Maroc : Une ambivalence pesante Depuis un mois, les magazines et les journaux marocains tirent des bilans des 10 ans de règne de SM le Roi Mohammed VI (le 31 juillet dernier), comparent ou reviennent sur le règne du FM Hassan II, et sur la période du protectorat. En comparaison à la période Hassanienne, les changements du point de vue des libertés publiques sont, sans conteste, visibles. Mais la censure d’un des magazines les plus populaires au Maroc, amène, entre autres évènements, à relativiser le processus de démocratisation enclenchée par le régime marocain. Le régime marocain porte atteinte à sa propre image Samedi 2 août, sous ordre du Ministère de l’intérieur, 100 000 exemplaires d’un hebdomadaire marocain, indépendant, ont été saisis et détruis. 50 000 pour sa version française, Tel Quel et 50 000 exemplaires de sa version arabe, Nichane. Le numéro du 2 août de Tel quel/Nichane comportait le premier sondage d’opinion sur le bilan du règne de Mohammed VI. C’est une première au Maroc mais également au Maghreb et dans la région arabe. Tandis que Maghreb Arab Press (MAP) justifient la saisie et la destruction par « un ensemble d’articles enfreignant les dispositions légales en vigueur », le Ministre de l’intérieur, Chakib Benmoussa, est clair : « c’est le concept même de sondage sur la monarchie qui est totalement inacceptable au Maroc ». Pourtant, les résultats du sondage sont en faveur du régime monarchique. 91 % des personnes interrogées considèrent les 10 ans de règne comme positif, voire très positif. Le sondage a été réalisé en respectant les normes professionnelles et universelles du sondage par la filiale marocaine du CSA, le LMS/CSA, en collaboration avec le quotidien français, le Monde. Les conditions de saisies et de destruction portent atteinte au code de la presse. Aucun article du code pénal marocain, ni de code de la presse interdit la publication d’un sondage. En détruisant les 100 000 exemplaires, l’Etat marocain enfreint l’article 77 du code de la presse. La police a refusé de transmettre le PV au directeur de publication de Tel quel, ne pouvant porter plainte. Néanmoins, un recours administratif a été opéré dés le lundi 3 août, malgré l’absence du PV, pièce essentielle dans un dossier de recours. Ainsi, la manière dont ont été censurés les magazines Telquel/Nichane est arbitraire et illégale. La presse internationale et leurs confrères marocains se sont positionnés contre ses pratiques, mettant à mal la liberté de la presse au Maroc. M. Naciri, ministre de la communication considère : « Il est "attentatoire" à l’égard de la Personne du Roi de livrer l’action de la Monarchie à l’appréciation publique [1], ». La sacralité du Roi oblige de censurer l’opinion des marocains concernant le régime monarchique, alors même qu’il est en faveur de celui-ci. A quel point la sacralité du régime doit s’incruster dans les libertés de la presse, et plus largement dans la liberté d’opinion de la population marocaine ? La monarchie ne doit être un sujet de débat ni d’évaluation, voilà l’une des justifications de ce type de censure alors que le Roi est un des sujets les plus traités dans les magazines marocains. Parallèlement, le Maroc plaide pour la défense et l’effectivité des droits de l’Homme, annonce ses travaux quant à l’institution d’une transition démocratique, d’un Etat de droit et moderne. N’est ce pas un fondement essentiel de la démocratie et des libertés du peuple que de juger du régime qui est censé les représenter et agir au nom du peuple marocain ? En agissant de cette sorte, le régime marocain porte atteinte à sa propre image alors qu’un magazine, en l’occurrence indépendant, donner la "chance " au régime d’exprimer sa légitimité autrement que par lui moi-même, mais par sa population. [1] www.map.co.ma |
|
|||||
|
||||||