins graves.

La désinformation par les médias

La désinformation par les médias atteint parfois, au-delà des termes utilisés pour désigner les noirs et leur présence au Maroc, des degrés impressionnants, comme cela a pu être le cas il y a quelques années, lorsque un journal a accusé, sans aucune vérification "des africains" d’avoir mangé un bébé à Takaddoum. Même si l’information a été rapidement démentie par une partie de la presse "le mal était fait. D’autant que des accusations de cannibalisme, totalement infondées, bien sûr, étaient périodiquement colportées par la rumeur publique" [5]

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31 août 2005, journal Le Matin : "Pour que ces gens là puissent survivre, ils se livrent à toutes sortes d’activités sans exception (vol, violences, cambriolages, drogue, prostitution) et polluent aussi partout, la plupart étant sans domicile fixe "... suite à la mort le 27-28 août 2005, d’un migrant tué par des tirs de balles en caoutchouc par la Guardia Civil alors que 300 migrants tentaient de passer la barrière de Melilla.

6 septembre 2005 : article de l’hebdomadaire régional arabophone Ashamal, qui titre en grands caractères – sous une photo de migrants subsahariens - « Les « sauterelles noires » envahissent le nord du Maroc ».

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article du journal arabophone AL Massae
outil de travail dans le cadre de la formation PANOS à laquelle à collaboré le GADEM

11 janvier 2007 (édition N° 2899), le journal arabophone Al Ahdath Al Maghribia, titre a la une : « Des rapports des services de renseignement tirent la sonnette d’alarme - Les Armes et Al Kaîda traversent avec les caravanes de migrants clandestins » [6] .

....................

Or les médias "agissent sur le moment et fabriquent collectivement une représentation sociale, qui, même lorsqu’elle est assez éloignée de la réalité, perdure malgré les démentis ou les rectifications postérieurs parce que cette interprétation première ne fait, bien souvent, que renforcer les interprétations spontanées et mobilise donc d’abord les préjugés et tend, par là, à les redoubler" [7] .

C’est le constat qui a poussé l’Institut Panos à organiser un « Atelier de perfectionnement des journalistes sur le traitement médiatique des questions migratoires » (Rabat - 15‐20 octobre 2008), en collaboration notamment avec le GADEM, afin de sensibiliser contre les préjugés sur la migration et sur le rôle des médias [8].

Il est néanmoins indéniable que tous les migrants subsahariens ne subissent pas et ne souffrent pas de la même manière de la discrimination et des attitudes racistes [9] . De même, tous les marocains ne sont évidement pas racistes et certaines solidarités, certains échanges contribuent à l’évolution positive de la société et du regard porté sur les noirs, dans certaines familles, voire dans certains espaces géographiques. Mais le constat reste quand même largement mitigé et l’image associée au noir finalement très complexe et ambigüe.

Différents niveaux de discrimination existent et l’on peut parler d’un cumul de « handicaps » pour certains migrants subsahariens, ce qui n’arrange probablement rien à l’image dont pâtissent par exemple les migrants nigérians au Maroc à la fois anglophones (donc avec davantage de difficultés à communiquer avec les marocains), noirs et présumés chrétiens.

C’est ainsi que les subsahariens identifiés comme musulmans sont les mieux lotis, liés aux marocains par une culture religieuse considérée comme proche et d’un patrimoine commun.

Mais la relation au noir, même marocain, est accentuée par la vulnérabilité et précarité de vie d’une grande majorité d’entres eux au Maroc, qui les placent a priori d’emblée dans une position d’infériorité sociale et permet un déni de droit et des abus dont se sentent rarement coupables ses auteurs.

Un déni de droit déculpabilisé : socialement inférieurs, politiquement faibles et culturellement différents.

Peu de marocains admettent l’importance du racisme subi par les noirs au Maroc… parce que ce racisme est rarement violent mais davantage discriminant, parfois méprisant, induisant une infériorité de fait...

Les attitudes racistes vont "du crachat au coup de bâton lancé à partir d’une voiture en marche, en passant par les onomatopées censées imiter le parler"africain"" [10] .

Les gens ne comprennent donc pas que je travaille et puisse me préoccuper de la situation de "ces noirs". Mais lorsque l’on parle du racisme que peuvent subir les marocains à l’étranger, ils en sont révoltés mais souvent la réponse est : "ce n’est pas pareil".

