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Espagne / Droits des étrangers /

Dans le métro madrilène, les gouvernements espagnols et équatoriens se disputent les espaces publicitaires
23 décembre 2008 par Claire

Dans un premier article, je vous parlais de la campagne menée par le gouvernement espagnol en faveur du « retour volontaire » des immigrés dans leur pays d’origine. Je vous décrivais les grands panneaux publicitaires qui sont placardés dans le métro madrilène depuis un mois pour promouvoir cette campagne. Or, depuis quelques jours, de nouveaux panneaux publicitaires ont vu le jour dans le métro. Ils affichent le slogan suivant : « Ensemble nous construisons l’interculturalité. Pour une citoyenneté respectueuse et participative » [1] , et, au- dessous : « Nous sommes tous des migrants » [2].

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Todos somos migrantes

Tiens, s’agirait-il d’un revirement de situation ? Une opération menée par le gouvernement espagnol pour se dédouaner de l’image quelque peu xénophobe véhiculée par les premiers panneaux ? Il n’en est rien. Si l’on prête attention à cette publicité, on note qu’elle est financée par le gouvernement équatorien, et plus particulièrement par le Ministère de l’immigration de ce pays (la Secretaría Nacional del Migrante, SENAMI).

Il s’agit en fait d’une campagne du gouvernement équatorien en soutien à ses ressortissants qui vivent à l’étranger. La campagne publicitaire « Nous sommes tous des migrants » a été lancée le 18 décembre, à l’occasion de la journée mondiale du migrant, qui célèbre l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies de la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Il serait peut-être exagéré de dire que ces nouveaux panneaux sont une réponse directe du gouvernement équatorien à la campagne menée par son homologue espagnol. Mais une chose est sûre, la coexistence des deux panneaux dans le métro donne l’impression d’une bataille de communication engagée entre deux gouvernements qui cherchent, chacun de leur côté, à satisfaire leur électorat national.

Derrière ces publicités, ce sont deux visions différentes du concept de « retour » qui s’affrontent.

Dans l’article précédent, je m’attardais sur la notion de « retour volontaire » selon le gouvernement espagnol. Un retour pour le moins « encouragé », qui vise les étrangers qui ne sont pas expulsables car ils sont en situation administrative régulière. Et un retour que le gouvernement préférerait définitif, dans la mesure du possible [3]. Or, si l’on se rend sur le site Internet du Ministère de l’immigration équatorien (SENAMI), on peut lire une définition toute autre du « retour » :

“Bienvenus à la maison : Nous défendons le concept de retour entendu au sens large : un retour qui n’implique pas nécessairement le retour physique, mais plutôt une forme plus générale de retour, qui se traduit par la récupération des capacités politiques, culturelles et économiques de ces millions de compatriotes qui, de manière spontanée, contribuent par leurs efforts au progrès de notre société” .

Le gouvernement annonce ensuite qu’il apporte son soutien aux ressortissants qui souhaitent rentrer en Equateur, et qu’il cherche à faciliter leur réinsertion. Mais il ajoute que ce retour peut être provisoire, et qu’il comporte également une dimension politique et culturelle : le gouvernement encourage ses ressortissants avant tout à “se sentir Equatorien, en participant à la construction d’un nouveau modèle de développement, que ce soit depuis l’Equateur, ou depuis l’étranger ». « Nous oeuvrons pour que les Equatoriens qui sont loin puissent se sentir proches de leurs racines » ajoute-t-il .

Pour le gouvernement équatorien, les enjeux électoraux sont colossaux. Environ 25 % des Equatoriens vivent à l’étranger . Les Etats-Unis et l’Espagne sont les deux pays qui reçoivent le plus d’immigrants équatoriens, à parts à peu près égales. Le poids des « remesas », c’est-à-dire des transferts d’argent envoyé par les ressortissants équatoriens résidant à l’extérieur est très important. Dès lors, flatter l’électorat équatorien qui vit à l’étranger est indispensable pour le gouvernement, tant au niveau politique, que sur le plan économique.

Selon les dires des autorités équatoriennes, la campagne « Nous sommes tous des migrants » vise à favoriser les initiatives interculturelles entre Equatoriens et Espagnols et promeut le respect entre les ressortissants des deux pays. Mais, placardés à côté des panneaux du gouvernement espagnol, ils semblent plutôt vouloir donner une leçon de tolérance à ce dernier…


[1] « Juntos construimos interculturalidad. Por una ciudadanía respetuosa y participativa ».

[2] « Todos somos migrantes ».

[3] L’étranger qui bénéficie du programme de retour volontaire ne pourra pas solliciter de nouveau visa de travail dans les trois années qui suivent son retour.



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