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Histoire du quartier de Kreuzberg à Berlin : rénovation urbaine, mobilisations habitantes et mouvement squat
Le petit « musée de la rénovation urbaine et de l’histoire sociale du quartier de Kreuzberg » nous invite, en textes et en images, à découvrir l’histoire des plans de rénovation urbaine d’un quartier populaire de l’ouest berlinois et celle, intriquée avec la première, de ses habitants : par leurs mobilisations, ces derniers se sont opposés à des projets urbanistiques qui oubliaient souvent que Kreuzberg avait toujours été un quartier mélangé, et qu’il entendait bien le rester.
Aujourd’hui, c’est à la fois un quartier populaire, qui accueille beaucoup de familles de migrants, anciens et nouveaux, mais Kreuzberg est aussi le quartier bobo et gentrifié des bars à la mode et des lofts de luxe.
Petite plongée dans l’histoire du quartier, qui nous permettra de comprendre d’où vient cet enchevêtrement si typique, et de faire un petit tour par le mouvement squat berlinois, qui y a fait ses armes dans les années 1980.
Le quartier de Kreuzberg a été érigé il y a plus de cent ans pour accueillir les plus pauvres des plus pauvres : les migrants venant de Pologne ou des anciennes provinces allemandes de l’Est (Silésie) pour trouver du travail dans la capitale du nouveau Reich. Les logements de mauvaise qualité y côtoient de petites usines : les rues sont très étroites et les espaces communs rares.
Le quartier a donc une tradition populaire depuis sa création.
L’après guerre et la reconstruction
A la sortie du second conflit mondial, les habitants de Kreuzberg se mobilisent pour reconstruire les bâtiments détruits par les bombardements alliés : 42% des logements du quartier ont été rasés ou bien sont inutilisables. A l’époque, on manque d’argent et de matériaux pour envisager une véritable reconstruction. Ce sont donc les habitants qui prennent en main le travail de réhabilitation absolument nécessaire pour que les milliers de sans abris retrouvent un toit.
A partir de 1954, les fonds du Plan Marshall permettent de lancer une reconstruction de grande ampleur. Les vieux principes de la construction sociale de la République de Weimar sont repris : on veut des appartements avec « de la lumière, de l’air et du soleil ! ».
Pour la première fois, on envisage aussi des espaces urbains qui ne sont pas structurés par des rues rectilignes : les bâtiments sont séparés les uns des autres, jamais alignés entre eux. Les parcelles loties typiques de Berlin disparaissent. Les passants doivent avoir le sentiment de circuler dans un tout, sans qu’il y ait de rupture au sein du quartier.
Enfin, le mélange des fonctions des espaces urbains, qui faisait la spécificité de Kreuzberg, doit être aboli : les zones d’habitat doivent être séparées des ateliers, des surfaces commerciales, et même des espaces culturels. La culture est assignée à des « forums culturels » séparés. C’est la fin d’une tradition du quartier.
Un quartier marginal de Berlin Ouest
Avec la construction du Mur séparant l’Est et l’Ouest, Kreuzberg, qui était jusqu’alors situé au centre de la ville, devient un quartier périphérique de Berlin Ouest.
La reconstruction achevée, les entrepreneurs du bâtiment cherchent de nouveaux terrains d’activité. Ils proposent la réhabilitation des bâtiments anciens selon la méthode de la « coupe à blanc » : leur devise est « Démolition et Reconstruction ». La rénovation du bâti ancien n’intéresse pas : on manque de connaissances et de savoir-faire dans le domaine. En revanche la construction neuve de grands volumes présente un intérêt certain : il s’agit de soutenir l’industrie du bâtiment qui est d’une importance majeure pour l’économie de cette ville, petit îlot de monde occidental isolé et noyé au milieu de la RFA.
L’argument brandi pour défendre ces destructions est l’inadaptation des anciens logements aux nouvelles structures sociales de Berlin Ouest : les urbanistes de l’époque expliquent que ce ne sont pas seulement les bâtiments qui sont anciens, mais que la société qui vit dans le quartier de Kreuzberg est « sans moyens, surannée, inculte, doucement asociale, incapable d’adaptation, et de toute façon rétive à tout changement » [1]. Dans cette « société désuète », les éléments de la société moderne du nouveau Berlin Ouest ne peuvent pas gagner de terrain.
