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Maroc / Droits des étrangers /

Délit de solidarité ! Il y a un an les pêcheurs tunisiens d’Agrigente...
21 août 2008 par Nadia Khrouz

Les législations se durcissent et les migrants sont stigmatisés. Mais en tant que militant comme en tant que citoyen, côtoyer une population "pouchassée" parce que criminalisée pose de nombreux problèmes notamment ethiques. Quelle est la limite entre l’engagement militant (citoyen ?) et le travail "professionnel" ? (l’eternel dilemne engagement/distanciation) Lorsque l’"autre" est en souffrance, jusqu’où peut aller mon engagement ? etc.

Petite histoire ...

C’est l’expérience vécue par 7 pêcheurs tunisiens, "tombés" sur une embarcation de migrants en naufrage.

Les sept pêcheurs dits d’"Agrigente" ont porté secours à une embarcation gonflable en difficultés après avoir prévenus les autorités italiennes et tunisiennes [1] L’embarcation transportait 44 personnes dont 11 femmes (deux enceintes) ainsi que deux enfants, dont un handicapé.

Le droit international donne au pêcheur la possibilité de se diriger vers le port le plus proche de l’endroit où s’est déroulé le secours. Le mauvais temps ne leur permettant pas de retourner vers la Tunisie, c’est donc vers les côtes italiennes qu’ils se sont dirigés. Ils ont été arrêtés et mis en détention à leur arrivée au port de Lampedusa. La mise en détention dure 42 jours et deux des bateaux à bords desquels travaillent ces pêcheurs (Mortadha et Mohammed el-Hedi) sont confisqués par les autorités italiennes.

A la suite de l’intervention de plusieurs ONG de différents pays, ils ont été libérés mais leur bateau est toujours confisqué auprès des autorités italiennes.

Malgré les différents témoignages (migrants, autorités de Maltes, etc.) et la pression exercée par les associations, la condamnation est maintenue pour des chefs d’inculpation passibles de peines allant jusqu’à quinze ans de prison, dont le délit de « favorisation de l’immigration clandestine ». Ayant comparus une première fois en août 2007, l’affaire est ajournée au 6 octobre 2008, la justice suivant son cours avec le risque d’envoyer un message inquiétant aux autres marins en condamnant les pêcheurs d’Agrigente (risque de 15 ans de réclusion).

Depuis, les bâteaux confisqués empêchent un ensemble d’embarcations de sortir du port.

C’est l’experience que vivent les familles de 7 pêcheurs tunisiens et le destin de 70 familles "en sursis".

Différentes associations se sont mobilisées mais les pêcheurs d’Agrigente continuent à faire appel à la solidarité, le procès étant toujours en cours, les soutiens se sont aujourd’hui estompés.

Et ce cas est loin d’être isolé (médecin algérien récement condamné à Maghnia, etc.), révélateur de la difficulté d’intervenir face au dilemne de l’aide à des personnes "ciminalisées" parce qu’en situation administrativement irrégulière.

En France, depuis les années 90, des militants et des associations se mobilisent contre le "délit de solidarité" dans le cadre de la lutte contre "l’immigration clandestine" (intimidation contre l’hebergement d’exilés, notament en centre d’accueil d’urgence inconditionnel, poursuites en justice, etc.). c’est ainsi que 354 organisations, et près de 20 000 personnes ont à ce jour signé le « Manifeste des délinquants de la solidarité » qui se conclut par cette phrase, écho d’autres démarches semblables « Si la solidarité est un délit, je demande à être poursuivi(e) pour ce délit ».

Le Manifeste non gouvernemental euro-africain sur les migrations, les droits fondamentaux et la liberté de circulation (1er juillet 2006) demande quant à lui la dépénalisation du délit de séjour irrégulier et de l’aide aux personnes contraintes à ce type de séjour.

Au-delà des positionnements personnels et de cette reflexion nécessaire, tout un chacun peut se retrouver un jour face à des personnes en péril (et alors l’identité de ces individus prendrait elle une importance avant intervention ?)... Quelle réaction avoir lorsque les Etats condamnent l’aide aux personnes en séjour irrégulier ? Comment soutenir des personnes qui ont été condamnées pour avoir agi humainement ?

Et cette épée de Damocles est dotant plus menancante que le délit en question n’est pas clair... et que l’intimidation est courante pour maintenir cette crainte

Au Maroc en effet, la loi n°02-03 de 2003 criminalise un certain nombre de relations avec les migrants, instituant un véritable délit de solidarité et incitant largement à la discrimination (au faciès) dans un certain nombre de situations (exemple des transporteurs refusant de prendre des subsahariens ou des bailleurs pratiquant des prix de location largement supérieurs à la normale).

Que les pècheurs d’Agrigente aient tentés de sensibiliser et lancés un SOS aux associations maghrebines et plus largement euro-africaines concernant leur situation ne doit pas être interprété seulement comme un appel à la solidarité mais comme un appel à la defense contre un contexte global de criminalisation du migrant qui nous concerne tous.


[1] l’appel au secours a été alors aussi entendu par les autorités de Malte qui en ont témoignées.




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