Et les migrants expriment parfois leur déception à ressentir ce mépris et cette distance dans tous les milieux marocains, ..., ce qui ne signifie pas que tous les marocains l’expriment mais que tous les milieux semblent concerner et ne le réalisent d’ailleurs pas.

"Certains Maghrébins, même des universitaires, ne se perçoivent pas eux mêmes comme Africains et en sus de la discrimination raciale, une tendance très nette à la discrimination religieuse des Africains existe. Des Marocains eux‐mêmes résidents en Europe se plaignent de ce que le Maroc soit envahi par les Africains lors de leurs retours en vacances au pays " Témoignage d’un migrant au cours de la formation PANOS

Le résultat en est des gestes de sympathie, de rapprochement mais qui restent souvent très paternalistes et rabaissant, de par les stigmates qu’ils véhiculent. C’est le contact et l’échange, la réflexion autour de notre rapport à l’autre et à l’autre noir qui font évoluer les regards … et les regards ont été ou sont stigmatisants également pour d’autres populations : berbères, juifs, etc.

C’est donc essentiellement la place attribuée au noir, a priori, dans l’échelle sociale qui est à interroger.

La surprise est réelle lorsqu’ils apprennent que tant de subsahariens sont étudiants et en situation régulière au Maroc, que les passages de clandestins subsahariens par la méditerranée ne sont pas si importants, etc. La désinformation est prégnante !

Ce sont les amalgames, les lapsus, préjugés exprimés qui sont omniprésents (« clandestins », les africains, Ouâza, …) pour des personnes parfois même engagées dans la défense des droits humains et refusant le principe du racisme… sauf que ces images négatives sont anciennes, alimentées et bien ancrées.

"La même Marocaine qui donnera 3-4 dirhams à un monsieur qui est en train de mendier devant une mosquée […] en partant dira "kan Aoûn dak âzi" [j’aide ce nègre] "quelle odeur !". C’est le Marocain et la Marocaine moyenne. En même temps, elle lui donnera à manger, elle le recevra […] mais elle lui donnera à manger devant la porte et elle dira "oh, chhel mouskhine" [oh, qu’ils sont sales !]. Ca c’est le Maroc, c’est le Maroc pur, typique" [11]]]

C’est d’ailleurs ce qui explique que certains migrants pratiquent la mendicité. L’image qui leur est associée, de pauvre démuni et socialement inférieur, s’intégrera dans le cadre de l’aumône, de la charité et du devoir du musulman.

"Ce n’est qu’arrivé au Maroc que j’ai ressenti cette différence. Oui, j’ai senti que j’avais la peau noire, j’ai senti que le noir est inférieur. Ce n’est qu’ici que je l’ai senti". [12]

C’est ainsi que dans un café avec un militant subsaharien, la serveuse a osé me demander en arabe et en rigolant ce que le « Sarak zit » [cafard] voulait ! [13]

Pour François Soudan, le sujet du racisme de certains maghrébins à l’encontre des "subsahariens" reste largement tabou : "alors qu’eux-mêmes sont fréquemment victimes d’attitudes, de jugements et d’actes discriminatoires dès qu’ils traversent la Méditerranée (ou l’Atlantique) […] les voici qui reproduisent chez eux les réflexes d’humiliation et de racisme […]Les cibles privilégiées, si ce n’est uniques, de ces comportements banalisés au point que nul, au sein des classes dirigeantes et des sociétés civiles des pays maghrébins, ne semblent en avoir pris conscience, sont des ressortissants d’Afrique subsaharienne". [14]

La discrimination et le statut des noirs dans la société marocaine, et des noirs marocains (mais également des différents groupes, sous groupes et sous sous groupes dans la population), pose la question de l’endogroupe, de l’ exogroupe, du « nous » et « des autres ».

Pierre-André Taguieff [15] introduit une nouvelle notion, au début des années 80, la mixophobie, définit comme étant une attitude et un comportement de rejet à l’égard du métissage, une horreur des mélanges entre groupes humains, exprimant une hantise de la souillure, et, plus précisément, de la perte de pureté identitaire de la lignée. C’est la hantise d’une descendance métissée, située au cœur de l’imaginaire raciste proprement moderne, la mixophobie constitue l’envers du désir d’autoreproduction à l’identique, centré sur le maintien des ressemblances dans la descendance.

La difficile mixité ou la crainte de la mixité

Je vais évoquer davantage la question des mariages, des « unions » (au sens etymologique du terme) mais la mixité s’intègre également dans le groupe d’amis, dans le quartier, etc.