- Démolitions
Le premier plan de rénovation urbaine pour le quartier de Kreuzberg, en 1963, est conçu autour de cette idée : les traces de l’histoire noire de la ville doivent disparaître pour que le nouvel ordre démocratique s’exprime pleinement dans la ville.
La municipalité considère tout de même l’importance de la participation des habitants dans ces projets de rénovation : si dans la zone ouest du quartier de grands ensembles sont érigés très vite, sans une consultation approfondie des locataires concernés, la rénovation de la zone qui se trouve au sud du métro aérien prendra beaucoup plus de temps, à cause des obligations en matière de consultation des habitants, que fixe une loi de 1971.
L’émergence d’une contestation citoyenne
Le projet d’un ensemble d’investisseurs privés voit tout de même le jour sur la place de la porte de Cottbus : un massif « dragon » de 300 logements et de 15 000 m2 d’espaces commerciaux s’élève désormais tout autour de la place.
- "Le dragon du profit"
C’est seulement à l’issue de la construction de ce complexe que s’élèvent de véritables protestations de la part des habitants. Ces nouveaux bâtiments ont des conséquences pour les locataires alentours : la population du quartier change, la tradition de mixité sociale appartient au passé, les loyers augmentent, beaucoup de personnes, notamment les travailleurs immigrés, doivent quitter l’endroit. Le reste du quartier est promis, dans un terme assez court, au même sort : du coup les baux de location indiquent ainsi le terme prévu du contrat : « jusqu’à démolition ».
Trois types de personnes habitent Kreuzberg dans les années 1970 : les « vieux », qui sont nés et ont grandi là ; les travailleurs immigrés, qui y trouvent les loyers les plus accessibles de la ville ; et les jeunes gens qui croient avoir trouvé à Kreuzberg une niche d’expérimentation sociale des formes alternatives du vivre ensemble. Dans la zone « SO 36 » [2] on trouve beaucoup de communautés de vie, d’initiatives politiques, de groupes de femmes, de projets d’économie alternative etc. : l’idée de responsabilité et d’engagement pour le bien collectif fait le lien entre tous ces groupes.
Ils vont être à l’origine du mouvement le plus intense de contestation des projets de rénovation urbaine prévus pour le quartier.
Des lieux de convergence des oppositions aux projets de rénovation urbaine apparaissent.
- Mieterladen
Par exemple, le Mieterladen organise des actions contre les pratiques des maîtres d’ouvrage des projets en cours, qu’ils accusent notamment d’acheter des bâtiments anciens puis de les laisser à l’abandon pour justifier leur démolition, dont ils ont besoin pour mener leurs grands programmes.
Et en effet, le nombre de logements vide va croissant, parallèlement à celui des personnes qui sont à la recherche d’un toit.
C’est en 1979 qu’apparaît une nouvelle forme de la lutte des habitants : les « occupations d’entretien ». Des habitants du quartier occupent deux bâtiments anciens promis à la démolition. L’expérience est un succès puisque quelques mois plus tard le propriétaire accorde aux occupants des baux locatifs en bonne et due forme, ce qui éloigne complètement la menace de démolition.
Au début de l’année 1980, une vingtaine de bâtiments est occupée de la même manière en quelques semaines : l’espoir de tous est d’écarter les projets de destruction des immeubles anciens, qui restent le seul obstacle à une explosion des coûts des loyers. La rénovation du bâti ancien, dont le coût est peu élevé, doit garantir le maintien d’une population modeste dans le quartier.
Une République libre de Kreuzberg ?
L’ensemble des squatteurs du quartier se réunit pour partager leurs expériences et élaborer des stratégies communes de négociations vis-à-vis des pouvoirs publics. Ils forment un « conseil des squatteurs ». Certains rêvent d’une « République libre de Kreuzberg », avec ses propres instances alternatives de fonctionnement commun. Des projets à dimension sociale voient le jour : un centre artistique et culturel, un centre de santé, un lieu de conseil pour les femmes, une ferme collective…
La capacité commune de mobilisation est forte : quand la police expulse l’un des squats en décembre 1980, cela provoque d’importants affrontements dans la rue. De nombreuses autres manifestations suivent
- Manifestation et répression à la porte de Cottbus
Les rapports avec les pouvoirs publics se tendent de plus en plus, lorsque le nouveau gouvernement élu en 1981 déclare qu’il veut développer une « ligne berlinoise de la raison » : il s’agit tout simplement d’expulser tous les squats et surtout d’empêcher à tout prix l’occupation de nouveaux bâtiments, notamment au profit des propriétaires qui entament immédiatement le processus de rénovation ou de démolition.
