Des centres d’hébergement coercitif... En février dernier, dans le cadre de ma mission d’observation pour l’observatoire des frontières européennes de Migreurop, je suis allée en Bulgarie. Le but était de récolter des informations sur les accords de réadmissions. Sur ce point là, mon séjour n’a pas été vraiment satisfaisant. Par contre, j’ai pu entrer dans le centre de détention de Busmantsi, et récolter beaucoup d’informations sur la détention en Bulgarie. Les centres de détention administratifs en Bulgarie sont appelés “Centre d’hébergement coercitif”. La détention administrative en Bulgarie peut survenir dans deux cas : l’entrée ou la sortie de manière illégale du territoire, et la mise en place d’une procédure d’expulsion ou d’extradition. Ainsi toute personne appréhendée aux frontières est automatiquement placée en détention et cours le risque de voir publié un ordre de déportation à son encontre avant qu’elle n’ai pu demander l’asile si elle le souhaite. De la même façon qu’en Turquie, toute procédure de reconduite aux frontières ou d’expulsion s’accompagne d’une mise en détention. La Loi sur les Etrangers en République Bulgare (art. 44 §6)4 spécifie que lorsqu’il existe des obstacles à l’expulsion immédiate, les personnes doivent être hébergés de façon coercitive dans un centre spécialisé jusqu’à ce que les obstacles au retour forcé cessent. Ainsi la détention peut durer de façon indéfinie. Le principal centre de détention administrative de Bulgarie se trouve à Busmantsi, dans la proche banlieue de Sofia. Le centre vient juste d’être reconstruit et semble flambant neuf de l’extérieur. L’entrée est autorisée aux avocats et aux associations ayant préalablement passé une convention avec le ministère de l’intérieur. Si le centre de Busmantsi est extrêmement visible, et accessible (encore que le régime de visite soit beaucoup plus contraignant que celui des lieux de détention de droit commun), il détourne l’attention des autres lieux d’enfermements : un autre centre de ce type existent à Svilengrad (seul un avocat du commité Helsinki Bulgare y effectue des visites régulières) et il faut ajouter à cela les lieux d’enfermement des étrangers plus informels tels les postes de frontières (comme celui de Lyubimets), qui ne sont pas accessibles à la société civile. Au niveau des droits procéduriers des personnes détenus, il faut souligner qu’il n’existe pas de notification à la personne détenue des raisons de la détention, de la durée, ainsi que de son droit à faire appel, à demander l’asile ou à demander une assistance légale gratuite. Les demandes d’asile sont difficilement transmises depuis les centres de détention, sans que les associations ne comprennent ou la chaine s’arrête entre le moment ou une personne demande asile et le moment ou la demande est enregistrée par l’agence d’Etat des réfugiés, responsable de l’examen des demandes d’asile. Les conditions de détentions sont largement en dessous des standarts et des recommandations internationales. Les détenus n’ont qu’un accès limités aux sanitaires (ils sont enfermés dans les dortoirs une partie de la journée et de la nuit), la nourriture n’est pas distribuée de façon suffisante. L’accès aux soins médicaux n’est pas non plus garanti. L’usage du placement en cellule d’isolement est utilisé très fréquement pour les détenus qui enfreignent le règlement intérieur du centre, règlement qui n’est ni écrit ni signifié aux intéressés. Un demandeur d’asile Tchétchène, Khaled [1], détenu depuis novembre 2006 a été placé en cellule d’isolement pour avoir crié sur ses gardiens en mai 2007. Il avait déjà envoyé plusieurs demandes d’asile entre temps, et aucune d’entre elles n’avaient été enregistrée. Son avocat a fait appel devant la cour administrative bulgare sur l’illégalité de sa détention et de son placement en isolement. La cour a finalement statué de l’irrecevabilité de l’appel en octobre 2007 (après 5 mois passé dans une cellule vide placée sous vidéo surveillance 24h/24) étant donné que son placement en cellule d’isolement avait été ordonnée par écrit, c’est à dire en conformité avec le protocole administratif du centre de Busmantsi. Khaled est sorti de cellule d’isolement le 30 octobre 2007 pour y être replacé le 8 novembre 2007 pour troubles comportementaux. Il y est toujours. En juin 2007, Amnesty International [2] a souligné que plus de 36 personnes se trouvaient en détention depuis plus de 6 mois, tel que Ali, détenu depuis 2004 et Ahmed, depuis 2006. En 2003 a été mis en place un “twinning project” entre l’UE et la Bulgarie pour l’établissement de centres de transits dans lesquels seraient hébergés les demandeurs d’asile le temps de l’examen de leur demande d’asile dans la procédure accélérée. Après avoir été reconnus ils auraient été transférés au centre d’accueil des réfugiés situé boulevard Montévidéo à Sofia, et en cas de rejet, ils auraient été transférés à Busmantsi. Hors je n’ai pu ni voir ni trouver aucune information sur ces centres de transferts, et dans la pratique, les personnes appréhendées aux frontières sont ’directement’ (cela peut prendre quelques jours voire quelques semaines) transférées à Busmantsi. Centre ouvert du boulevard Montevideo, Sofia Le centre ouvert de Montévidéo à Sofia est un centre d’hébergement pour les réfugiés reconnus et les demandeurs d’asile en cours de procédure. Les réfugiés ne sont pas obligés d’y habiter, mais si ils décident d’habiter ailleurs, ils doivent signer un papier déclarant qu’ils renoncent à certaines aides sociales. Le centre est ouvert, les habitants peuvent y recevoir des visites de même qu’en sortir et y entrer librement. Les conditions sanitaires sont par contre déplorables, le batiment est vétuste et mal entretenu (voir photographies). [1] voir à ce sujet le rapport de Valeria Ilareva, valeria-ilareva-detention-bulgaria.pdf [2] Amnesty International, Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s Concerns in the Region : January – June 2007 (AI Index : EUR 01/001/2007), November 2007, Country entry : Bulgaria |
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