Les ethnologues parlent d’unions "endogames" (dans le groupe) et d’unions "exogames" (hors du groupe) alors que les sociologues utilisent davantage les termes d’homogamie ou d’hétérogamie. "Pour fréquents qu’ils puissent être, les mariages mixtes apparaissent comme des exceptions à côté des mariages homogames, qui tendent à perpétuer les groupes sociaux, religieux ou ethniques et à maintenir leur cohésion au cours du temps" [16].

Hétérogamie : entrée d’un membre exogène à et dans la communauté d’origine ou comme sortie d’un membre endogène vers des groupes "étrangers".

Gabrielle Varro associe l’utilisation des termes liés à la notion de mixité à la stigmatisation de couples symboliquement ou littéralement interdits, comme ce fut le cas entre blancs et noirs pendant l’apartheid ou lorsque la société, discriminant les noirs, interdisait symboliquement toutes relations entre gens de couleurs différentes.

Si l’interdiction n’est pas officielle, ce sont les règles et normes de la société qui marginalisent et excluent ceux qui enfreignent l’interdiction faite par la société d’entretenir des rapports avec ceux que l’on considère comme trop étrangers pour être acceptés dans le groupe, que ce soit pour en faire partie intégrante, pour le traverser ponctuellement ou pour se lier à l’un de ses membres.

C’est ainsi que l’Islam interdit "Le mariage d’une musulmane avec un non musulman".

Le mariage entre un musulman et une non musulmane n’est pas interdit par la loi, donc par le code de la famille (Moudawana), mais est fortement dissuasif à l’encontre des non musulmanes, ce qui amène nombre de femmes non musulmanes à se convertir pour améliorer leur statut d’épouses de musulmans.

C’est notamment ainsi que selon l’article 228 de la Moudawana , le musulman et la non musulmane n’héritent pas l’un de l’autre.

Certains textes coraniques peuvent également dissuader ce type d’union.

Le journal marocain Kalima [17] parle ainsi du problème d’acceptation des unions mixtes au Maroc : "Posé comme différent des autres, il focalise les regards dans une société encore repliée sur elle-même où l’étranger reste toujours l’étranger même lorsqu’il vient d’une autre région du pays. A fortiori d’un autre continent".

Pourtant certains couples mixtes marocain/subsahariens se constituent, se maintiennent et parviennent à être acceptés... mais ils restent une minorité et l’engagement est le plus souvent un "chemin de croix" pour le couple.

Mais il est important de souligner que tous les couples dits mixtes ne vivent pas leur mixité de la même manière. Au Maroc, un couple Franco-marocain ne vivra pas forcément sa mixité de la même manière qu’un couple Marocco-liberian, marocco-congolais ou marocco-chinois. Certaines mixités sont-elles plus discrètes, plus acceptables ou moins soupçonnables que d’autres, pour la société, voire pour le couple ?

Pour Gabrielle Varro, "cette hiérarchisation des origines et des statuts sociaux se retrouve sous des formes diverses dans la littérature sur le biculturalisme qui fait appel à la problématique dominé-dominant, minoritaire-majoritaire, marqué-non marqué, etc., selon le contexte et les nationalités impliquées par le mariage" [18].

Il semblerait en effet que les conjoints fassent souvent figure, dans le cadre d’unions mixtes, de représentants ou d’ambassadeurs de leurs pays respectifs, devant parfois se défendre de tous les stéréotypes et les images associés à leurs pays d’origine.

De même, un enfant "café au lait" ou "blanc noir" est plus facilement considéré comme métis qu’un enfant Franco-allemand.

Au-delà des attitudes racistes que subissent les migrants, et en particulier d’origine subsaharienne, au Maroc, des discriminations en matière de droits sont flagrantes. C’est notamment le cas en matière de logement, d’emploi et d’accès à la scolarité pour les enfants.

… Une législation contre la discrimination existante à promouvoir !

Les nouvelles dispositions du code pénal marocain consacrent pourtant la protection contre la discrimination qui comprend : « toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de l’origine nationale ou sociale, de la couleur, du sexe, de la situation de famille, de l’état de santé, du handicap, de l’opinion politique, de l’appartenance syndicale, de l’appartenance ou de la non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée. » (Article 431-1).