Le mouvement des squatteurs est peu à peu criminalisé : l’article du code pénal définissant l’association de malfaiteurs est utilisé pour arrêter les 134 membres du « Conseil des squatteurs ».
La légalisation de certains squats… et l’expulsion définitive des autres
Dans ce contexte de rapports très tendus entre le mouvement squat et les pouvoirs publics, le besoin se fait sentir de rechercher des moyens de pacifier la situation en légalisant certains lieux. Plusieurs formes sont adoptées pour ça : la coopérative, le groupement de travailleurs. Ces nouvelles entités louent désormais les bâtiments ou les rachètent. Ils mènent eux-mêmes les opérations de rénovation nécessaires. Mais beaucoup de projets sont tout de même expulsés parallèlement à cela.
Depuis cette époque d’ailleurs, très peu de nouveaux squats ont ouvert à Berlin : ils sont systématiquement expulsés dans les 24 heures suivant leur installation.
L’effet positif le plus remarquable de ce « semi-échec » du mouvement squat de Kreuzberg est à trouver dans les efforts accrus des pouvoirs publics dans la mise en place de procédures de consultation des habitants dans les programmes de rénovation urbaine.
A partir de 1983 s’ouvre une période de « rénovation prudente » : le mot d’ordre en est « orientation globale des projets vers les habitants, réhabilitation du « mélange » traditionnel à Kreuzberg, renforcement des infrastructures sociales ». Les pouvoirs publics cherchent le consensus, notamment en mettant en place une Commission de la rénovation urbaine qu’investissent les groupes d’habitants autoorganisés.
Les projets menés à cette époque ne valorisent pas la « modernisation » [3] des logements (comme c’est le cas partout ailleurs) ni la construction de bâtiments neufs mais plutôt le retour d’un mélange des différentes fonctions urbaines dans les mêmes espaces : de petites usines réapparaissent, des espaces communs sont revalorisés, des jardins d’enfants sont construits.
Dans les années 1980, Kreuzberg est toujours le quartier le plus pauvre de Berlin Ouest.
Kreuzberg dans Berlin réunifiée…
Avec la chute du Mur, Kreuzberg redevient un quartier central de la ville, un quartier de passage, de transit. Mais il voit une partie de sa population migrer vers l’Est, dont les bâtiments non rénovés proposent des prix très attractifs pour les étudiants et les artistes à la recherche de grands ateliers.
L’argent des programmes de rénovation urbaine ne se déverse désormais plus sur Kreuzberg mais sur les quartiers de l’Est. Kreuzberg s’appauvrit, connaît un niveau de chômage jamais atteint. Les mobilisations habitantes ne parviennent plus à se fédérer.
Aujourd’hui, on trouve dans ce quartier de multiples exemples architecturaux de tous les types de rénovation urbaine qui ont été menés dans la ville.
Tout cela cohabite allègrement, et malgré la concurrence des quartiers de Friedrichshain, de Prenzlauerberg, ou plus récemment de Neuköln, Kreuzberg reste toujours un quartier très apprécié des Berlinois. Il y fait bon vivre, semble-t-il…
Infos :
Le musée se trouve au cœur du centre de Kreuzberg, vers la Kottbussertor, Adalbertstrasse 95A
Vous pouvez visiter le site du musée
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C’est par la mer qu’ils arrivent...
Ce samedi 5 janvier, Barcelone attend...
Ce samedi 5 janvier 2008, je ne reconnais plus Barcelone. Les rues sont vides...la ville semble endormie, fatiguée des fêtes ? Reprenant son souffle après une année difficile ? Même le soleil toujours présent se fait timide ! Sur les ramblas, les automates humains cherchent désespérément à attirer l’attention des touristes désoeuvrés. Sur la plage, les valeureux se jettent à l’eau, entourés de quelques adolescents surfeurs.