Les sanctions relatives aux actes discriminatoires sont fixées par les articles 431-2 et 431-3. Ainsi, la discrimination est punie d’un emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 1.200 à 50.000 dirhams, lorsqu’elle consiste : à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service, à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque, à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, à subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service ou l’offre d’un emploi à une condition fondée sur un des éléments visés à l’article 431-1. Au-delà, la personne morale est punie lorsqu’elle commet un acte de discrimination tel que défini à l’article 431-1 ci-dessus, d’une amende de 1.200 à 50.000 dirhams

De même, lorsqu’un migrant subsaharien parvient à trouver un travail, il est très souvent largement sous-payé. Pourtant, le Maroc a ratifié la convention N°111 concernant la discrimination dans l’emploi et la profession le 27 mars 1963.

Les discriminations que subissent les migrants subsahariens sont flagrantes également dans le déroulement des arrestations, individuelles ou collectives, durant lesquelles le mode opératoire le plus courant est l’arrestation rapide avec un refus de contrôler préalablement les papiers des personnes arrêtées. Les arrestations semblent donc se faire le plus souvent au faciès, avec une irrégularité du séjour présupposée liée à l’apparence physique de la personne et une criminalisation de l’ensemble des migrants (d’autant que ces arrestations se déroulent souvent en pleine rue ou devant les voisins).

La notion d’ordre public [19], qui revient à plusieurs reprises dans la loi n°02-03 (art ; 4, 14, 16, 17, 21, 27, 40, 41, 42), fait craindre, au-delà de l’arbitraire pressenti, une forme de discrimination légalisée. Cette notion d’ordre publique touche de plus des dimensions essentielles de la vie du migrant et de sa migration, le privant de certains droits (notamment l’accès au territoire marocain, le refus de délivrance de la carte d’immatriculation, sur ce simple fondement, alors même que toutes les conditions d’entrée et de séjour sont réunies.

Soulignons la préoccupation exprimée par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (session du 3-21 mars 2003), concernant l’absence au Maroc de plaintes ou d’actions judiciaires intentées par des victimes de discrimination raciale qui pourrait être "principalement l’indication d’une absence de législation spécifique, ou d’une connaissance insuffisante des voies de recours existantes, ou d’une volonté insuffisante de la part des autorités de poursuivre de telles infractions" [20].

Le Comité demande au Maroc d’assurer l’existence de dispositions appropriées dans la législation nationale et d’informer le public de toutes les voies de recours existantes dans le domaine de la discrimination raciale.

Les discriminations subies ont un impact indéniable sur le droit au recours effectif des migrants.

Mais la législation existante, le travail de la société civile, le débat et la prise de conscience, ainsi que le courage dont font parfois preuve certains migrants, certains ambassades, certains agents des forces de l’ordre et certains citoyens... laissent présager un long chemin mais qui justifie que le GADEM maintienne la seconde lettre de son sigle "Antiraciste" et sa mission de sensibilisation contre le racisme au Maroc !

Récit rapporté par écrit après avoir été raconté au cours d’une discussion : " Cinq minutes après notre départ, dans la conversation des femmes, j’entends le mot « azi » qui est l’équivalent de « sale noir » et tous de renchérir sur le noir, les noirs très – trop- nombreux au Maroc en attendant de passer en Europe – des hors-la-loi sans papiers !. Ce jour là, j’ai entendu toutes les qualificatifs les plus désobligeants à propos des noirs. Une des femmes parlait de ceux qui vivaient à une bonne quinzaine dans une seule pièce, de plus qu’ils étaient sales et mangeaient n’importe quoi !

L’intervention d’un des passagers - soldat de l’Armée Marocaine d’une trentaine d’années– assis tout contre moi (puisque nous partagions un siège pour deux comme cela est l’habitude au Maroc) m’a non seulement touché, choqué, mais profondément blessé : il traitait les noirs de « sarakazites » ou cafards ! Je me suis senti directement visé –pour le moins - ; j’ai immédiatement noirci, sué. La bêtise et l’ignorance était ce qui est le mieux partagé, j’avais honte à ce moment là de faire partie de la race humaine ! J’étais très énervé, touché au plus profond de moi-même : les noirs, des cafards ! et cela de la bouche d’un soldat représentant son pays ! Sans répondre aux femmes, j’ai « attaqué » le soldat, en lui citant des versets du Coran, de plus je lui fais bien comprendre que j’ai parfaitement compris tout ce qu’ils ont dit. Un silence de mort régnait dans la voiture. En arabe, je prends alors la parole afin que tous me comprennent bien ; je traite le soldat de n’importe quoi, à ce moment j’étais hors de moi, j’étais sorti de mes gonds !!!