Désemparée, je me dirige vers mon "repère", La Barceloneta, habituellement toujours en mouvement, mais la aussi, ambiance somnolente, seul le linge qui sèche aux fenêtres fait vibrer les rues. Pause-café expliquative chez"Cal Papi", le café des pêcheurs, résistant au fameux "plan des ascenseur" qui menace le quartier.
On me dit que Barcelone prépare SA fête. Ici ce n’est pas Noël que petits et grands attendent, mais l’arrivée des Rois Mages !
De fait, à l’heure où le soleil se couche, tout s’anime. C’est vers le port que les familles convergent en masse, guidées par la cour des Rois Mages, haute en couleurs et en fanfare.
Ici, pas de dromadaires, ni de caravanes, mais un magnifique voilier qui s’approche lentement, où trônent Melchior, Gaspard et Balthazard. C’est vrai qu’ils sont magiques et éblouissants.
Leur acostage déclenche les tambours, les chants et les cris de joie des enfants. Ils portent avec eux les milliers de lettres rédigées par les petits, et ceux-ci trépignent d’impatience en espérant avoir été assez sages pour être exaucés.
Jusqu’à une heure avancée de la nuit, le cortège suivit de 500000 personnes, selon la presse, sillonne la ville, distribuant bonbons et cadeaux. Moments intenses, magiques et populaires qui marquent une trêve dans le quotidien.
Ville complexe, mondialisée et ouverte sur le monde, en proie à la spéculation et à tous les maux des métropoles, Barcelone, la catalane, confie l’espace de quelques heures ses espérances et ses rêves au vieux mythe des Mages...a t-elle été assez sage pour qu’ils s’accomplissent... ?
Pour ce début d’année, ce sera mon clin d’oeil avant de retrouver les "okupas", la participation des habitants et bien sûr le "plan des ascenseurs" !
L’espace d’un instant, tournez vous vers la mer, c’est par là qu’ils arrivent pour répondre à vos voeux.
BONNE ANNEE 2008 !
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Dans l’arrière cour des Etats Unis
Alors qu’en France, Noël et le nouvel an ont déchaîné la fièvre consumériste, Cuba indolente et sa voisine Haïti sont plus mesurées.
A Santiago ou La Havane, faire ses courses relève du défi. L’île de Castro est depuis plus de 40 ans sous embargo. Les rues sont marquées par la situation économique. Les transports d’abord. Profusion de chevaux et de taxi-bicyclettes [4] . Les mêmes charettes transportent les denrées, fruits et légumes, pour les vendre au coin d’une rue ou dans des marchés de... 2 étals. Tomates, oranges, bananes, oignons, concombres. Voilà à peu près toute la variété de la production locale qui arrive dans les villes. Le distributeur de pain rationné se balade de porte en porte avec sa huche à roulette. De temps à autre on croise un boucher ou un poissonnier, bien seul dans son échoppe vide. En cas d’arrivage, il y a la queue. Les supermarchés sont emplis de soda, de rhum et d’huile. Les prix sont en dollar convertible. Là réside toute l’hypocrisie de l’économie cubaine.
- Une voiture des années 50 sous le regard du Che
Les salaires sont en pesos nationaux. Mais l’achat de denrées telles quel le savon - le savon rationné est inutilisable - nécessite d’avoir des dollars convertibles. Ces dollars proviennent des touristes. Un Cubain sans contact avec les étrangers est donc de facto exclu de ce marché. Le marché noir fonctionne également en partie avec ces dollars convertibles. Autrement dit, sans pesos, tout est hors de prix pour un salarié moyen.
En Haïti, pas de blocus : c’est la situation inverse. Ce sont les produits d’importation qui étranglent le pays. Le prix du panier de la ménagère aurait augmenté d’au moins 25 % en un an. Les fruits et légumes sont un poil plus variés qu’à Cuba, mais rarement issus de la production locale. Tout comme la viande ou les vêtements. Quant à la production industrielle elle est essentiellement tournée vers l’export. Les usines sont dans des sortes de zones franches, où les syndicats sont quasi proscrits...
Cuba, Haïti. Malgré des rapports totalement différents avec le grand voisin américain, le prix du riz est le même. Des quotidiens impossibles qui sont le fruit, d’une part d’une opposition radicale, d’une autre d’une collaboration à tout crin. L’arrière cour des Etats Unis porte bien son nom...
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Gouvernement belge : cadeau de Noël... mais intérimaire.
La Belgique semble enfin sortir de la crise qui a suivi les élections législatives du 10 juin dernier. Le roi Albert II salue la formation du gouvernement intérimaire Verhofstadt III et lance un appel en faveur d’un « rapprochement » entre les Communautés et Régions, ainsi qu’à un meilleur apprentissage des langues nationales.
Novembre 2007. Je débarque en Belgique totalement à jeun de la situation politique. Je sais seulement que depuis le mois de juin le pays traverse une grave crise politique. J’arrive, et quotidiennement à la télé, à la radio, dans les journaux, dans le discours des gens la crise avec ses petites avancées et ses soudaines régressions est en tête des préoccupation. Pour moi, ce n’est pas facile à suivre, et je crois que parfois même les belges ont du mal à s’y retrouver.
Un matin au Ciré, l’association où j’accomplis ma mission, tout le monde commence à parler de BHV. Pour moi, qui ai du mal avec les sigles depuis mon arrivée en France, BHV ne veut rien dire. Heureusement mes collègues sont là, prêts à m’expliquer : BHV signifie Bruxelles-Hal-Vilvorde. Il s’agit d’un arrondissement judiciaire et d’une circonscription électorale de Belgique.
J’apprends que cet arrondissement comprend la Région de Bruxelles-Capitale et une partie de la Région flamande. Cet arrondissement garantit l’accès à un appareil judiciaire bilingue aux habitants de la périphérie bruxelloise (qui vivent dès lors en Région flamande) de même que la possibilité de voter pour des candidats francophones bruxellois lors des élections législatives et européennes.
Je commence à découvrir la complexité de la structure fédérale belge... et les problématiques qui en découlent. Car en octobre dernier, les partis flamands ont introduit une proposition de loi visant à scinder la circonscription électorale de BHV. Pour les francophones de Hal-Vilvorde, la scission de BHV signifierait la fin des prérogatives dont ils bénéficient actuellement. Autrement dit, ils ne pourraient plus voter pour des candidats bruxellois aux élections législatives et européennes, ni se faire entendre en français devant les juridictions. Les partis francophones sont par conséquent opposés à tout projet de scission de BHV.
Le matin en question, lors d’une session les partis flamands avaient avancé le vote de la proposition de loi relative à la scission, et les partis francophones, en réponse, avaient quitté la séance.
L’absence de gouvernement au niveau national et les rumeurs d’une possible scission de la Belgique n’aident pas. Je me retrouve encore une fois devant le fait qu’il n’est pas facile de gérer les différences, même dans un pays démocratique qui a une longue histoire de cohabitation entre deux peuples de culture et de langue différentes, les Wallons et les Flamands.
Le problème de la langue n’est pas de moindre importance en Belgique. Pour les francophones, l’apprentissage du flamand constitue un grand défi qui commence sur les bancs d’école et qui fait des victimes dans les carnets scolaires. Ils font face au problème qui concerne l’apprentissage de toute langue étrangère : pour apprendre il faut pratiquer. Et quand on fait partie d’une communauté, il n’est pas évident de pratiquer la langue de l’autre. Preuve en est, en Belgique on peut faire un Erasmus à l’intérieur du pays, dans l’autre région linguistique. Jusqu’à maintenant la plupart des flamands avaient un bon niveau de français, mais la nouvelle génération fait de la résistance et préfère apprendre l’anglais. Moi, je me suis déjà retrouvée face à des jeunes flamands qui ne parlaient pas un mot de français. Oui, en Belgique il peut arriver de ne pas pouvoir communiquer avec un compatriote.
Tous les jours on peut trouver une question pour alimenter la polémique, la semaine dernière c’était : « La nouvelle miss Belgique, d’origine tchèque, qui parle couramment français, tchèque et anglais, ne parle pas flamand ! ». Malgré cela, les sondages montrent que les Belges continuent à vouloir le maintien d’une Belgique unie.
Et voilà que dans la nuit entre le 18 et le 19 novembre le cadeau de Nöel arrive : un accord pour la formation d’un gouvernement s’est dégagé. Il s’agit d’un gouvernement intérimaire qui va durer trois mois. Le père Noël ne fait pas non plus de miracles !