Le chauffeur finalement touché par mes paroles m’est venu en aide : il leurs dit que c’était honteux de traiter un musulman de la sorte et que de plus je n’étais pas un sans papier, que j’avais ma carte d’identité marocaine. Ayant pris le soldat par la main, je demande au chauffeur de s’arrêter car j’avais vu un policier, nous étions au rond point de Souissi ; seule la police pouvait nous séparer. Le taxi s’arrête, j’appelle le Service Consulaire du Sénégal devant le policier à qui je passe le Vice Consul qui lui passe le message suivant : « que la loi soit appliquée ! ». Le « pauvre » soldat commence à faire marche arrière, me fait des excuses, pleure même ! Lamentable ! misère humaine ! bêtise sans nom ! je pardonne afin qu’aucune suite à son encontre soit diligentée ; j’en avise le Consulat du Sénégal qui me laisse seul juge de ma décision".

Word - 1.4 Mo
Petit lexique de la xénophobie ordinaire
Pour une meilleure compréhension de certains termes, je vous le remets.

[1] Comme si le Maroc et le Maghreb était sur un autre continent

[2] Comme si les marocains n’émigraient pas et ne fuyaient pas

[3] Entretien recueilli en 2006

[4] émigrer clandestinement

[5] MAIGA Zoubeïra, "Maroc : "Singes, olives et chocolats"", Jeune afrique l‘intelligent, n°2266, 13 - 19 juin 2004, p44.

[6] Le GADEM fait état de ce traitement journalistique dans son rapport sur l’application de la Convention relative aux droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, à paraître, janvier 2009.

[7] CHAMPAGNE Patrick, "La construction médiatique des malaises sociaux", ARSS, n°101-102, 1994, pp.64-75Dans VESCO Fanny, Les « événements de Ceuta et Melilla » ; drame télévisuel de l’immigration clandestine, mémoire de Master 2, Université Paris I – Panthéon sorbonne, 2005-2006, p4.

[8] Consulter à ce titre : http://www.elwatan.com/La-societe-marocaine-au-secours-de

http://www.oujdacity.net/oujda-article-15450-fr.html

http://www.lecalame.mr/index.php ?option=com_content&task=view&id=1731&Itemid=1

[9] Le fait que nous parlions davantage de racisme que de xénophobie (hostilité à l’égard des étrangers), s’explique par le fait que tous les étrangers au Maroc ne font pas l’objet de tels comportements et d’une assignation à une position d’à priori infériorité.

[10] Zoubeïra Maïga, "Maroc : "Singes, olives et chocolats"", dans Jeune Afrique l’Intelligent, n°2266, du 13 au 19 juin 2004, p43-46.

[11] [[Mehdi Lahlou, entretien enregistré réalisé le 17 juillet 2006, mémoire Master P, op.cit., 2006.

[12] Moussa, ivoirien, propos recueilli en 2006 , KHROUZ Nadia, Survie et capacité d’adaptation des migrants subsahariens face au traitement de la migration au Maroc, mémoire de Master 2, Université Lumière-Lyon 2, septembre 2006, p41.

[13] même si maintenant beaucoup de subsahariens ont appris à comprendre ces termes pejoratifs

[14] SOUDAN François, "Les Maghrébins sont-ils racistes", enquête dans Jeune Afrique l’Intelligent, n°2266, du 13 au 19 juin 2004, p42.

[15] Pierre-André Taguieff, "Face à l’immigration : mixophobie, xénophobie ou sélection. Un débat français dans l’entre-deux guerres", Vingtième siècle, 1995, n° 47, juillet-septembre.

[16] GIRARD Alain, 1964/1974/1981, Le choix du conjoint, INED, Travaux et documents, cahier n°70, Paris, Presse universitaire de France, 30, cité dans VARRO Gabrielle, Les couples mixtes, Paris, éditions Armand Colin, 1995, p29.

[17] JAMAL ALAOUI Marie-France,"Couples mixtes : ces épouses venues d’ailleurs", Kalima, 1987, n°12, février, p 22-25

[18] VARRO Gabrielle, Les couples mixtes, Paris, éditions Armand Colin, 1995, p33.

[19] notion analysée par le GADEM dans le cadre de son étude sur la cadre juridique marocain relatif au droit des étrangers intégrant une analyse de la jurisprudence

[20] Soixante-deuxième session, CERD/C/62/CO/5, page 3. Examen des quatorzième, quinzième et seizième rapports périodiques du Maroc (dus les 17 janvier 1998, 2000 et 2002 respectivement) soumis en un seul document



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