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La terre est verte comme une orange
La semaine dernière, j’ai rencontré un fabriquant d’orange. Il m’a fait visiter son usine. Je suis repartie avec une caisse de clémentines étincelantes sous le bras, et dans la tête une certitude qu’on ne m’enlèvera plus : les oranges ne poussent pas dans les arbres ! Non, non, non… on les fabrique. Et ensuite on les cire… alors forcément depuis j’en parle pour que tout le monde soit au courant : « ! joder, ils cirent les oranges ! »
• Y’a les incrédules : « Oui et puis ils peignent les fraises en rouge aussi… et sinon, ils pileraient pas de l’ecstasy hallucinatoire, dans la marie-jeanne andalouse ? »
• Y’a les Espagnols : « T’inquiète pas, c’est pour empoisonner les Français. » (Ce qui me rassure vous pensez bien ! )
• Y’a les gens du SOC « Eh, Manue, on va à une réunion avec des banquiers, on emmène tes clémentines ? »
Et puis y’a ceux qui savaient, et qui ne m’avaient rien dit…
Des copains : « Je sais, ouais, j’avais vu ça dans un reportage. » Ma mère : « Mais enfin ma puce, ça se voit quand même qu’elles ne brillent pas de manière naturelle ». Qu’est ce que j’y connais moi, à l’orange naturelle ? Je n’en ai jamais vu sur un arbre des oranges. Alors voilà, pour tous les crédules qui avaient une confiance démesurée envers les oranges et les clémentines, confiance bien compréhensible, étant donné que pour moi jusqu’à la semaine dernière, une clémentine sentait noël, et que Renaud avait chanté que son oranger avait fleuri et donné les fruits sucrés de la liberté… cessons d’être naïfs, et sachons que sur notre planète qui n’est plus bleue comme une orange, on cueille les oranges vertes.
L’orange ne sent plus noël. Elle ne peut plus sentir noël étant donné qu’on en produit de septembre à juillet, et qu’en août on la sort d’une chambre froide pour qu’il y en ait quand même sur le marché. Ce qui veut dire qu’il y a de l’orange de septembre à septembre, et comme on n’est pas noël toute l’année... J’ai demandé au fabriquant quelle était la saison naturelle de l’orange, et là une réponse étrange est sortie de sa bouche : « l’orange est mûre mi novembre, mais il faut attendre mi décembre pour qu’elle soit mûre et orange. ». Ecarquillement de mes yeux… incompréhension… explication : « L’orange est mûre quand elle est verte. On la cueille, on la met dans un entrepôt entre 18 et 22 degrés à 100% d’humidité et on envoie un gaz qui est un mélange d’éthylène (…) jusqu’à ce que l’orange prenne la couleur complète. Disons qu’on trompe le fruit, en fait. »
Quand elle arrive du champ, l’orange est plongée dans un bain de fongicide : Orthophénylphénol et Imazalil qui lui servent de protection extérieure pour éviter le pourrissement et allonger le temps de conservation. On la stocke, et on la gaze pour la rendre orange. Ensuite on la lave, forcément elle est pleine de fongicide, eh, ils sont pas fous, et puis elle passe dans une machine qui la brosse et la cire, pour qu’elle brille telle une chaussure… C’est de la cire naturelle, pas d’inquiétude ! Elle se mange. Et pourquoi la cire-t-on ? Pour qu’elle soit belle pardi ! Parce qu’on ne va pas demander à une orange qui a passé des semaines dans une chambre froide, qui a été cueillie verte puis « déverdie artificiellement » … (Oui « déverdir », ou plutôt « desverdizar », c’est pas moi qui le dit, c’est le fabriquant d’orange) d’avoir goût d’orange. Alors pour compenser, on la fait briller, c’est logique.
Et pourquoi ne pas faire de l’orange écologique, ou juste non traitée ? « Faire de l’agriculture écologique implique une série de défaut sur la peau de l’orange, ici il y a la mouche méditerranéenne, le moustique… ce sont des problèmes qui touchent l’extérieur du fruit, et le marché n’est pas préparé pour des fruits avec des défauts de peau. Pour sortir un fruit propre, il faut un minimum de traitement. »
Alors comme nous ne sommes pas prêts pour des oranges au goût d’orange, ils les traitent, ils les cirent et ils les mettent dans des cagettes en partance pour la France et sur lesquelles on peut lire ... « Kado de la nature ».
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